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Dossier spécial électionsLa crise dans le détroit et l’élection présidentielle à Taiwan

Les élections présidentielles taiwanaises ont constitué un événement particulièrement important dans l’histoire politique non seulement de Formose mais du monde chinois dans son ensemble. Du fait de la Chine populaire, cette consultation s’est néanmoins déroulée dans un contexte de crise internationale. Si elle a plus nettement révélé les vulnérabilités de la société formosane, cette quatrième crise de Taiwan (1) a forcé les Etats-Unis à sortir d’une réserve stratégique qui faisait bien l’affaire de Pékin.

Pour Formose, cette consultation a marqué l’achèvement du processus constitutionnel de démocratisation entamé il y a maintenant huit ans par l’ancien président Chiang Ching-kuo, le fils de Chiang Kai-shek. En effet, si la démocratie taiwanaise reste encore à bien des égards perfectible, son cadre institutionnel est désormais entièrement fixé et son fonctionnement largement régularisé. Pour le monde chinois, cette élection constitue à la fois un véritable défi et un enseignement pour l’avenir. Un défi car Taiwan est devenue la preuve vivante et tenace de l’inanité des thèses culturalistes affichées à Pékin ou à Singapour, thèses selon lesquelles existeraient des valeurs asiatiques rétives à l’esprit des Lumières. Au contraire, bien plus pétrie de confucianisme que la continentale, la société formosane a su trouver dans les principes à la fois de Montesquieu et de cette école de pensée, notamment de Mencius, les racines d’une idéologie démocratique moderne et universelle. Mais cette élection est aussi un enseignement pour l’après-Deng Xiaoping ou l’après-Lee Kuan Yew car Taiwan a montré qu’une transition en douceur et relativement rapide vers la démocratie était à la portée des états les plus autoritaires.

Toutefois, dans l’immédiat cette élection présidentielle a surtout élargi le fossé qui sépare Formose de la Chine populaire.; et la crise internationale que Pékin a provoquée quelques semaines avant les élections présidentielles taiwanaises marquera durablement l’équilibre des forces dans la région. En cherchant à tester à la fois les dirigeants de Taipei et l’administration Clinton, le Parti communiste chinois a forcé la seconde à abandonner de fait sa politique d’”ambiguïté stratégique” à l’égard de Taiwan. Désormais, une claire ligne de démarcation sépare le détroit de Formose dans sa partie médiane que l’Armée populaire de libération ne saurait à nouveau dépasser sans provoquer une réaction américaine probablement plus nette encore. Les Etats-Unis n’ont-ils pas recommencé d’une certaine manière à “contenir” la Chine ?