BOOK REVIEWS

Linda Fung-Yee Ng et Chyau Tuanr : Three Chinese Économies : China, Taiwan and Hong Kong

by  Francesca Cini /

Ce recueil d’articles peut intéresser différents types de lecteurs grâce à la variété des thèmes traités, unifiés par un remarquable effort méthodologique. Réunissant des articles généraux sur une unification hypothétique des trois économies chinoises ainsi que des papiers plus techniques concernant les économies de Taiwan et de Hong Kong, il tente d’analyser le potentiel de croissance de cette région : pourra-t-il se maintenir au niveau élevé qui a caractérisé ces dernières décennies?

Cette analyse fait apparaître, peut-être à l’insu des auteurs, le caractère hybride de l’économie, une discipline à mi-chemin entre les sciences exactes et les sciences humaines.

Cette relativisation de l’infaillibilité des prévisions économiques, à une époque ou la déception causée par la faillite des idéaux politiques a fait place à une tendance à considérer l’économie comme seul moyen de gouverner le monde, constitue un des principaux intérêts du livre. Les trois premiers articles nous présentent en effet les possibles scénarios du futur développement économique des trois Chines (République populaire, Taiwan et Hong Kong) en dégageant le rôle des facteurs politiques et culturels dans le développement économique, et par conséquent l’impossibilité de prévoir avec certitude un “avenir radieux” pour cette région, comme les médias en ont trop souvent pris l’habitude.

“Si le développement futur (des trois économies) continue d’évoluer dans une direction idéale, la naissance d’un solide “Triangle de croissance du Sud-est chinois” n’est plus très loin. L’intégration des leurs économies fera de cette Chine élargie une des principales puissances économiques mondiales... Néanmoins, si les choses tournaient mal, il se pourrait que les quatres décennies de développement économique de Taiwan et Hong Kong soient tout d’un coup ruinées” (1).

Autres qualités appréciables de ces textes spécialisés : l’homogénéité et la clarté. Si les premiers articles, de caractère plus général, s’adressent à un vaste public, les suivants, chargés de tableaux et de chiffres, s’adressent à première vue aux seuls économistes.

En réalité la structure de chaque papier rend les sujets les plus spécialisés compréhensibles même par un lecteur peu attiré par l’économétrie. Une présentation simple et précise annonce la cible de l’article et détaille les différentes étapes de l’analyse qui va suivre. Dans le cas des sondages (2) cette cible est bien définie, comme le sont les limites de l’échantillon. La conclusion clarifie en ouvrant souvent le débat sur les aspects contradictoires du problème traité.

C’est ainsi qu’une analyse de l’économie taiwanaise des années 80 sert à une discussion sur la théorie économique appelée “Dutch Disease”(3).

Si l’homogénéité de la présentation constitue un avantage, il n’en est pas de même du contenu.

Le commun dénominateur annoncé dans le titre, l’économie des “Trois Chines”, n’est pas tout à fait présent dans le corps du livre, puisque la majorité des articles concernent Taiwan, rendant l’ouvrage plus intéressant pour les spécialistes de cette “Chine” que pour ceux qui s’intéressent à Hong Kong et à la République Populaire.

La raison non déclarée de cette “préférence” est peut-être que l’économie taiwanaise est la plus diversifiée des trois, et qu’elle est donc susceptible de fournir un modèle pour les deux autres.

Les trois économies ont un problème : comment maintenir dans les années à venir le même rythme de croissance qui a caractérisé leur décollage économique des dernières vingt années; mais il est évident que le problème ne se pose pas de la même façon pour les trois.

Le futur incertain de Hong Kong après 1997, sa petite taille et son développement économique de plus en plus orienté vers la finance et les services l’empêchent d’être un modèle d’économie “complète”. La Chine, pour sa part, a le problème inverse et n’est pas encore sortie du sous-développement. Elle risque de faire régresser les deux autres “Chines” au lieu de les stimuler. Taiwan est donc la seule des trois qui puisse être analysée avec des critères économiques comparables à ceux utilisés pour les autres pays industrialisés de la planète.

A cet égard un des articles le plus intéressants du recueil est celui consacré à l’interdépendance de l’économie taiwanaise et de celle des Etats-Unis (4).

Les auteurs n’ont pas oublié que les trois Chines ne constituent pas un îlot dans l’océan. L’avenir de la région est en effet soumis à une autre condition très importante: le développement économique du reste du monde et en particulier des Etats-Unis.

Le rôle fondamental joué par les Etats-Unis dans le développement de l’économie taiwanaise et, inversement, l’influence de celle-ci sur l’économie américaine, ajoutent une autre variante à l’équation complexe du “Triangle de croissance du Sud-est chinois”.