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Des Etats-Unis à la ChineHistorique des investissements taiwanais à l’étranger

Dans les années 60 et 70, le gouvernement taiwanais se préoccupe plus d’attirer les investisseurs étrangers afin d’assurer le développement économique de l’île que d’encourager les entrepreneurs de Taiwan à aller produire outre-mer. C’est tout l’objet de la promulgation en 1960 de la loi d’encouragement à l’investissement (Statute for Encouragement of Investment) et de la création en 1966 de trois zones de transformation pour l’exportation (Export Processing Zones).

De fait, entre 1966 et 1979, selon les chiffres de la balance des paiements, les investissements directs étrangers à Taiwan (principalement américains et japonais) s’élèvent à 798 millions de dollars, tandis que les investissements directs taiwanais à l’étranger n’atteignent que 28 millions de dollars US. Entre 1980 et 1986, malgré une certaine progression par rapport à la période précédente, les investissements directs taiwanais à l’étranger ne représentent encore qu’un quart des investissements directs étrangers à Taiwan.

1987 : une année charnière

Si les investissements étrangers continuent d’augmenter jusqu’en 1989, dès 1987 les investissements taiwanais prennent un rythme bien plus élevé. Pour la seule année 1987, le montant des investissements directs taiwanais à l’étranger équivaut à celui des investissements directs étrangers à Taiwan. En 1988 et 1989, les premiers sont en moyenne quatre fois supérieurs aux seconds. Cela est encore vrai en 1990, même si cette année-là marque un ralentissement des deux types d’investissement. Si l’on regarde la part de l’investissement direct taiwanais à l’étranger par rapport au Produit Intérieur Brut (PIB) au cours de la période, on constate la même évolution : cette part est multipliée par dix en 1987, puis encore par cinq l’année suivante, atteint son niveau le plus haut en 1989, et redescend un peu en 1990.

En fin de compte, quel que soit le mode de comparaison, 1987 apparaît comme une année charnière dans l’évolution des investissements directs taiwanais à l’étranger.

Quels déterminants possibles ?

Le mouvement d’investissements taiwanais à l’étranger à partir de 1987 peut trouver des éléments d’explication dans l’évolution des conditions macroéconomiques à Taiwan pendant les années 1980.

D’abord, nous pouvons constater une augmentation substantielle du coût du travail sur l’île. De 12 186 de dollars NT en 1984, le salaire mensuel moyen par employé dans l’industrie passe à 15 374 dollars NT en 1987 (+26,2%), puis à 19 537 dollars NT en 1989 (+27,1%), soit une croissance annuelle moyenne de 9,9% (1) (8,4% à prix constants 1991) (2).

En 1984, la Labor Standards Law (LSL) est promulguée. A n’en point douter, par les normes qu’elle introduit quant au salaire minimum, au paiement des retraites, des primes de licenciement, des primes pour les heures supplémentaires, aux congés payés annuels, aux primes de fin d’année...etc, cette loi contribue à augmenter le coût de la main-d’oeuvre. De plus, par son effet rétroactif concernant les retraites, elle mécontente et inquiète les employeurs, même si dans le même temps elle améliore sensiblement le sort des ouvriers. L’effet de la LSL est accentué par la pénurie de main-d’oeuvre non qualifiée dont souffre le secteur manufacturier. En 1988, la Direction générale du budget, de la comptabilité et des statistiques (Directorate-General of Budget, Accounting and Statistics [DGBAS]) estimait que 214 677 ouvriers manquaient pour satisfaire la demande de main-d’oeuvre dans ce secteur (3). La demande étant supérieure à l’offre, le “prix” du travail, à savoir le salaire, a tendance à augmenter. Nous pourrions ajouter que la levée de la loi martiale en 1987 et donc la libéralisation du climat politique de l’île se traduit non seulement par la reconnaissance des partis d’opposition, mais également par une plus grande liberté d’action pour les syndicats, qui peuvent ainsi avancer des revendications, notamment salariales.

La structure industrielle de l’économie taiwanaise privilégiant les secteurs intensifs en main-d’oeuvre, la hausse du coût du travail est fortement ressentie dans l’industrie locale.

A l’augmentation du coût du travail s’ajoutent d’autres éléments qui contribuent à accroître le coût global de la production. D’une part, l’accumulation d’une énorme réserve de devises à Taiwan a engendré une pression inflationniste, particulièrement dans le secteur de l’immobilier. Les entreprises louant leurs locaux ont vu leur loyer grimper, ce qui a élevé significativement leurs coûts de fonctionnement. D’autre part, l’émergence de mouvements de protection de l’environnement a exercé une pression nouvelle sur les entreprises polluantes. La lutte contre la pollution crée immanquablement des coûts supplémentaires, lesquels doivent être intégrés au prix des produits si les firmes ne veulent pas diminuer leur marge.

Ces éléments expliquent assez bien le mouvement d’investissements taiwanais à l’étranger à partir de 1987. Le marché taiwanais étant, de par sa taille même, limité, les firmes locales — essentiellement des PME — se sont très vite tournées vers les marchés étrangers en exportant leurs produits. Intensifs en main-d’oeuvre non qualifiée — abondante et bon marché dans les années 60 et 70 à Taiwan —, ces produits sont demeurés longtemps compétitifs internationalement. La hausse des coûts de production du début des années 80 risquant de faire perdre aux entrepreneurs taiwanais cet avantage, ils délocalisent leurs activités dans des régions plus favorables.

Ce phénomène est encore accentué au milieu des années 80 par l’appréciation forte et rapide de la monnaie taiwanaise, le dollar NT, par rapport au dollar US. Pour 1 dollar US, le taux de change passe de 39,90 dollars NT en 1985 à 35,55 dollars NT en 1986, puis à 28,60 dollars NT en 1987, soit une croissance de la valeur du dollar NT de près de 40% en deux ans (4). Cette appréciation de la monnaie taiwanaise vis-à-vis du billet vert a pour effet mécanique d’augmenter le prix des produits taiwanais à l’exportation. Les biens fabriqués à Taiwan étant largement banalisés, leur élasticité-prix est forte. Directement concurrencés par les pays à plus faible coût de main-d’oeuvre, les entrepreneurs voient donc se profiler à l’horizon une diminution de la demande de leurs produits. Fabriquer ces produits à l’étranger permet non seulement de maintenir de bas coûts de production, mais aussi de moins subir la hausse du dollar NT.

Une situation plus complexe qu’il n’y paraît

Devant l’augmentation des coûts de production et le risque pour bon nombre d’entreprises tournées vers l’exportation de ne plus pouvoir vendre leurs produits devenus trop chers sur le marché international, il semble naturel de chercher à aller produire là où les conditions macroéconomiques sont plus favorables qu’à Taiwan, comme nous venons de le montrer. Pourtant, cette explication, aussi fondée soit-elle, ne permet de comprendre qu’une partie du phénomène.

En effet, bien qu’il soit indiscutable que l’économie taiwanaise connaisse, au milieu des années 80, une réelle modification de ses conditions macroéconomiques sur l’île, ce changement n’arrive pas brusquement — il est le résultat d’une évolution, et n’est peut-être pas aussi profond qu’il n’y paraît.

Du point de vue du coût du travail, il faut rappeler que les salaires à Taiwan ont commencé à augmenter bien avant 1987 : le salaire mensuel dans l’industrie a crû en moyenne de 13,2% par an entre 1979 et 1984 (6 558 dollars NT en 1979, 12 186 en 1984), cela avant même la promulgation de la LSL (5). Il semblerait que cette loi, qui couvre à cette époque moins de la moitié des personnes disposant d’un emploi (42,7% en moyenne entre 1984 et 1989) (6), a eu un effet autant “psychologique” sur les chefs d’entreprise que “réel” sur le niveau des salaires. En outre, en même temps que les salaires augmentaient, la productivité du travail s’est elle aussi accrue — +18,2% entre 1984 et 1987 (salaires +26,2%), +19,0% entre 1987 et 1989 (salaires +27,1%) —, ce qui réduit proportionnellement l’augmentation des coûts unitaires de production (7). Quant aux syndicats, même légalisés, leur pouvoir de négociation reste faible, d’autant que toute grève risque d’être sanctionnée par des licenciements.

En ce qui concerne la protection de l’environnement, la pression populaire contre l’installation d’entreprises polluantes est limitée et, malgré la création en août 1987 d’une Agence pour la protection de l’environnement, la loi reste peu ou pas appliquée par les entreprises. La hausse des loyers enfin, si elle est vivement ressentie par les entreprises louant leurs locaux, profite a contrario aux firmes propriétaires, qui voient là une source potentielle de revenus supplémentaires.

Toutes ces nuances font qu’il est légitime de se poser la question suivante : pourquoi le grand mouvement d’investissements taiwanais à l’étranger ne s’est-il pas produit avant 1987 ? Par ailleurs, si l’on ne peut nier leur caractère massif à compter de 1987, il n’en reste pas moins que les entreprises taiwanaises investissaient déjà à l’étranger, même si c’était de façon moindre, avant cette date. Dès lors, quels facteurs déterminaient ces investissements avant 1987 ?

Des années 80 aux années 90 : les grandes tendances de l’investissement taiwanais à l’étranger

L’observation des investissements directs taiwanais à l’étranger (IDE) tels qu’ils apparaissent dans la balance des paiements nous conduit à distinguer trois périodes (voir tableau 1) :

- jusqu’en 1987 (IDE annuels inférieurs à 100 millions de dollars US jusqu’en 1986, avec un maximum à 704 millions de dollars US en 1987),

- de 1988 à 1990 (IDE annuels compris entre 4 et 7 milliards de dollars US),

- de 1991 à 1995 (IDE annuels compris entre 1,8 et 2,6 milliards de dollars US).

Pour chacune de ces périodes, nous allons tenter de présenter les grands traits de l’investissement taiwanais à l’étranger, en nous fondant sur les statistiques du ministère taiwanais des affaires économiques (MOEA). Notons tout de suite que ces statistiques ne donnent qu’une partie de la réalité car elles ne rendent compte que des projets d’investissement qu’il a approuvés. Or un grand nombre d’entreprises taiwanaises ne déclarent pas leurs investissements à l’étranger. Les chiffres présentés permettent néanmoins de mettre en lumière quelques grandes tendances.

Jusqu’en 1987 : des investissements sous le régime du contrôle des changes

Selon une enquête réalisée par Chen Tain-Jy, la principale motivation des entrepreneurs taiwanais avant 1987 est le “développement de leur marché”, loin devant “l’approvisionnement en matières premières” (8).

Jusqu’en 1987, près des deux-tiers des IDE taiwanais se dirigent vers les Etats-Unis (9). Les secteurs privilégiés y sont les “appareils électroniques et électriques” (50%) et les “services” (23,4%) — dont 9,4% pour “banques et assurances” et 6,8% pour “commerce” (10).

Durant cette période, le marché américain est de loin le premier marché d’exportation des entreprises taiwanaises. Il représente plus d’un tiers des exportations entre 1969 (date du premier investissement taiwanais aux Etats-Unis) et 1982, et près de la moitié entre 1983 et 1987 (11). En 1984, les produits électroniques et électriques deviennent le premier secteur d’exportation (11). Or, entre 1984 et 1987, trois-cinquièmes (59,2%) des investissements taiwanais aux Etats-Unis concernent ce secteur, alors que ce chiffre ne s’élevait qu’à 16,9% pour toute la période 1969-1983 (12). Ainsi, par des investissements massifs dans les produits électroniques et électriques, les entrepreneurs taiwanais cherchent à protéger et développer un marché en pleine expansion. En effet, l’investissement dans des réseaux de commercialisation permet de s’assurer des débouchés sur le marché américain.

Les investissements dans les banques et assurances, quant à eux, ont pour objet de pénétrer un secteur financier fortement réglementé sur l’île puisqu’il est est strictement contrôlé par le gouvernement taiwanais au moins jusqu’au début des années 90. Avant 1989, les banques commerciales privées ne pouvaient pas s’établir à Taiwan, et les entrepreneurs qui désiraient investir dans ce secteur devaient le faire à l’étranger. Le choix des Etats-Unis, où le secteur bancaire est bien développé, était dès lors assez naturel.

Dans le même temps, selon les statistiques du MOEA, un cinquième des IDE taiwanais se dirigent vers les pays de l’ASEAN (voir tableau 2). Ils concernent principalement les secteurs “papier et produits du papier” (28,7%), “produits chimiques” (20,9%) et “textile” (13%) (13). L’objectif est plutôt ici de s’assurer un approvisionnement en matières premières (bois, fibres...). L’exploitation de la forêt indonésienne — plus de 45% des investissements taiwanais en Indonésie se tournent vers le secteur papier et produits du papier (14) — pour la fabrication de la pâte à papier illustre bien cette tendance.

Pendant toute cette période, les investissements taiwanais à l’étranger se trouvent sous le régime du contrôle des changes, et sont limités par la “loi réglementant la sélection et le traitement des projets d’investissement et de coopération technique à l’étranger”. Cette loi impose des conditions srictes aux entreprises à la fois au niveau des secteurs d’investissement autorisés et de la structure financière de la firme. Jusqu’en 1987, les investissements à l’étranger sont donc surtout réalisés par des grandes sociétés qui disposent de ressources suffisantes. Par exemple, fin 1986, l’ensemble des investissements taiwanais dans le secteur papier et produits du papier émanaient d’une seule entreprise taiwanaise : fin 1981, elle avait investi 3 920 000 dollars US ; en 1982, elle investissait encoe 1 960 000 dollars, puis de nouveau 4 900 000 dollars en 1984 et 1 290 000 dollars en 1986, pour un total de 12 070 000 dollars à la fin de l’année 1986 (15).

1988-1990 : Investissements et restructuration de l’économie taiwanaise

Nous avons vu que la détérioration des conditions macroéconomiques à Taiwan a engendré le besoin d’investir à l’étranger. Pourtant, si cette condition est nécessaire, elle n’est pas suffisante. Il ne suffit pas en effet de vouloir investir à l’étranger, encore faut-il le pouvoir. Des éléments à la fois politiques et économiques peuvent permettre de comprendre pourquoi le grand mouvement des investissements taiwanais à l’étranger ne s’est pas produit avant 1987.

Du côté politique, c’est en 1987 que les autorités de Taipei lèvent la loi martiale et assouplissent le contrôle des changes. De plus, l’article 13 de la “loi sur les entreprises”, qui stipulait que le montant de l’investissement à l’étranger ne devait pas dépasser 40% du capital propre de la maison-mère, est modifié : cette limite est supprimée, si toutefois le projet d’investissement est approuvé par l’assemblée générale des actionnaires.

Du côté économique, pour pouvoir investir à l’étranger, il faut avoir suffisamment de ressources. De 1982 à 1986, le surplus commercial de Taiwan n’a cessé de croître, passant de 3,6 milliards de dollars US pour l’année 1982 à 16,6 milliards pour l’année 1986, atteignant un montant cumulé de 46,8 milliards pour l’ensemble de la période (16). Cela a contribué à gonfler les réserves en devises, d’autant que le taux d’épargne moyen des ménages sur la même période s’élevait à près du quart de leur revenu disponible (24,4%) (17). Cette réserve en devises a constitué une ressource importante pour l’investissement à l’étranger. En outre, l’appréciation du dollar NT par rapport au dollar US, en élevant le pouvoir d’achat de la monnaie taiwanaise à l’étranger, constitue une incitation supplémentaire à investir.

En fait, cette appréciation du dollar NT va jouer un rôle de catalyseur. D’une part l’accumulation d’une large quantité de devises fait craindre aux autorités taiwanaises une poussée inflationniste. D’autre part, estimant que le déficit commercial croissant des Etats-Unis vis-à-vis de Taiwan (9,8 milliards de dollars US en 1984, 16 milliards en 1987) (18) est dû en grande partie à la forte sous-évaluation du dollar NT par rapport au dollar US, le gouvernement américain fait pression (menace protectionniste) sur le gouvernement taiwanais pour qu’il relâche son contrôle sur le dollar NT.

Ces deux éléments conduisent à un assouplissement du contrôle des changes en juillet 1987. Cette mesure aura des conséquences en cascade. D’abord des capitaux considérables affluent de l’étranger à Taiwan afin de spéculer sur la monnaie taiwanaise, élevant ainsi brusquement sa valeur par rapport au dollar américain. Ensuite, les Taiwanais disposant de liquidités nouvelles investissent à tout-va non seulement à la bourse, mais également dans les terrains, l’immobilier ou même des maisons de placement “souterraines”, ce qui provoque la hausse soudaine de la bourse de Taipei, ainsi que du prix des terrains et des loyers. Cette spéculation à la fois boursière et immobilière aboutit à une gigantesque accumulation de liquidités et à une envolée de la valeur des actifs, ce qui engendre un effet de réaffectation de portefeuille et pousse vers l’investissement à l’étranger. La balance des paiements indique ainsi entre 1988 et 1990 de larges investissements, non seulement directs, mais aussi de portefeuille, à destination de l’étranger (3,6 milliards nets d’investissements de portefeuille à destination de l’étranger sont comptabilisés par la Banque centrale entre 1988 et 1990) (19).

Selon les statistiques du MOEA, l’ASEAN et la Chine continentale représentent à elles deux 44,7% du total des investissements taiwanais, alors que leur part ne s’élevait qu’à 20,4% sur la période 1959-1987 (voir tableau 3). Inversement, les Etats-Unis ne représentent à peine plus qu’un tiers (près des deux-tiers jusqu’en 1987). Cela signifie que le mouvement d’investissements taiwanais à l’étranger qui a démarré en 1987 s’est dirigé principalement vers les pays à bas coût de main-d’oeuvre, ce qui confirme la hausse des coûts de production comme facteur déterminant de ces investissements. L’enquête menée par Chen Tain-Jy (20) ne fait qu’appuyer cette idée. La première motivation de l’investissement à l’étranger après 1987 reste le “développement du marché”, mais avec cette fois en deuxième position “l’utilisation d’une main-d’oeuvre à bon marché”. Deux autres enquêtes réalisées en 1991 par la Chinese National Federation of Industries (CNFI) et en 1992 par le Council for Economic Planning and Development (CEPD) (21) précisent que les entrepreneurs taiwanais investissent dans les pays de l’ASEAN principalement pour y trouver une main-d’oeuvre bon marché puis, par ordre d’importance, pour développer leur marché, diversifier les risques (notamment le risque de change) et profiter de terrains peu coûteux. Les motivations de l’investissement en Chine continentale sont très proches : main-d’oeuvre et terrains peu onéreux, développement du marché et approvisionnement en matières premières.

Pour autant, entre 1988 et 1990, les investissements directs taiwanais aux Etats-Unis se poursuivent. Les enquêtes de 1991 et 1992 montrent que la première motivation pour investir aux Etats-Unis est le développement du marché, puis l’acquisition et le développement de nouvelles technologies, et la collecte d’informations sur le marché.

Durant cette période, nous sommes donc en présence d’un double phénomène : des investissements massifs dans l’ASEAN et en Chine continentale avec l’objectif de réduire les coûts de production ; des investissements qui continuent aux Etats-Unis pour assurer des débouchés pour les produits et, élément nouveau, développer de nouvelles technologies. Pourquoi ce double phénomène ? Parce que l’économie taiwanaise a réagi au choc résultant de la hausse des coûts de production et de l’envolée du dollar NT. La réallocation des avoirs s’est traduite par des investissements à la fois dans des pays à bas et à hauts revenus. Dans le même temps, l’économie taiwanaise a dû se restructurer, en passant d’une technologie standardisée à une technologie de pointe. Or pour cette procédure le marché est souvent imparfait, et il est devenu plus difficile pour les entreprises taiwanaises de simplement acheter de la technologie sur le marché. C’est la raison pour laquelle elles investissent aux Etats-Unis. Le choix du sud-est asiatique et de la Chine continentale parmi les pays à bas salaire peut s’expliquer sans doute par la proximité géographique et pour l’affinité culturelle (large communauté de Chinois dans les pays de l’ASEAN). Quant aux investissements en Amérique centrale et du sud, ils ont peut-être été en partie encouragés par les mesures d’incitation à l’investissement dans le Bassin des Caraïbes et en Amérique centrale prises par les autorités de Taipei dès juillet 1984. Néanmoins, l’ASEAN et le continent chinois sont incontestablement la destination privilégiée des entrepreneurs taiwanais.

Les années 1990 : le poids croissant de la Chine continentale

Le crack boursier d’octobre 1990 à Taipei marque en quelque sorte la fin de la flambée d’investissements à l’étranger des trois années précédentes. Néanmoins, ceux-ci vont se poursuivre, et le continent chinois va en accueillir une part de plus en plus grande (voir tableau 4).

Le 6 octobre 1990, le MOEA annonce les “dispositions sur la coopération technologique et l’investissement indirect sur le continent”, reconnaissant par là les investissements indirects (c’est-à-dire via un pays tiers) des firmes taiwanaises en Chine continentale. A compter de cette date il apparaît dans les statistiques du MOEA que les investissements taiwanais sur le continent chinois ne cessent d’augmenter, au détriment notamment de la Malaisie et de la Thaïlande.

Nous pouvons également constater au cours de cette période une relative diversification géographique des investissements taiwanais. Le Vietnam semble attirer de plus en plus d’investisseurs et Hong Kong semble jouer un rôle plus important qu’auparavant. La part des Etats-Unis continue apparemment de décroître au profit du reste du continent américain. Des projets d’investissement voient le jour en Europe, notamment en 1992-1993.

Ce phénomène peut trouver des explications d’ordres interne et externe. Au niveau interne, la structure industrielle taiwanaise se diversifie et, ce faisant, devient plus complexe. Certains secteurs fabriquent des produits “banalisés”, tandis que d’autres produisent des biens différenciés à plus haute valeur ajoutée. Intégrations verticales, investissements croisés et échanges intrabranche se mettent en place. Cela conduit à des investissements dans plusieurs pays à la fois afin de profiter d’avantages différents. Au niveau externe, des pays de l’ASEAN (Malaisie, Thailande) ont connu eux aussi une modification de leur structure industrielle. Le niveau de vie dans ces nouveaux “petits dragons” s’est élevé, de même que le coût de la main-d’oeuvre. D’autres pays sont alors devenus plus attractifs : c’est le cas du Vietnam, qui fait partie de l’ASEAN depuis le 1er janvier 1995.

Les investissements taiwanais à Hong Kong sont pour une large part liés aux investissements en Chine continentale qui ont généré des exportations de biens semi-finis et d’équipement de Taiwan vers le continent. Cela a conduit à des investissements dans le secteur commercial à Hong Kong, afin de permettre aux entreprises taiwanaises de développer leurs exportations en s’appuyant sur des maisons de commerce, elles aussi taiwanaises, situées dans le Territoire (22).

Les années 90 sont également celles du renforcement du protectionnisme et de la concurrence sur les marchés internationaux, lesquels sont largement liés à la régionalisation et à la globalisation de l’économie. Les firmes taiwanaises sont d’autant plus sensibles au protectionnisme qu’elles sont traditionnellement largement tournées vers l’exportation et que l’énorme excédent commercial de Taiwan vis-à-vis de certains pays fait craindre des mesures de représailles. Or ce risque est encore accru par le phénomène de régionalisation, qui se traduit par des intégrations économiques régionales. Plusieurs pays d’une même région se regroupent afin de former un grand marché dans lequel les échanges économiques sont favorisés et intensifiés, alors que des barrières tarifaires ou non tarifaires visent à restreindre la pénétration de produits étrangers sur ce marché. C’est ainsi que la constitution du marché unique européen le 1er janvier 1993 est probablement à l’origine de l’augmentation des projets d’investissement taiwanais en Europe en 1992-1993. L’objectif est de contourner des barrières douanières en s’implantant directement sur le marché.

La globalisation consiste pour les entreprises à adopter une stratégie mondiale. Le marché mondial est considéré comme un seul et unique marché sur lequel les sociétés gèrent leurs activités, au moyen de coopérations technologiques et d’investissements internationaux. Or les entreprises taiwanaises manquent souvent de marques reconnues dans le monde entier, de réseaux de distribution et de capacités technologiques. C’est pourquoi on peut assister à des fusions-acquisitions qui s’inscrivent dans une stratégie d’acquisition d’une technologie, d’un réseau de distribution ou d’un nom de marque, aux Etats-Unis ou en Europe. C’est dans cet esprit que l’entreprise taiwanaise President a acquis la firme américaine Wyndham Baking Co. en 1990 et la marque Famous Amos en 1992, afin de pénétrer le marché américain des “cookies” et autres snacks (23).

De la fiabilité des estimations

Nous venons de présenter les grandes tendances de l’investissement taiwanais à l’étranger et en Chine continentale en nous basant sur les statistiques du MOEA. Or la comparaison de ces statistiques avec celles des pays d’accueil de l’investissement est éloquente (voir tableaux 5 et 6). Que ce soit pour les pays de l’ASEAN ou le continent chinois, le montant des investissements approuvés par Taipei a toujours représenté moins d’un tiers du montant des contrats d’investissement signés par les entrepreneurs taiwanais. Cela signifie qu’il y a sous-évaluation d’un côté ou surévaluation de l’autre, ou encore les deux à la fois.

Les chiffres du MOEA représentent sans aucun doute une sous-estimation de la réalité. Premièrement, depuis l’assouplissement du contrôle des changes en juillet 1987, tout individu peut sortir de Taiwan cinq millions de dollars US par an sans avoir besoin d’une autorisation préalable de la Banque centrale. Deuxièmement, un grand nombre de firmes taiwanaises ne déclarent pas leurs investissements au MOEA, soit parce qu’elles investissent dans un secteur interdit, soit parce qu’elles veulent éviter de payer des taxes.

Inversement, signer un contrat d’investissement n’implique pas que la totalité de la somme prévue va être effectivement investie. Les chiffres des accords d’investissement sont donc surestimées, ce qui est confirmé par les données publiées par Pékin sur les investissements réels.

Or, particulièrement dans le cas de la Chine continentale, même si l’on ne tenait compte que des investissements dits “réels”, certains éléments pourraient nous conduire à penser que ceux-ci peuvent eux aussi parfois être surestimés.

D’abord les données sont collectées par le ministère chinois de la coopération économique et du commerce extérieur (MCECE) auprès des gouvernements locaux. Ces derniers ont tendance à se livrer entre eux à une guerre des chiffres, qui les pousse à surévaluer le montant des investissements directs, afin d’offrir une image de plus grande réussite économique. De plus, une partie non négligeable de cet investissement direct prend la forme de machines et d’équipements. Il est dès lors aisé de surévaluer la valeur de ces actifs corporels au moment de leur enregistrement comptable, d’autant que, dans le cas de Taiwan, le matériel en question est souvent du matériel d’occasion.

Ensuite, investissement taiwanais ne signifie pas toujours argent taiwanais. En effet, il peut arriver que des entreprises privées locales établissent des joint ventures en partenariat avec des parents d’outremer. Le partenaire chinois fournit le capital tandis que le partenaire “étranger” (en l’occurrence taiwanais) ne fait guère qu’investir son nom. Il se peut qu’il n’y ait même pas de transfert de capital de l’étranger. Une forme plus courante de falsification est l’investissement sur le continent par des firmes chinoises du continent, mais enregistrées à Hong Kong ou ailleurs. L’intérêt pour ces entreprises chinoises est de bénéficier du traitement préférentiel accordé uniquement aux entreprises étrangères investissant sur le continent. Le capital en question se trouve ainsi être de l’argent issu du continent, et qui y retourne sous forme d’IDE.

Cependant, la difficulté à cerner l’origine des capitaux peut conduire au raisonnement inverse. Argent taiwanais ne signifie pas toujours investissement taiwanais. Cette situation est d’autant plus plausible que les investissements taiwanais sur le continent — tout comme le commerce entre les deux rives — sont dits “indirects”. Ce terme est utilisé pour se conformer à la politique des autorités de Taipei interdisant tout contact direct avec le continent, que ce soit pour des accords commerciaux ou d’investissement. Pour autant, il s’agit bien d’investissements directs, au sens où ils s’opposent aux investissements de portefeuille. La conséquence majeure est que ce ne sont pas des entreprises taiwanaises qui investissent sur le continent chinois, mais des entreprises enregistrées à Hong Kong, à Singapour, aux Etats-Unis... Comment les autorités continentales distinguent-elles alors les entreprises à capitaux taiwanais de celles à capitaux hongkongais ou américains ? En se référant au passeport de l’investisseur ? Sur la base de sa déclaration ? La situation est suffisamment floue pour que l’on conclue qu’une partie des investissements enregistrés comme hongkongais ou américains sont en réalité des investissements taiwanais, mais il est impossible d’en déterminer l’ampleur.

En conclusion, il n’existe pas d’estimation fiable des investissements taiwanais en Asie du sud-est et encore moins en Chine continentale. Il n’en demeure pas moins que ces deux destinations sont largement privilégiées par les entrepreneurs taiwanais dont le coeur balance entre le sud et l’ouest au gré des aléas politiques et économiques.

Xijin-Nanxiang : interaction du politique et de l’économique

L’évolution des accords d’investissement signés par les entrepreneurs taiwanais dans l’ASEAN et en Chine continentale est un bon instrument de mesure du comportement des investisseurs en réaction à des mesures politiques ou à des facteurs économiques (voir tableau 7). Les grandes tendances présentées plus haut ne sont pas remises en cause. Nous cherchons simplement, en les affinant, à dégager de nouveaux éléments d’explication.

Premièrement, avec un total de 2,7 milliards de dollars US d’accords d’investissement à la fin de 1987 (seulement 76,5 millions approuvés par Taipei), il apparaît que le mouvement d’investissements taiwanais dans l’ASEAN est plus fort que ne le laissaient supposer les statistiques officielles taiwanaises, cela avant même l’assouplissement du contrôle des changes. Cette propension des investisseurs taiwanais à braver la loi par intérêt économique est encore plus flagrante quand on observe la Chine continentale. Car, alors que toute activité commerciale avec le continent est considérée par Taipei comme un acte de trahison — en décembre 1985, un homme d’affaires taiwanais est condamné à douze ans de prison pour activités de rébellion (activités d’investissement et de commerce illégaux avec le continent) (24) —, il semble qu’un nombre limité d’investissements aient eu lieu dès 1982, et fin 1987 le MCECE comptabilise déjà 100 millions de dollars US d’investissements taiwanais. Pour la période 1988-1990, nous observons le même phénomène : 10 milliards de dollars US d’accords d’investissement dans l’ASEAN et en Chine continentale (1,5 milliard approuvés par Taipei).

Deuxièmement, nous constatons qu’à partir de 1988, les investissements taiwanais en Chine continentale progressent à peu près régulièrement. Du côté de Taipei, la levée de la loi martiale par Chiang Ching-Kuo — deuxième président de la République de Chine à Taiwan — s’accompagne de l’autorisation donnée aux citoyens taiwanais de rendre visite à leur famille sur le continent. De nombreux Taiwanais saisissent cette occasion pour aller faire des affaires et investir de l’autre côté du détroit. Du côté de Pékin, les autorités continentales annoncent en juillet 1988 les “dispositions visant à encourager l’investissement des Taiwanais”. Les incidents de la place Tian’anmen en juin 1989 pourraient aussi avoir joué un rôle. En effet, à la suite de ces incidents et de l’instauration par les pays occidentaux de sanctions économiques à l’égard de Pékin, les projets d’IDE en Chine ont brusquement chuté, voire même été annulés. Il semble que les hommes d’affaires taiwanais, après avoir observé une certaine prudence pendant trois mois, en aient profité pour s’engouffrer dans la brèche ouverte par les Occidentaux, et combler le vide ainsi laissé, par un apport supplémentaire de capitaux.

Troisièmement, de 1991 à 1993, les investissements taiwanais en Chine continentale et dans l’ASEAN évoluent de façon opposée : croissance en Chine, baisse dans l’ASEAN. Il semble que la Chine se substitue progressivement à l’ASEAN comme région d’accueil. Les motivations à investir dans ces deux régions étant, nous l’avons vu, proches, le décalage dans le temps est dû essentiellement à des raisons politiques. Jusqu’alors considérés comme illégaux, bien qu’approuvés tacitement, les investissements indirects en Chine continentale sont enfin légalisés en octobre 1990. Dans le même temps est publiée une liste de 3 353 produits pour lesquels l’investissement sur le continent est autorisé. L’objectif de Taipei est d’essayer de contrôler, à défaut de limiter, un mouvement déjà en marche. En fait, toutes choses égales par ailleurs, les entrepreneurs taiwanais ont plutôt avantage à investir sur le continent : langue commune, main-d’oeuvre illimitée et bon marché, conditions préférentielles accordées aux Taiwanais.

La montée en flèche observée en 1992 (+60% par rapport à l’ensemble des années précédentes) et 1993 (+80% par rapport à 1992) peut s’expliquer par différents facteurs. Taipei a augmenté le nombre de produits autorisés à l’investissement (4 414 au 31 juillet 1992), et l’accès au marché intérieur a été rendu possible par Pékin. Certains gouvernements provinciaux (Guizhou le 10 décembre 1992 par exemple) ont annoncé un traitement préférentiel de l’investissement des Chinois d’outre-mer. Il est également probable que le caractère irréversible de l’intégration de la République populaire de Chine (RPC) dans l’économie de marché (approbation par le XIVème Congrès du système d’économie de marché ; visite de Deng Xiaoping dans le sud début 1992 pour encourager les réformes économiques), ajouté à l’expansion rapide de l’économie chinoise, auront contribué à attirer moult nouveaux investisseurs taiwanais.

En 1993, la rencontre “Wang-Koo”, le 26 avril à Singapour, premier contact semi-officiel entre les deux rives, peut aussi avoir incité des grandes entreprises taiwanaises à se lancer à leur tour sur le continent. Enfin, Taipei modifie le 1er mars 1993 la réglementation concernant les investissements indirects taiwanais sur le continent. On peut penser que les nouvelles dispositions, qui visent à accélérer les démarches pour investir en Chine continentale — même si des limitations sont imposées, notamment dans les secteurs de haute technologie —, ont plutôt favorisé la vague d’investissements vers le continent. Elles ont incidemment provoqué un rattrapage des déclarations de projets d’investissement auprès du MOEA (voir tableau 4, année 1993).

Quatrièmement, en 1994-1995 se produit apparemment un mouvement inverse à celui des trois années précédentes : ralentissement du rythme des investissements en Chine continentale, reprise des investissements dans l’ASEAN.

On peut avancer une explication d’ordre politique. A la fin de l’année 1993, le gouvernement taiwanais a encouragé les firmes taiwanaises à investir dans le sud-est asiatique : c’est ce qu’on a appelé la politique vers le sud (nanxiang zhengce). L’objectif était de ne pas trop dépendre économiquement de Pékin. Cependant, il semble que les entrepreneurs taiwanais raisonnent plus en termes d’“intérêt économique” qu’en termes d’“objectif politique” quand il s’agit d’investir à l’étranger. Dès lors, il convient d’ajouter des explications d’ordre économique.

Le ralentissement des accords d’investissement en Chine continentale est peut-être dû aussi à une modification des conditions économiques sur le continent — hausse des prix des terrains, du coût du travail — qui rend moins attractif l’investissement, notamment pour les petites entreprises engagées dans des secteurs intensifs en main-d’oeuvre. Certains problèmes rencontrés sur le continent — difficultés d’approvisionnement en électricité, mauvais état des routes, insuffisance des moyens de transport, réseau de télécommunication de faible qualité, ou encore inefficacité de l’administration et corruption — peuvent également avoir découragé certains investisseurs (25). Enfin, l’incertitude politique liée à la succession de Deng Xiaoping a peut-être incité certaines entreprises à adopter une position d’attente, et à faire preuve de prudence en ne mettant pas tous leurs oeufs dans le même panier.

L’évolution des investissements taiwanais à l’étranger et en Chine continentale trouve donc des éléments d’explication à la fois dans l’économique et le politique.

L’immense marché — potentiel — chinois exerce toujours un effet d’attraction irrésistible, surtout sur une économie taiwanaise qui semble chercher un second souffle. Mais investir en Chine n’est pas non plus dénué de risques, comme en témoigne la menace militaire exercée par Pékin sur l’île à la veille des élections présidentielles du mois de mars 1996. Alors certains entrepreneurs préfèrent opter pour l’Asie du sud-est. Si le Vietnam a actuellement la cote, les problèmes ne sont pourtant pas absents de la région : manque d’ouvriers non qualifiés en Malaisie, racisme anti-chinois en Indonésie, problème de langue et donc de communication en Thailande et aux Philippines.

De grandes firmes taiwanaises — Sampo (Shengbao) dans l’électroménager, President (Tongyi) dans l’agroalimentaire, voire Formosa Plastics (Taisu) dans les produits chimiques — paraissent envisager leur futur à partir du Continent, en investissant d’une manière plus réfléchie et sur le long terme. L’augmentation régulière depuis 1992 de la proportion des investissements réels par rapport aux accords d’investissement (voir tableau 6) en est d’ailleurs sans doute un signe. Reste à savoir comment les PME taiwanaises, initiatrices du mouvement d’investissements en Chine continentale, réagiront face à la hausse des coûts de production qui a déjà commencé dans certaines provinces. Il n’est pas sûr non plus qu’elles voient d’un bon oeil la concurrence des grandes firmes venant de Taiwan, ni même une réelle officialisation des relations économiques entre les deux rives du détroit, elles dont la force réside dans l’établissement de relations informelles, parfois à la limite de l’illégalité (26).

Mais ces perspectives économiques seront probablement largement fonction de l’évolution des relations entre Taipei et Pékin. La rétrocession de Hong Kong au continent en juillet 1997 sera un moment clef dans la mesure où beaucoup de firmes taiwanaises passent aujourd’hui par Hong Kong pour investir sur le continent. Déjà, à l’approche de 1997, des firmes taiwanaises se font enregistrer à Singapour. Or, dans le même temps, des hommes d’affaires taiwanais poussent le gouvernement de Taipei à instaurer des liens directs avec Pékin afin de pouvoir profiter pleinement de l’immense marché continental. Xijin ou Nanxiang ? Marche vers l’Ouest ou vers le Sud ? La réponse se trouve à la fois dans la sphère économique et la sphère politique, sans doute même dans les pressions et l’influence réciproques que ces sphères exerceront l’une sur l’autre.