BOOK REVIEWS
Dossier spécial électionsPortraits des candidats
LEE TENG-HUI
Soyons réalistes : demandons limpossible (Voyage à Cornell, mai 1995)
Né en 1923, au nord de Taipei. Docteur en agronomie (Cornell, New York, 1968). Président de la République. Candidat du Parti nationaliste chinois, dont il est le président. Campagne axée sur la fermeté face à la Chine et la visibilité de Taiwan sur la scène internationale ; slogan officiel de la campagne : Dignité, vitalité, grande édification (zunyan, huoli, da jianshe).
Après des études supérieures à Kyoto qui lui donnent son amour du Japon, Lee rentre à Formose en 1946 et sinscrit à lUniversité de Taiwan où il se lie damitié avec Peng Ming-min. Il semble quil adhère à un groupe détudiants de sensibilité communiste, il participe, selon ses détracteurs, aux manifestations des 27 et 28 février 1947. Avec la tourmente politique qui suit, il prend alors une direction opposée à celle de Peng, intégrant le système politique en place. Remarqué en 1972 par Chiang Ching-kuo, qui vient dêtre nommé premier ministre, Lee est désigné maire de Taipei (1978-1981), puis gouverneur de la province (1981-1984), enfin vice-président (1984-1988). En dix ans seulement, de 1978 à 1988, il aura gravi tous les échelons de la voie royale : le 13 janvier 1988, après le décès de Chiang Ching-kuo, il prête serment comme président pour achever le mandat de Chiang, avant dêtre élu le 8ème président de la République en 1990.
Lien Chan, son premier ministre et colistier élu vice-président, apparaît comme un homme de dossiers. Né à Xian en 1936, ce Taiwanais dorigine (sa famille est de Tainan) est marqué par ses premières années sur le Continent, et reste plus mesuré que Lee dans sa politique chinoise. Homme très riche (sa fortune avoisine officiellement 400 millions de dollars NT, Lien Chan a eu un parcours très varié. Après un début comme universitaire (1968-1975), il est nommé ambassadeur (1975-1976), ministre des communications (1981-1987), ministre des affaires étrangères (1988-1990), puis gouverneur de la province (1990-1992). Il remplace Hau Po-tsun comme chef de gouvernement en février 1993, achevant la taiwanisation de lexécutif de la République.
PENG MING-MIN
Découvrir Taiwan, achever lhistoire inachevée (Slogan de campagne, décembre 1995)
Né en 1923 à Taichung. Docteur en Droit (Sorbonne, Paris, 1954). Sans poste officiel. Candidat du Parti démocrate progressiste. Campagne axée sur lindépendance de facto de lîle et la découverte de Taiwan après 50 ans de régime nationaliste. Slogan officiel : paix, dignité, président de Taiwan ( heping, zunyan, Taiwan zongtong).
Ses études supérieures débutent au Japon, comme celle de Lee Teng-hui, avec lequel il présente plus dune similitude, avant la seconde guerre mondiale. Nommé directeur du département de science politique de lUniversité de Taiwan (comme Lien Chan plus tard); il commence par être coopté par le KMT qui voit en lui un intellectuel taiwanais prometteur. Chiang Kai-shek en personne le nomme conseiller auprès de la délégation de la République de Chine à lONU, à lépoque le plus haut poste jamais occupé par un Taiwanais. En 1964, alors que Taiwan sort à peine de la période dite de la terreur blanche, il co-signe un célèbre manifeste appelant à lindépendance de lîle, le Manifeste pour une auto-délivrance de Taiwan (Taiwan zijiu xuanyan), qui révèle ses positions et lui vaut la prison. Sur ordre de Chiang, sensible aux critiques internationales, il est cependant mis en résidence surveillée, doù il sévade en 1970, pour vivre en Europe et aux Etats-Unis (où il écrit ses célèbres Mémoires, A Taste of Freedom), jusquà ce que son ancien camarade, Lee Teng-hui, déjà président depuis quatre ans, se décide à le laisser rentrer sur lîle, en novembre 1992. Célèbre parmi les Formosans de létranger, Peng jouit à Taiwan du qualificatif pompeux de père de lIndépendance mais ne dispose daucun soutien dans un Parti démocrate progressiste qui ne la jamais compté comme membre actif Peng a adhéré au parti en mars 1995 avant de se porter candidat. Peng est victime avant tout de sa méconnaissance de la politique locale taiwanaise, de son idéologie taiwanaise déphasée par rapport à lévolution idéologique du PDP, et dun phénomène Lee Teng-hui qui pousse de très nombreux militants du PDP à voter pour ce dernier.
Son colistier, Hsieh Chang-ting, est un avocat rendu célèbre par sa participation à la défense des accusés; lors du procès des événements de Kaohsiung en 1979. Il est un co-fondateur du PDP, à qui il a donné son nom et co-auteur de sa plate-forme originelle. Intellectuel indépendantiste de la jeune génération (il a 50 ans), il est proche de Chen Shui-bian, le maire de Taipei, avec lequel il participera peut-être à la renaissance dun parti en plein désarroi idéologique.
LIN YANG-KANG
Lee Teng-hui a clairement lintention de détruire le Parti et de trahir le pays (Lettre ouverte à tous les Camarades du Parti, 9 décembre 1995).
Né en 1927 à Tainan. Licence de lUniversité de Taiwan. Ex-vice-président du KMT. Candidat indépendant. Campagne axée sur la théorie des sentiments indépendantistes de Lee Teng-hui et des dangers de sa politique extérieure. Slogan officiel de la campagne : Nouvelle direction politique, nouvel ordre, nouvel espoir).
Poids lourd du Parti nationaliste, Lin a dabord été magistrat dans le district de Nantou. Il a ensuite gravi les échelons de ce qui semblait le parcours idéal dun futur président : maire de Taipei (1976-1978), gouverneur de la Taiwan (1978-1981), ministre de lintérieur (1981-1984). Cest en 1984 que sa destinée change de cap au profit de Lee Teng-hui, choisi comme vice-président par Chiang Ching-kuo, qui donne à Lin le poste sans importance de vice-premier ministre (1984-1987). Nommé ensuite président du Yuan judiciaire, il sen retire en juillet 1994 pour préparer une campagne présidentielle quil mènera dès le départ sans lappui du Parti et en compétition avec son président ; ce qui conduit en décembre 1995 à son exclusion du KMT, officiellement pour avoir soutenu le Nouveau parti dans la campagne pour les Législatives du même mois. Bien que Taiwanais de souche, Lin considère que Taiwan est trop petite et trop fragile face à la Chine et quelle doit savoir composer sans pour autant se sacrifier : pas dunification précipitée, pas dindépendance du tout était lun des thèmes de sa campagne.
Son candidat à la vice-présidence, le continental Hau Po-tsun, a été premier ministre de 1990 à 1993 et chef de file de lopposition à Lee au sein du KMT. Un temps général le plus gradé de larmée, ce fut lun des vainqueurs de la bataille de Quemoy du 23 août 1958. Il a été par étapes mis à lécart par Lee, qui lui imposa dabord de prendre sa retraite militaire en échange du poste de premier ministre (1990), puis le remercia en 1993, avant de lexclure du Parti avec Lin en décembre 1995.
CHEN LI-AN
Il ne faut pas craindre des erreurs sociales, ni seffrayer de la difficile gestion dun pays, mais redouter de ne pas oser se regarder soi-même en face ; ne pas oser reconnaître ses erreurs, cest là la source de la ruine et du chaos. (Document de collecte des signatures en vue de lenregistrement officiel des candidatures, novembre 1995.)
Né en 1937, dans le Zhejiang. Candidat indépendant. Campagne axée sur la nécessité de lintrospection morale et de lhumilité de lhomme politique. Slogan officiel de la campagne : la paix pour sauver taiwan (heping jiu taiwan).
Il est lun des fils de Chen Cheng, le bras droit de Chiang Kai-shek, qui fut nommé gouverneur de lîle après les tragiques événements de 1947, et supervisa la révolution agraire dans les années 50. Malgré ses origines familiales augustes, Chen Li-an ne se destinait pas à la politique, car son père avait voulu léviter en lenvoyant aux Etats-Unis. Cest cependant par le biais de ses connaissances scientifiques (diplômé du MIT) quil entre dans les rouages dy système de lEtat-parti nationaliste, puisquil est nommé directeur du département scientifique du ministère de léducation en 1972. En 1979, il obtient sa première fonction au KMT, comme directeur du département de lorganisation du Comité central, dont il est vice-secrétaire général entre 1980 et 1984. Son ascension na pas été celle du parcours royal : nommé ministre des affaires économiques (1988-1990), ministre de la défense un titre sans grand pouvoir à Taiwan (1993-1995), il reste à lécart du panthéon nationaliste. Chen est connu pour son honnêteté et pour sa pratique assidue du bouddhisme. En février 1994, il se décide, après des années de réflexion, à devenir moine. Mais, face au bouleversement occasionné par le voyage de Lee à Cornell, il quitte le KMT et annonce sa candidature aux présidentielles.
Arrivé dernier lors du scrutin, son ticket (avec Wang Ching-feng, une juriste taiwanaise de 44 ans) a cependant attiré plus dun million délecteurs sans le soutien daucun parti.