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L’avenir des relations entre Taiwan et Hong Kong
Bien que la politique du gouvernement britannique ait empêché la formation de liens formels entre Hong Kong et Taiwan, les échanges économiques entre ces deux territoires nont jamais cessé. Depuis les années 50, dans le but dattirer les investissements en provenance de ce territoire, la République de Chine (RDC) a appliqué à légard des hommes daffaires de Hong Kong la même politique quà légard des Chinois doutre-mer : exemptions fiscales et traitements préférentiels en matière dachats déquipements de production, dattributions de prêts et de rapatriement des capitaux privés. Ainsi, entre 1951 et 1995, les investissements de Chinois de Hong Kong ont atteint 630, 4 milliards de dollars américains, représentant environ un tiers de lensemble des investissements des Chinois doutre-mer à Taiwan. Hong Kong fut un fournisseur majeur de capitaux au cours de la période de décollage (les années 60 et 70) de léconomie taiwanaise. Depuis les années 80, cest-à-dire à partir du moment où la République populaire de Chine (RPC) lança sa politique de réformes économiques et douverture sur létranger, une partie importante des capitaux de Hong Kong se sont réorientés vers le continent chinois. Aujourdhui, environ 60 % des capitaux étrangers investis sur le continent chinois proviennent de Hong Kong. La question de savoir si Taiwan peut continuer dattirer les capitaux hongkongais dépend principalement de lefficacité avec laquelle le gouvernement de la RDC est capable de mettre en oeuvre son initiative audacieuse qui consiste à faire de Taiwan un centre de transformation et de transport de lAsie-Pacifique.
Source de capitaux, Hong Kong constitue aussi un canal pour le commerce taiwanais depuis quà partir des années 80, le gouvernement de la RDC a choisi de faire de Hong Kong le lieu tiers par lequel transite la majorité du commerce entre Taiwan et le continent chinois. Les exportations taiwanaises à destination de la Chine via Hong Kong sont passées de 234, 97 millions de dollars en 1980 à 9, 8828 milliards en 1995. Les importations taiwanaises en provenance de Chine via Hong Kong sont pour leur part passées de 76, 21 millions en 1980 à 1,57417 milliard en 1995. Depuis le début des années 90, la plus grande partie de lexcédent commercial taiwanais provient de ces échanges via Hong Kong.
Lune des conséquences de la croissance rapide du commerce entre Taiwan et Hong Kong a été limplantation progressive de banques taiwanaises à Hong Kong. Les banques de Taiwan qui ont établi des succursales à Hong Kong comprennent la Banque de Taiwan, la First Commercial Bank, la Hua Nan Commercial Bank et la Chang Hwa Commercial Bank. En avril 1980, le Comité chinois pour le développement du commerce extérieur (China External Trade Development Council - CETRA) mit sur pieds un centre commercial de Taipei (Taipei Trade Centre) à Hong Kong et en 1985, le ministère des affaires économiques de la RDC augmenta le personnel de son bureau de Wanchai et le renomma Far East Trade Service Inc., agence de Hong Kong. Tandis que le Centre commercial de Taipei offre des services uniquement aux Taiwanais faisant des affaires en Chine, le Far East Trade Service Centre fournit également des informations ou des conseils aux hommes daffaires étrangers sur la pratique des affaires à Taiwan. Cest probablement lassentiment des autorités de Pékin et du gouvernement de Hong Kong qui a permis à ces deux organisations détablir des bureaux de représentation à Hong Kong. Néanmoins, afin de réduire les risques, notamment après le retour de ce territoire à Pékin le 1er juillet 1997, les institutions économiques taiwanaises, à la fois officielles et officieuses, agissent en tant quagences ou représentants de leur organisation de tutelle. En dépit du fait quà plusieurs reprises, Pékin ait recommandé à ses fonctionnaires à Hong Kong de promouvoir sur le territoire des sociétés conjointes entre continentaux et Taiwanais, le gouvernement de la RDC et les hommes daffaires taiwanais continuent de sinquiéter du statut futur de leurs institutions économiques, culturelles ou semi-politiques après 1997. Abstraction faite de cette question de statut, certaines institutions culturelles, telles le quotidien appartenant au Kuomintang (KMT), Le Xianggang shibao (Hong Kong Times), les éditions hongkongaises du Lianhebao (United Daily News)) et du Shibao zhoukan (China Times Magazine) ont dû être interrompues pendant les années 90 en raison simplement de leur manque de rentabilité.
Toutes les organisations de la RDC à Hong Kong sont officieuses, en raison de la reconnaissance par le gouvernement britannique dès 1950 de la République populaire. Les activités et le rôle des organismes de la RDC à Hong Kong sont donc strictement réglementées par le gouvernement de Hong Kong. Pour lheure, afin dassurer la continuité des services quils rendent à la fois aux résidents de Hong Kong et aux étrangers, la RDC préfère maintenir le statut actuel de lensemble de ses organismes stationnés à Hong Kong. En outre, la Commission aux Affaires continentales du gouvernement de Taipei a rédigé en janvier 1994 un projet dOrdonnance sur les relations avec Hong Kong et Macao, dont le principal objectif est dautoriser tous les ministères à établir des plans durgence destinés à protéger les intérêts de la RDC dans ces deux territoires après 1997 et 1999 respectivement. Tandis que cette ordonnance doit encore être approuvée par le Yuan législatif, la préoccupation immédiate de Taipei est le statut futur du Chung Hwa Travel Service.
Le Chung Hwa Travel Service, qui coordonne lensemble des organismes de la RDC dans le territoire, est le représentant du ministère des Affaires étrangères de la RDC et délivre des visas aux résidents de Hong Kong et aux étrangers. Bien que Taipei veuille maintenir le statut du Travel Service après 1997, Pékin a un point de vue différent. Dans une déclaration en sept points sur les relations Hon Kong - Taiwan rendue publique en juin 1995, le vice-premier ministre et ministre des Affaires étrangères de la RPC, Qian Qichen a insisté sur le fait que Taiwan ne devait pas tenter dutiliser la question des relations Hong - Taiwan après 1997 pour promouvoir soit deux Chine, soit une Chine, un Taiwan. Qian précisa que tout accord concernant les relations futures entre Hong Kong et Taiwan devait être approuvé par Pékin. Si les lignes directrices énoncées par Qian sont respectées, le Chung Hwa Travel Service et tous les autres organismes de haut niveau qui représentent le gouvernement de la RDC seront considérés comme des symboles des deux Chine et donc ne seront plus autorisés dexister après 1997. En outre, selon Qian, le gouvernement de Hong Kong ne pourra pas déterminer les relations entre la région administrative spéciale de Hong Kong et Taiwan sans en référer à Pékin.
Les liaisons aériennes entre Hong Kong et Taiwan sont une bonne illustration de cette dépendance à légard de Pékin. Parce que le gouvernement chinois détient 64, 36 % des parts de Dragon Air, une des compagnies aériennes autorisées à assurer les lignes Hong Kong - Taipei et Hong Kong - Kaohsiung, les autorités de Pékin ont permis au groupe conjoint de liaison sino-britannique dapprouver le 13 juin 1996, après dix-huit mois de négociations, laccord aérien quinquennal Hong Kong - Taiwan. Au regard en particulier de la détérioration des relations entre les deux rives du détroit depuis juin dernier, Taipei est très certainement satisfait de la conclusion dun accord valide jusquen 2001.
Taipei attend cependant que Pékin ouvre des pourparlers sur dautres questions relatives aux liens entre Hong Kong et Taiwan. Par exemple, les liaisons maritimes devraient être inscrites à lordre du jour des négociations, quoique les autorités de Pékin aient défini les liaisons maritimes entre Hong Kong et Taiwan comme, par nature, des liaisons spéciales entre régions spéciales. Pour ce qui concerne les organismes de haut niveau de la RDC à Hong Kong, Taipei propose de remplacer le Chung Hwa Travel Service par un bureau de représentation de la Commission aux affaires continentales, mais Pékin ne sest pas encore exprimé sur ce point. Un des scénarios des liens futurs entre Hong Kong et Taiwan est que Pékin accélèrera les discussions avec Taipei en raison des intérêts économiques et commerciaux en jeu. Si un tel scénario se concrétisait, la question des liaisons maritimes serait sûrement résolue tôt ou tard, et le statut des institutions économiques et culturelles de la RDC à Hong Kong resterait inchangé. Une autre théorie avance que Pékin tentera dutiliser les relations entre Hong Kong et Taiwan pour ouvrir la voie à la réunification selon la formule un pays - deux systèmes. Si cest ce que Pékin a à lesprit, une fois encore, il est également possible que Pékin autorise la présence à Hong Kong après 1997 dinstitutions économiques et culturelles de la RDC. Dans un tel cas de figure, bien que mis en oeuvre, le plan un pays - deux systèmes deviendrait moins convaincant. Afin de se préparer aux relations futures entre Hong Kong et Taiwan, Taipei peut faire des concessions sur lorganisation des échanges économiques dans lespoir que Pékin accepte un compromis sur les questions de haute politique. Le renouvellement de laccord relatif aux liaisons aériennes a allégé, dans un certaine mesure, les pressions excercées sur Taipei afin que cette capitale ouvre des liaisons aériennes et maritimes directes entre les deux rives du détroit de Taiwan, car dans un certain sens, les liaisons aériennes entre Taiwan et Hong Kong deviendront directes une fois que Hong Kong passera en 1997 sous la souveraineté de la RPC. Et aussi longtemps que les Taiwanais voyageront vers le continent ou feront des affaires avec le continent par Hong Kong, le gouvernement de Taipei ne se trouvera pas sous une pression telle quil se verrait contraint de résoudre la question des liaisons commerciales et transportuaires directes à travers le détroit de Taiwan.
Cependant, pour ce qui concerne le volet politique des relations entre Taiwan et Hong Kong, Pékin a encore le dessus. Afin déviter de donner limpression quil y a deux Chine, Pékin réglementera strictement les activités des organismes officieux de la RDC à Hong Kong après 1997, sil lon en croit la déclaration politique de Qian mentionnée précédemment. Mais Pékin doit encore concevoir toutes les mesures de détails relatives à cette question. Etant donné que Pékin met lourdement laccent sur le principe d une seule Chine et insiste sur le fait que la RPC monopolise la souveraineté sur le Territoire ce à quoi il faut ajouter la détermination de Pékin disoler Taiwan sur la scène internationale, il ne serait pas surprenant quaprès 1997, Pékin ne permette pas à Taiwan doffrir de services gouvernementaux à Hong Kong. Il reste à voir quels services Pékin autorisera Taipei à y rendre. Il est donc inévitable que les deux régimes entreprennent des négociations sur la question de Hong Kong.
Dans une large mesure, pour ce qui concerne les aspects politiques des relations à travers le détroit, cest Pékin qui donne le ton et il est possible que lavenir des liens entre Hong Kong et Taiwan soit fondé sur le calcul que fait Pékin à la fois de ses gains nets, des risques politiques encourus et de ses intérêts économiques dans ses transactions tant avec Hong Kong quavec Taiwan dans laprès-1997.