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Le nouveau gouvernement de Lee Teng-hui

Après moult spéculations aussi éreintantes que vaines, le 5 juin 1996, au cours de la réunion hebdomadaire du Comité exécutif permanent du Kuomintang, le président Lee Teng-hui décida de reconduire le premier ministre et désormais vice-président de la République de Chine, Lien Chan, dans ses fonctions à la tête du gouvernement. Trois jours plus tard, à l’issue d’une nouvelle bouffée médiatique d’échafaudages politiques qui allaient être par la suite souvent infirmés par la réalité, la liste des membres du nouveau gouvernement était arrêtée et rendue publique. Mais le large renouvellement des personnes auquel donna lieu ce remaniement ministériel fut rapidement supplanté par la polémique constitutionnelle déclenchée par les partis d’opposition sur le bien-fondé du maintien de Lien Chan à la tête du cabinet, notamment sans un nouvel assentiment du Yuan législatif.

Un remaniement en profondeur

Tout d’abord, ce remaniement ministériel n’a pas donné lieu à une ouverture politique où à des promotions spectaculaires. En effet, si nombre de nouvelles têtes apparaissaient (21 membres du cabinet sur 39, Lien Chan inclus), aucun représentant du Parti démocrate progressiste (PDP) et a fortiori du Nouveau parti (NP) n’a fait son entrée au gouvernement. Coupant court aux espoirs nourris par certains à la suite de la nomination le 22 mai de quatre responsables du PDP (dont Huang Hsin-chieh et Mme Lu Hsiu-lien) aux fonctions largement honorifiques de conseiller du président, le Yuan exécutif reste unicolore : non seulement tous ses membres appartiennent au KMT mais un nombre non négligeable des nouveaux venus (6 sur 21) est directement issu de l’appareil du Parti nationaliste : Tu Teh-chi, ancien directeur de la Commission à l’organisation du KMT, Chu Chi-ying, précédemment secrétaire général-adjoint du KMT, Wu Wan-lan, ancien responsable du bureau provincial du KMT, Mme Lin Cheng-chi, auparavant présidente de la Commission des femmes du KMT, Hua Chia-chih, ancien responsable du bureau du KMT du district de Pingtung et Huang Ta-chou, membre du Comité exécutif permanent du Parti et malchanceux (et incompétent) ex-maire de Taipei auquel son camarade d’université Lee Teng-hui a voulu manifester son indéfectible gratitude en le nommant à la présidence d’une commission qui a depuis longtemps perdu l’élan réformiste et l’influence qu’elle avait démontrés à la fin de l’ère Chiang Ching-kuo (cf. tableau).

Il faut évidemment ajouter à cette tendance au repli sur soi du KMT un certain nombre de limogeages de membres du Cabinet, dont le plus commenté fut le départ de Ma Ying-jeou de la direction du ministère de la justice. Son expulsion vers le haut au poste de ministre sans portefeuille ne trompe personne : ses campagnes contre les achats de voix et la corruption lui avaient attiré trop d’inimitiés au sein du KMT. Lee Teng-hui s’est donc trouvé placé devant l’insoluble alternative suivante : ou bien conserver ce ministre populaire et affronter l’indiscipline croissante des responsables locaux et des députés du Parti ; ou bien le sacrifier afin de tenter de remobiliser le KMT et surtout la courte majorité dont celui-ci dispose au sein du Yuan législatif (83 députés sur 164, en raison de deux défections récentes). Certes, Ma Ying-jeou n’a pas quitté le gouvernement et y reste responsable, en tant que ministre d’Etat, d’un certain nombre de dossiers dont la sécurité intérieure, le combat contre la corruption et la lutte anti-drogue. Mais son successeur, Liao Cheng-hao, est justement celui que Lee Teng-hui, afin de modérer les ardeurs de son dévoué serviteur, avait placé dès février 1995 à la tête du bureau des enquêtes du ministère de la justice. En dépit des professions de foi publiées, la lutte contre la corruption risque bien de marquer le pas.

Le remplacement de Lin Chen-kuo — qui devient également ministre d’Etat — à la tête du ministère des finances peut être attribué à des causes similaires : son projet d’augmentation des impôts afin de pouvoir payer les charges supplémentaires de la sécurité sociale a nourri les critiques à son égard et, de même que son prédécesseur en 1992 — l’un des responsables actuels du Nouveau parti, Wang Chien-shien, alors embourbé dans une réforme de la taxe foncière — a incité le président à changer d’homme... afin probablement de mieux mettre en oeuvre la même politique.

La troisième mutation qui semble avoir également eu pour objectif d’éviter tout délitement du groupe KMT au Yuan législatif est celle de Liu Chao-shiuan, ministre des transports et des communications, transféré à la présidence de la Commission nationale des Sciences : plus que son appui affiché à l’instauration de liaisons maritimes et aériennes directes avec la Chine populaire ou sa volonté personnelle d’en revenir à des tâches plus universitaires, c’est sa dénonciation des trafics d’influences politiques, notamment provenant de députés, en matière de contrats publics de transports, qui explique probablement son départ.

Le dernier changement important de portefeuille est le transfert de Chiang Ping-kun du ministère de l’économie à la Commission à l’édification économique, où il succède à Hsu Li-teh, qui reste cependant vice-premier ministre. Bien que les responsabilités quotidiennes de cette nouvelle position soient plus légères, celle-ci permettra à P.K. Chiang d’assister aux réunions annuelles de l’APEC et partant, suivant ainsi la voie tracée par Vincent Siew, de rehausser sa stature politique.

Qui sont les nouveaux venus ?

Outre les apparatchiks du KMT, le principal groupe est constitué de responsables de longue date du Yuan exécutif, en général de rang vice-ministériel (11 sur 21) et souvent promus au sein de la même administration (cinq), tels les ministres de la justice, des transports et des communications, Tsai Chao-yang, ou même, des finances, Paul Chiu, ancien gouverneur adjoint de la Banque centrale. Cette évolution participe de la professionnalisation du gouvernement central taiwanais. Quoiqu’elle ait chagriné le gouverneur Song Chu-yu, apparemment guère consulté sur ces débauchages intempestifs, la promotion de deux responsables expérimentés de l’administration provinciale — Lin Feng-cheng, le nouveau ministre de l’Intérieur, et Chiu Mao-ying, promu président de la Commission à l’agriculture — va également dans ce sens. En outre, deux universitaires font leur entrée dans le cabinet : Tsai Cheng-wen, professeur (francophone) de science politique et longtemps conseiller occulte de Lee Teng-hui, devient ministre d’Etat, tandis que Wu Jin, l’ancien doyen de l’Université Chengkung (Tainan) succède au francophone Guo Wei-fan à la tête du ministère de l’éducation.

Profond, ce remaniement gouvernemental a néanmoins des allures de nouvelle partie de chaises musicales. En effet, six importants responsables du nouveau cabinet ont simplement changé de fonctions : outre Ma Ying-jeou, Lin Chen-kuo, Chiang Ping-kun et Liu Chao-shiuan déjà cités, John Chang, le nouveau ministre des affaires étrangères, et Wang Chih-kang, promu ministre de l’Economie, détenaient déjà des postes moins prestigieux de l’ancien gouvernement (cf. tableau). Il n’en demeure pas moins que la nomination du fils “illégitime” de Chiang Ching-kuo à la tête de la diplomatie taiwanaise constitue un symbole que nul — pas même la Chine populaire — ne saurait négliger. En effet, frère aîné de Chang Hsiao-tse, le malheureux doyen de l’Université Soochow atteint d’une hémorragie cérébrale lors d’un voyage à Pékin en novembre 1994 et décédé en avril 1996, Chang Hsiao-yen appartient à une famille aujourd’hui particulièrement courtisée par les autorités continentales. Cependant, les prises de position de ce dernier après son entrée en fonction risquent de décevoir Pékin tout en redonnant un peu de dynamisme à une machine diplomatique qui, notamment en raison des déceptions personnelles rencontrées par son prédécesseur, Fredrick Chien, s’était notablement essoufflée ces dernières années (1). Par cette nomination, Lee Teng-hui n’a-t-il pas justement voulu montrer à Pékin que les continentaux les plus illustres de la République de Chine savaient défendre avec la même ardeur que les Taiwanais de souche les intérêts et l’image de Formose sur la scène internationale ?

Quant à la nomination de Wang Chih-kang, elle semble avoir été principalement motivée par les compétences techniques de cet ancien professeur d’économie à l’Université nationale de Taiwan.

Il n’en demeure pas moins que douze membres du cabinet, et non des moindres ont été reconduits dans leurs fonctions et par là-même assurent aujourd’hui une continuité de la politique gouvernementale, symbolisée plus qu’il n’en fallait par le maintien controversé de Lien Chan à la tête du Yuan exécutif. Parmi ces responsables, il faut citer le vice-premier ministre Hsu Li-teh qui perd toutefois la présidence de la Commission à l’Edification économique, Chiang Chung-lin, le ministre de la Défense, et Chang King-yu, le président de la Commission aux affaires continentales, nommé en février 1996.

Si pour la première fois, les Taiwanais (20 sur 39 contre 15 sur 35 en février 1993) sont plus nombreux que les Continentaux (19 sur 39 contre 20 en 1993) au sein du gouvernement, ces derniers restent sur-représentés. Cette disparité n’est-elle pas l’expression du fossé persistant entre la répartition sociologique des talents et la carte politique du pays, entre un bras exécutif composé d’administrateurs souvent compétents mais parfois coupés des réalités et un bras législatif dominé par des politiciens à l’écoute de leurs électeurs et surtout de leurs intérêts économiques locaux ? L’on aurait cependant tort de trop insister sur une distinction communautaire qui, comme le montre la promotion de Su Chi — le nouveau directeur du Bureau d’Information du gouvernement d’origine continentale mais né à Taiwan en octobre 1949, une date charnière dans l’histoire de la Chine — perd peu à peu de sa pertinence.

Enfin, les femmes ne sont guère plus nombreuses que dans le précédent cabinet (5 contre 3) et restent en général chargées de domaines, tels la santé et la culture, que les hommes aiment à leur concéder.

Une organisation gouvernementale pratiquement inchangée

L’organisation du gouvernement n’a pas connu de modifications importantes, apportant ainsi un démenti aux spéculations avancées au début de l’année, concernant en particulier la création de ministères du travail, de l’agriculture et de la culture (2). L’on aura noté l’établissement d’une commission aux affaires aborigènes (yuanzhumin weiyuanhui) principalement motivée par le souci du gouvernement d’obtenir le soutien des voix des six députés austronésiens du KMT. Cette entreprise a été moyennement couronnée de succès dans la mesure où déjà deux de ces parlementaires ont rejoint les banc des “sans parti” (Tsai Chun-han et Walis-Pelin). Signalons également que deux autres administrations ont été fondées depuis la formation en février 1993 du gouvernement précédent : la Commission chargée de la Protection des Consommateurs en juillet 1994 et la Commission chargée de la Construction publique en août 1995.

Enfin, le rôle des ministres d’Etat sans portefeuille (buguan buhui zhengwu weiyuan) n’a pas encore été rendu public. Protocolairement placés en haut de la hiérarchie gouvernementale et membres à part entière du Conseil des ministres, ces responsables se répartissent, sur recommandation du Premier ministre, les grands domaines d’activité du Yuan exécutif. Ainsi, Mme Shirley Kuo est chargée de l’économie, Lin Chen-kuo, des finances, Ma Ying-jeou, des secteurs décrits plus haut, Yang Shih-chien des sciences et techniques, Tu Teh-chi, des affaires intérieures, Mme Yeh Chin-feng, des relations avec le continent et Tsai Cheng-wen, de la politique étrangère, de l’éducation et de la culture (3). S’ils ne disposent pas d’importants services, ils doivent être consultés sur tous les projets préparés par les administrations relevant de leur domaine de compétence et aucune décision ne peut être prise par celles-ci sans qu’un accord ou un compromis ne soit intervenu avec le ministre d’Etat concerné. Quoiqu’aussi nombreux (sept) que dans le cabinet précédent, aucun des ministres d’Etat du nouveau gouvernement ne cumule son poste avec la direction d’un ministère ou d’une commission. Ainsi, ces derniers auront-ils plus le temps de jouer réellement le rôle qui est censé être le leur.

Au total, en dépit des changements intervenus, ce remaniement ministériel est à bien des égards décevant. Si 43% des personnes interrogées dans les sondages se déclarent satisfaites des nouvelles nominations, 34 % (contre 9% en février 1993) sont d’un avis contraire (4). Cette bouderie de l’opinion n’est pas étrangère à la polémique relative à la constitutionnalité du maintien de Lien Chan au poste de Premier ministre.

Impasse constitutionnelle ?

Le problème constitutionnel posé par ce maintien est double : d’une part, un certain nombre d’hommes politiques et de juristes (notamment de l’opposition) estiment que le nouveau vice-président de la République ne peut cumuler ses nouvelles fonctions avec celles de Premier ministre ; d’autre part, ces mêmes personnalités demandent au président de la République de procéder à une nouvelle nomination du chef du Yuan exécutif, afin que celle-ci puisse être approuvée (ou repoussée) par le Yuan législatif.

Concernant le premier point, bien que la constitution de la République de Chine reste muette à ce sujet, il faut bien admettre que la formule est originale, quoique non sans précédent dans l’histoire de Taiwan : en effet, par deux fois, le président Chiang Kaï-shek a refusé la démission de son Premier ministre après que celui-ci fut promu vice-président de la République, la première fois en 1960 (Chen Cheng, le père de Chen Lu-an), et la seconde fois en 1966 (C.K. Yen). Il n’en demeure pas moins qu’à l’image du vice-président américain, le deuxième personnage de l’Etat taiwanais “n’est rien aujourd’hui et peut devenir tout demain”, selon la formule consacrée. Si Lee Teng-hui souhaite faire de Lien Chan son dauphin, peut-il réellement le laisser quatre années sans aucune responsabilité administrative ? Afin d’être présidentiable en 2000, Lien Chan a tout intérêt à rester au sommet de l’actualité politique pendant encore au moins deux ans. Et l’on ne peut en toute honnêteté intellectuelle, accuser Lee de violer la Constitution sur ce point.

Le second problème est également plus politique que constitutionnel. Le 16 mai 1996, quatre jours avant son entrée en fonction en tant que vice-président, Lien Chan présenta la démission de son gouvernement à Lee Teng-hui. Après avoir laissé planer le doute quelque temps, le président refusa cette démission et invita Lien à lui “recommander” une nouvelle liste des membres du cabinet (art. 56 de la Constitution). Ainsi, Lien évitait de devoir une fois encore faire approuver sa nomination par un Yuan législatif de moins en moins acquis. La marge de manoeuvre dont disposait Lee était en effet étroite car tout autre candidat à la présidence du Yuan exécutif — tels Wu Po-hsiung, le secrétaire général de la Présidence de la République, ou Hsu Li-teh —aurait recueilli encore moins de voix que le Premier ministre démissionnaire. Mais c’était sans compter avec la volonté depuis longtemps affichée du Parlement d’élargir ses pouvoirs au détriment de l’exécutif.

C’est pourquoi, mimant tant que faire se peut la lutte permanente que se livrent aux Etats-Unis le Congrès et la Présidence et ravivant dans les faits une “grande conciliation” (dahejie) plus guère évoquée, le 11 juin, les députés taiwanais du PDP et du NP (avec l’aide de quelques parlementaires KMT) sont parvenus à adopter par 80 voix contre 65 une motion demandant à Lee Teng-hui de “procéder le plus tôt possible à une nouvelle nomination du Premier ministre et de soumettre cette décision à l’approbation du Yuan législatif”. Bien que non contraignante, cette motion ne pouvait qu’affaiblir la position tant de la présidence que du nouveau cabinet. Il s’ensuivit une période de crise constitutionnelle dont la seule issue véritable paraît être l’adoption d’un compromis entre le KMT et le PDP.

Sur le plan juridique, l’argumentation de la présidence est assez forte et le recours engagé par les députés de l’opposition devant un Yuan judiciaire entièrement nommé par Lee Teng-hui a peu de chances, lorsque celui-ci aboutira (et s’il aboutit), c’est-à-dire pas avant une année, de contredire l’interprétation avancée par ce dernier. Il faut ajouter à cela que rien n’oblige un président élu au suffrage universel de changer de Premier ministre au lendemain de sa réélection ni d’ailleurs d’une élection parlementaire. L’on pense évidemment à l’exemple français. Le général de Gaulle ne conserva-t-il pas Georges Pompidou après sa réélection en 1965 ? Il s’agit là beaucoup plus d’une tradition politique que d’une règle constitutionnelle. Tout en “regrettant” la décision des parlementaires, le message de presse publié par la Présidence le 19 juin reprenait d’une certaine manière cette interprétation (5).

Il n’en reste pas moins que l’obstacle politique auquel fait face le gouvernement est réel. Depuis l’adoption de cette motion, les députés des partis d’opposition boycottent, avec un art de la sélection qui tient plus de l’improvisation que d’une stratégie concertée du PDP et du NP, les membres du nouveau gouvernement venus présenter leur politique en session.

Le gouvernement a bien cherché à contourner cette nouvelle difficulté en tentant d’utiliser les dispositions de la Constitution qui lui permettent de contraindre le Yuan législatif à “reconsidérer” (fuyi) son premier vote et à approuver une “politique importante” avec seulement un tiers des députés présents lors du premier vote (article 57, al. 2). Mais la composition même de la commission de l’ordre du jour du Yuan législatif (10 KMT, 7 PDP, 2 NP, 1 indépendant proche du PDP) interdit pour l’heure au pouvoir de recourir à ce qui pourrait un jour devenir le “49-3” de la Constitution taiwanaise. Ainsi, le 18 juin, cette commission parvint à bloquer l’inscription à l’ordre du jour d’un nouveau vote sur le projet de quatrième centrale nucléaire repoussé par le Parlement le 24 mai (6).

Le problème politique est aujourd’hui triple pour le KMT. Premièrement, la direction du Parti nationaliste affronte la fronde de nombreux députés qui depuis longtemps refusent de jouer les “godillots” du gouvernement. Dans les circonstances actuelles, l’on voit mal les parlementaires du KMT se plier à une stricte discipline de vote. Le refus d’une vingtaine de députés de la majorité de se rendre à un dîner offert par Lien Chan le 17 juin dans le but de “remobiliser ses trou- pes” augure mal de l’avenir. Deuxièmement, le pouvoir a parallèlement entrepris des négociations avec le PDP. L’élection de Hsu Hsin-liang le 15 juin à la présidence de ce parti et la rencontre entre ce dernier et Lee Teng-hui au début juillet pourraient favoriser un certain compromis entre les deux formations, tout au moins afin d’éviter de trop gripper le fonctionnement des institutions. Mais quelles concessions le KMT va-t-il — ou plutôt peut-il — accorder au Parti indépendantiste ? Le KMT table plutôt sur une montée des dissensions entre le PDP et le NP qui n’ont en commun que cette volonté d’affaiblir le pouvoir en place. Troisièmement, guère impressionnée par le récent remaniement ministériel, l’opinion semble se lasser de ces querelles politiciennes et paradoxalement, tend à prendre le parti du Yuan législatif. Certes, le blocage de la discussion budgétaire provoqué par les députés de l’opposition ne reçoit l’assentiment que de 34% des personnes interrogées (contre 42% qui le condamnent) ; mais un autre sondage indiquait que 48% des personnes interrogées estimaient que Lien Chan devait voir sa nomination à nouveau approuvée par le Parlement (contre 19% qui pensaient le contraire). Quoi qu’il en soit la confusion politique actuelle contribue à la baisse de la cote de popularité de Lee Teng-hui (62% contre 69% quelques jours auparavant) (7).

La question à plus long terme est l’évolution du système politique taiwanais. Régime présidentiel ou parlementaire ? Le vrai-faux débat lancé par l’opposition masque une réalité qui milite en faveur du présidentialisme : tant la marque de Chiang Kaï-shek sur les institutions de 1947 que l’introduction récente de l’élection du président de la République au suffrage universel direct tendent à accorder au chef de l’Etat une prééminence que seul un Parlement dominé par l’opposition peut remettre partiellement en cause. Mais mettre en place, comme l’avait suggéré Lien Chan en avril, un véritable système présidentiel paraît encore aujourd’hui hors de portée, notamment en raison de la modeste majorité (55% des sièges) dont dispose le KMT... à l’Assemblée nationale (8).


ENCADRÉ

Liste des membres du Yuan exécutif de la République de Chine désignés le 8 juin 1996 (39 membres, 41 postes)

Premier ministre: Lien Chan* (T) (vice-président de la République, vice-président du KMT)

Vice-premier ministre: Hsu Li-teh* (C) (membre du Comité exécutif permanent du KMT)

Ministres d’Etat sans portefeuille (sept):

- Shirley Kuo (Kuo Wan-jung)(f.)* (T) (membre du Comité exécutif permanent du KMT)

- Lin Chen-kuo ** (C) (ancien ministre des finances)

- Ma Yin-jeou ** (C) (ancien ministre de la justice)

- Yang Shih-chien (C) (ancien vice-ministre politique de l’économie)

- Tu Teh-chi (T) (ancien directeur de la commission à l’organisation du KMT)

- Yeh Chin-fong (f.) (T) (ancienne vice-présidente de la commission aux affaires continentales)

- Tsai Cheng-wen (T) (professeur à l’université nationale de Taiwan)

Ministre de l’intérieur : Lin Fong-cheng (T) (ancien vice-gouverneur politique de la province de Taiwan)

Ministre des affaires étrangères : John Chang ** (Chang Hsiao-yen) (C) (ancien président de la commission chargée des Chinois d’outre-mer, membre du comité exécutif permanent du KMT))

Ministre de la défense nationale : Chiang Chung-ling * (C) (membre du comité exécutif permanent du KMT)

Ministre des finances : Paul Chiu (Chiu Cheng-hsiung) (T) (ancien gouverneur-adjoint de la Banque centrale)

Ministre de l’éducation : Wu Jin (C) (ancien doyen de l’Université Chengkung)

Ministre de la justice : Liao Cheng-hao (T) (ancien directeur du bureau des enquêtes du ministère de la justice)

Ministre de l’économie : Wang Chih-kang ** (C) (ancien président de la commission chargée du maintien de l’équité dans le commerce)

Ministre des transports et des communications: Tsai Chao-yang (T) (ancien vice-ministre politique des transports et des communications)

Président de la commission aux affaires mongoles et tibétaines : Harry Lee (Lee Hou-kao) * (C)

Président de la commission chargée des Chinois d’outre-mer : James Chu (Chu Chi-ying) (C) (ancien secrétaire général-adjoint du KMT)

Secrétaire général du Yuan exécutif : Chao Shou-po * (T)

Directeur général du budget, des comptes et des statistiques du Yuan exécutif : Wei Duan (C) (ancien directeur-adjoint dudit bureau)

Directeur général du bureau d’administration du personnel : Chen Kang-chin * (T)

Directeur général du bureau d’information du gouvernement : Su Chi (C) (ancien viceprésident de la Commission aux affaires continentales)

Directeur général de l’administration de la santé : Chang Po-ya (f.) * (T)

Directeur général de l’administration chargée de la protection de l’environnement : Tsai Hsung-hsiung (T) (ancien vice-président de la commission à l’édification économique)

Conservateur du musée de l’ancien Palais impérial : Chin Hsiao-yi * (C)

Président de la commission aux affaires continentales : Chang King-yuh * (C)

Président de la commission à l’édification économique : P.K. Chiang (Chiang Ping-kun) ** (T) (ancien ministre de l’Economie)

Président de la commission d’assistance aux vétérans : Yang Ting-yun * (C)

Président de la commission nationale chargée de la jeunesse : Wu Wan-lan (C) (ancien responsable du bureau provincial du KMT)

Président de la commission à l’énergie atomique : Hu Chin-piao (T) (ancien vice-président de la commission nationale des sciences)

Président de la commission chargée de la recherche, du développement et de l’évaluation : Huang Ta-chou (T) (ancien maire de Taipei, membre du Comité exécutif permanent du KMT, membre de la commission à l’édification économique)

Président de la commission à l’agriculture : Chiu Mao-ying (T) (ancien directeur du département de l’agriculture et des forêts du gouvernement de la province de Taiwan)

Président de la commission nationale des sciences : Liu Chao-shiuan ** (C) (ancien ministre des transports et des communications)

Président de la commission chargée de l’édification culturelle : Lin Cheng-chih (f.) (T) (ancienne présidente de la commission des femmes du KMT)

Président de la commission du travail : Hsieh Shen-shan * (T)

Président de la commission chargée du maintien de l’équité dans le commerce : Chao Yangching (f.) (C) (ancienne directrice du département du trésor national du ministère des finances)

Président de la commission chargée de la construction publique : Ou Chin-teh (C) (ancien vice-président de ladite commission)

Président de la commission électorale centrale: Lin Fong-cheng (cumul)

Président de la commission chargée de la protection des consommateurs : Hsu Li-teh* (cumul)

Président de la commission aux affaires aborigènes*** : Hua Chia-chih (T) (ancien responsable du bureau du KMT du district de Pingtung)

* responsables reconduits dans leurs fonctions.

** membres du gouvernements ayant changé d’attributions.

*** Nouvel organisme du gouvernement

(f.) : femme

(T) : Taiwanais

(C) : Continental

Source : Zhongyang ribao (Central Daily News), 9 juin 1996, p. 1.