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Le droit de résidence permanent après 1997 : vestige ou forteresse ?

Indépendamment de leur dimension sentimentale, les questions de nationalité, de droit de séjour et de résidence sont, en elles-mêmes, des questions sensibles et délicates sur le plan juridique, car elles impliquent plusieurs souverainetés et leurs législations respectives. Par ailleurs, elles donnent lieu à une interaction entre les problèmes de droit propres à chacune des législations nationales concernées, d’une part, et les exigences de la protection des individus, de leurs droits acquis, de leur nationalité, de leur droit à une patrie d’autre part. Ces exigences et celles des différentes législations concernées sont parfois contradictoires, sans que l’on puisse nécessairement imputer les problèmes ou les griefs des individus lésés à la faute ou à la mauvaise foi des gouvernements concernés, ou encore à la carence des législations nationales en jeu. Le cas de Hong Kong ne fait pas exception à la règle. Il faut objectivement reconnaître et admettre que nous sommes devant un exemple typique et particulièrement sensible des problèmes de droit international privé, à savoir, le problème du conflit des lois. Nous croyons qu’il faut absolument garder cet aspect à l’esprit pour analyser objectivement les données et les solutions du problème particulier de Hong Kong et de son droit de résidence.

Certains aspects du problème sont rendus encore plus complexes du fait de la persistance notoire de la querelle juridique sino-britannique relative aux trois traités qui forment le socle juridique du statut actuel de Hong Kong (1). La Chine n’a jamais reconnu la validité de ces trois traités, communément appelés “traités inégaux”, et n’a donc jamais admis l’idée d’un transfert juridique de souveraineté sur le territoire de Hong Kong au bénéfice du Royaume Uni. La situation actuelle s’analyse, pour le droit chinois, comme une administration britannique temporaire d’un territoire dont la propriété a toujours été chinoise. Dès les premières années de la colonie, le statut personnel et la nationalité des habitants de Hong Kong ont donc souffert d’une constante ambiguïté ou incertitude juridique, plus ou moins prononcée selon la situation politique en Chine, mais relativement constante. Aux yeux du droit chinois de la nationalité, les Chinois de Hong Kong et de Macao ont toujours été chinois, mais ils ont une place à part dans la législation nationale en tant que “compatriotes chinois de Hong et Macao”. Dans la réalité donc, ils ont néanmoins un statut personnel lié au Royaume Uni, dont la République populaire de Chine (RPC) tient compte.

Chinois avant tout ?

En ce qui concerne la question de la nationalité, les Chinois de Hong Kong sont à cheval sur deux législations sans que l’on sache toujours clairement laquelle des deux la Chine considère comme applicable. De manière générale, la position chinoise a toujours été celle exprimée dans le Mémorandum chinois sur la nationalité annexé à la Déclaration conjointe sino-britannique : “En vertu de la loi sur la nationalité de la RPC, tous les compatriotes chinois de Hong Kong, qu’ils soient ou non titulaires du passeport de Citoyen d’un territoire sous dépendance britannique [British Dependent Territory Citizen—BDTC], sont des ressortissants chinois”. La loi sur la nationalité de la RPC de 1980 s’applique en quelque sorte à Hong Kong depuis sa promulgation. Tout en reconnaissant les passeports britanniques correspondant aux statuts de BDTC comme suffisants pour permettre à leurs titulaires (chinois) de voyager sur le “continent”, la Chine leur dénie toute pertinence au regard de la nationalité, même avant 1997. Pourtant, le titre de BDTC est au regard du droit de la nationalité britannique un titre de nationalité. Les conflits entre les conceptions chinoise et britannique se sont souvent soldés par la concession britannique que les Chinois de Hong Kong sont considérés comme chinois au moins lorsqu’ils sont en Chine. Cela a naturellement des conséquences sur la compétence juridictionnelle de la Chine sur eux et les écarte de la protection consulaire britannique en territoire chinois.

Le Royaume Uni : un pays, trois nationalités...

Nous ne pouvons ici entrer dans les détails du droit britannique de la nationalité, car ils sont très complexes et dépassent les limites de notre sujet. Nous nous limiterons à signaler les éléments essentiels qui expliquent la situation des ressortissants de Hong Kong au regard du droit d’entrer et de résider au Royaume Uni, et du type de protection consulaire britannique auxquels leur statut leur donne droit, actuellement et après 1997. Nous essaierons aussi de clarifier les différentes questions de la nationalité, du droit de résidence, des documents de voyage, qui ne sont pas nécessairement liés à la nationalité, avant d’aborder le droit de résidence permanent à Hong Kong.

La situation actuelle des habitants de Hong Kong au regard de leur nationalité, ou tout au moins au regard de leur possibilité d’accès au Royaume Uni, a grandement changé depuis les débuts de la colonie.

En vertu de la loi sur la nationalité britannique de 1948, toutes les personnes nées à Hong Kong étaient considérées comme “Citoyens du Royaume Uni et de ses Colonies” (Citizens of the United Kingdom and Colonies—CUKC) et, comme les “Citoyens des pays indépendants du Commonwealth” — l’autre catégorie de population distinguée par la loi de 1948 — étaient des “sujets” britanniques qui bénéficiaient du droit d’entrer et de résider au Royaume Uni. Il était possible de devenir CUKC par la naissance (descendance d’un père CUKC tout en étant né en dehors du Royaume et de ses colonies), par enregistrement, soit au Royaume Uni, soit à Hong Kong, ou par naturalisation après cinq ans de résidence au Royaume Uni ou à Hong Kong. La loi sur les immigrants du Commonwealth de 1962 a supprimé le droit de résider au Royaume Uni pour les CUKC nés en dehors du Royaume Uni ou possédant seulement un passeport du Royaume Uni. Avec la loi sur l’immigration de 1971, les CUKC de Hong Kong n’ont plus eu le droit de résider dans le Royaume Uni que s’ils étaient nés, adoptés, enregistrés ou naturalisés au Royaume Uni et non pas à Hong Kong, ou bien avaient un parent répondant lui-même à ces conditions, un grand-parent né lui-même d’un CUKC, ou bien encore était domicilié au Royaume Uni et y avait vécu pendant cinq ans au moins. La loi sur la nationalité britannique de 1981, dont dérive le statut actuel de “Citoyen d’un territoire sous dépendance britannique” (BDTC) classe les CUKCs en trois catégories de nationalité britannique: les “Citoyens Britanniques” qui ont un droit de résidence au Royaume Uni ; les BDTC, qui n’ont pas le droit de résider au Royaume Uni ; et les “Citoyens Britanniques d”Outremer” (British Overseas Citizens—BOC). Seuls les CUKC qui avaient le droit de résidence au Royaume Uni selon la loi de 1971 sont devenus d’office citoyens britanniques. Mais la plupart des gens de Hong Kong n’ayant pas le droit de résidence selon la loi de 1971 relèvent des BDTC. Ils sont de nationalité britannique, mais sans droit de résidence, et peuvent obtenir un passeport britannique et recourir à la protection consulaire britannique lorsqu’ils sont à l’étranger.

Il existe souvent une certaine confusion dans les esprits entre la nationalité, les passeports, les “documents de voyage” grâce auxquels des ressortissants peuvent entrer et sortir, voyager d’un territoire à un autre. Notons en passant que le passeport n’est pas nécessairement un titre de nationalité. Il constitue en réalité un document officiel issu par des autorités étatiques permettant à une personne de sortir de son territoire et d’entrer dans un autre pays. Il n’est pas obligatoire d’avoir un passeport. Certaines personnes ne possèdent qu’une carte d’identité, ou l’équivalent, pour usage interne. En revanche, à partir du moment où elles veulent voyager à l’étranger, elles doivent faire la demande d’un passeport, ou d’un autre document de voyage. Par convention internationale en quelque sorte, le passeport constitue le “document de voyage” internationalement opposable aux autres autorités officielles étrangères. Sans passeport, (ou document de voyage jouant le même rôle), une personne ne peut donc pas sortir, car elle ne peut pas entrer dans un autre pays. C’est tout le problème rencontré par les citoyens chinois qui veulent partir à l’étranger et font une demande de visa, et l’obtiennent, auprès des autorités étrangères concernées, mais finalement ne peuvent pas sortir de Chine parce qu’elles n’ont pas obtenu leur passeport à temps, ou parce qu’il ne leur a pas été octroyé!

... et un document de voyage de transition

C’est peut-être cette considération qui a donné lieu à l’introduction d’un nouveau statut, “Nationaux britanniques d’Outremer” (British Nationals Overseas—BNO) pour faire suite à l’expiration ou à la disparition du statut de BDTC, mais qui a une nature juridique différente du BDTC. Le BDTC est lié au statut personnel et à la nationalité ; pour cette raison, il ne peut continuer d’exister après 1997. Même s’il confère une nationalité britannique sans droit de résidence au Royaume Uni, il est lié à la souveraineté britannique et à son extension — de jure ou de facto selon la position que l’on prend sur la validité des traités inégaux — au territoire de Hong Kong. En revanche, le BNO n’est pas un titre de nationalité, mais seulement un document de voyage. Certes il est lié à la détention du statut de BDTC, dans la mesure où il est octroyable à ceux qui avaient le statut de BDTC avant 1997. Mais il s’agit seulement d’une sorte de “facilité de voyage”, une “faveur” particulière accordée aux ressortissants de Hong Kong en héritage du passé, comme l’expriment respectivement les deux Mémorandums chinois et britannique sur la nationalité annexés à la Déclaration Sino-britannique de 1984 (2).

Dans la logique de la cessation de la souveraineté britannique sur le territoire de Hong Kong, la catégorie de BDTC en vertu d’un lien avec Hong Kong, doit disparaître de la législation britannique en temps voulu. C’est la loi britannique sur Hong Kong de 1985 (Hong Kong Act, 1985) qui pose les jalons pour le retrait de la nationalité britannique sous sa forme actuelle, et crée précisément le statut de BNO. Le “décret” de 1986 sur Hong Kong au regard de la nationalité britannique (Hong Kong British Nationality Order, 1986) pris en application du Hong Kong Act de 1985 fixe les détails et conditions d’octroi de ce statut, selon les termes fixés dans le Mémorandum britannique mentionné plus haut.

La qualité de BNO n’a aucun effet sur la nationalité chinoise de ses détenteurs. C’est un document qui sera opposable aux autorités étrangères comme titre de voyage “affilié” au Royaume Uni, comme un passeport, mais ne confère pas la nationalité britannique. Avec le BNO, on voit clairement que l’on peut éventuellement voyager avec des documents de voyage d’un Etat dont on n’a pas ou plus la nationalité. L’important est que ces documents soient internationalement reconnus. En fait, le passeport BNO a le même usage, la même fonction juridique qu’un passeport de la RAS. Mais il constitue en quelque sorte une “faveur” de la part du Royaume Uni rendue possible par la “bonne grâce” de la RPC, de continuer à profiter des avantages ou facilités de voyager en tant que BDTC. Cela ne veut pas dire que ceux qui n’ont pas le statut de BNO ne pourront pas voyager. Ceux-ci devront simplement, s’ils veulent voyager, faire une demande de passeport de la Région administrative spéciale (RAS).

Les avantages du BNO

Pourquoi alors cette course au BNO ? Peut-être parce que de nombreux Hongkongais pensent qu’un “tiens!” vaut mieux que deux “tu l’auras!”. En effet, s’il existe un moyen de s’assurer, avec l’accord bienveillant de la RPC, qu’on a en main un document de voyage fondé sur un ancien lien avec le Royaume-Uni, et continuant de lui être relié, autant prendre celui-ci, plutôt que d’attendre que la RAS soit établie pour pouvoir commencer à demander un passeport de la RAS — même s’il est question de commencer à délivrer les passeports de la RAS par anticipation peut-être même avant l’établissement de la RAS.

Par ailleurs l’article 154 de la Loi fondamentale stipule que “le gouvernement central autorisera le gouvernement de la RAS de Hong Kong à délivrer, en accord avec la loi, des passeports de ‘Hong Kong, RAS de la RPC’ à tous les citoyens chinois qui détiennent une carte d’identité permanente de la Région, et des documents de voyage de ‘Hong Kong, RAS de la RPC’ à toutes les autres personnes résidant légalement dans la Région. Les passeports et documents de voyage ci-dessus mentionnés seront valides pour tous les Etats et régions, et porteront mention du droit de revenir dans la Région” (3). Certes, l’article 31 de la Loi fondamentale garantit la liberté de mouvement à l’intérieur de la RAS, d’émigrer, de voyager et d’entrer et de sortir de la RAS, sur la base d’un passeport, ou d’un autre type de document de voyage valides. Certes aussi, le même article stipule expressément que sauf cas d’empêchement par la loi, les détenteurs de documents de voyage valides seront libres de quitter la Région sans autorisation spéciale. Mais cela ne garantit pas que les passeports seront automatiquement délivrés ou que la délivrance ne sera pas finalement, officiellement ou officieusement, soumise à diverses conditions imaginables par les autorités chinoises. Se profile forcément en filigranes la crainte que les passeports puissent être refusés pour des raisons politiques par exemple, ou parce que la personne envisage de voyager dans un pays mal vu (4).

Les “facilités de voyage” que le Royaume Uni accorde aux ex-BDTC s’étendent jusqu’à la protection consulaire britannique à l’étranger — indépendamment de la nationalité, puisque la mesure concerne autant les Chinois que les non-Chinois qui avaient le statut de BDTC. En revanche, la protection ne vaut que dans les pays tiers, c’est-à-dire hors de Hong Kong et de la RPC. “Les personnes ayant obtenu des passeports émis par le gouvernement du Royaume Uni ou figurant sur ceux-ci ...auront le droit de bénéficier, sur leur demande, des services et de la protection consulaires britanniques lorsqu’ils seront dans des pays tiers” (Mémorandum britannique sur la nationalité). En effet, il est de règle en droit international, même lorsqu’un individu a plusieurs nationalités, que la protection consulaire de l’Etat d’une des autres nationalités ne puisse s’exercer que sur le territoire des Etats tiers (5). La même règle s’applique a fortiori pour les ressortissants chinois de Hong Kong qui bénéficient de la faveur de la protection consulaire du Royaume Uni grâce à la détention de documents de voyage émis par ce pays. En revanche, il nous semble que la protection britannique devrait être recevable pour des ex-BTDC, non-chinois, ayant et faisant valoir le statut BNO, lorsqu’ils sont sur le territoire de la RAS ou en RPC. Pourtant la formulation britannique semble plus restrictive.

Incidemment, on peut se demander, et cela serait un cas pratique de droit international particulièrement intéressant, quelle seraient en revanche la situation en droit et la prise de position éventuelle d’une juridiction internationale dans le cas où un ex-BDTC titulaire d’un document de voyage d’origine britannique demande, sur la base de ces dispositions, la protection consulaire britannique qui lui est associée lorsqu’il est à Taiwan! Chacun sait que Pékin considère Taiwan comme partie intégrante de la RPC. L’île nationaliste serait-elle regardée comme un Etat tiers? La protection britannique serait-elle accordée ? Serait-elle recevable ?

Rappelons enfin que le statut de BNO ne peut plus s’acquérir après 1997, qu’il n’est pas transmissible de génération en génération et qu’il est donc appelé à disparaître.

La question du droit de résidence permanent

Avant d’aborder la question du droit de résidence à Hong Kong, et plus particulièrement du droit de résidence permanent, nous souhaitons dès le départ nous exclure d’un débat cependant envisageable, sur la légitimité de la nationalité chinoise, après 1997, pour les habitants ethniquement chinois de Hong Kong. Il existe en effet tout un débat autour du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, au terme duquel ou pourrait en effet remettre en cause l’idée que l’on puisse ainsi “transférer” des ressortissants et leur imposer une nouvelle nationalité, sans passer systématiquement par un référendum d’auto-détermination. Néanmoins il faut reconnaître que la mise en oeuvre du droit des peuples est souvent tenue en échec par le principe de l’intégrité territoriale de l’Etat. Dans le cas de Hong Kong, en fait, cette question n’a jamais été résolue à un niveau international, que ce soit bilatéral ou multilatéral. Sous la pression de la Chine, le territoire de Hong Kong a été retiré de l’agenda du Comité de décolonisation de l’Organisation des Nations-Unies en 1972, et la “colonie” a été en quelque sorte déqualifiée, retirée de la liste des territoires restant à décoloniser, excluant de facto la question de Hong Kong du processus de décolonisation qui s’exerce normalement sous les auspices du Comité de décolonisation des Nations-Unies. Cependant, sur un plan strict de droit international, la question peut être considérée comme juridiquement pendante. Il n’y a jamais eu de règlement international sur la querelle sino-britannique relative aux “traités inégaux”. La Déclaration sino-britannique de 1984 n’en constitue assurément pas un. Elle ne réconcilie aucunement les deux positions en conflit sur les questions de souveraineté et de la validité des traités. Elle n’exprime aucun accord entre la RPC et le Royaume-Uni sur la nature juridique du statut actuel de Hong Kong, ; au contraire, elle entérine la divergence et passe directement à 1997 en instaurant un nouveau statut qui est néanmoins censé préserver les acquis de Hong Kong. Cela dit, au regard des questions de nationalité qui se posent à l’occasion de mutations territoriales, le droit international n’a pas consacré de principe obligatoire d’un droit à l’option offrant la possibilité aux ressortissants transférés de faire un choix entre la nationalité de l’Etat prédecesseur et celle de l’Etat successeur. Les habitants concernés prennent la nationalité de l’Etat auquel le territoire est transféré, à moins que les Etats intervenants aient expressément prévu un droit d’option — et il est clair qu’en l’occurrence ni le Royaume-Uni, ni la RPC n’ont entendu le donner. Il appartient à chacun des Etats individuellement de voir comment il entend régler pour son propre compte les questions de nationalité.

Il est donc acquis que les Chinois de Hong Kong deviennent citoyens chinois de la RPC au regard de leur nationalité, par l’effet du transfert de territoire, à partir du 1er Juillet 1997.

L’article 24 de la Loi fondamentale (mini-constitution de la future RAS) définit le droit de résidence à partir de deux grands critères: la naissance sur le sol de Hong Kong et la nationalité d’une part, et les années de résidence d’autre part.

“Les ‘Résidents de la Région Administrative Spéciale de Hong Kong’ (‘Résidents de Hong Kong’) incluent les résidents permanents et les résidents non-permanents.

Les résidents permanents de la RAS de Hong Kong sont:

1) Les citoyens Chinois nés à Hong Kong avant ou après l’établissement de la RAS de Hong Kong ;

2) Les citoyens chinois ayant eu leur résidence habituelle à Hong Kong pendant une période ininterrompue de sept ans ou plus, avant ou après l’établissement de la RAS de Hong Kong ;

3) Les personnes de nationalité chinoise nées en dehors de Hong Kong de résidents appartenant aux catégories 1) et 2) ;

4) Les personnes de nationalité non chinoise qui sont entrées à Hong Kong avec des documents de voyage valides, ont eu leur résidence habituelle à Hong Kong pendant une période ininterrompue de sept ans ou plus et ont pris Hong Kong comme lieu de résidence permanent, avant ou après l’établissement de la RAS de Hong Kong;

5) Les personnes de moins de 21 ans nées à Hong Kong de résidents appartenant à la catégorie 4) avant ou après l’établissement de la RAS de Hong Kong; et

6) Les personnes autres que celles des catégories 1) à 5), qui avaient, avant l’établissement de la RAS de Hong Kong, le “droit de résidence” (“right of abode”) seulement à Hong Kong.

Les résidents mentionnés ci-dessus ont le “droit de résidence” dans la RAS de Hong Kong et sont qualifiées pour obtenir, en accord avec les lois de la Région, des cartes d’identité permanentes portant mention de leur “droit de résidence”.

Les résidents non permanents de la RAS de Hong Kong sont les personnes qui sont qualifíées pour obtenir des cartes d’identités de Hong Kong en accord avec les lois de la Région mais n’ont pas le “droit de résidence”.

Il s’impose de donner la définition du “right of abode” que nous avons traduit par “droit de résidence”, terme qui implique, en français, que ce droit est inconditionnel, permanent, et non soumis aux lois d’immigration. Le “right of abode” se définit d’après l’Ordonnance sur l’immigration (Immigration Ordinance) telle qu’elle fut amendée en 1987 (section 2A), comme le droit, non assujetti à une quelconque permission, pour un individu, d’entrer à Hong Kong (par n’importe quel moyen de transport) et d’y séjourner de manière inconditionnelle, sans qu’aucun ordre d’expulsion ou de quitter le Territoire ne lui soit opposable.

Seuls les “résidents permanents” possèdent le droit de résider inconditionnellement, et sont qualifiés pour avoir une carte d’identité permanente portant mention de leur droit de résidence inconditionnelle, ou droit de domicile (article 24 de la Loi fondamentale, paragraphe 4). Les résidents non permanents peuvent recevoir une carte d’identité de Hong Kong mais n’ont pas le “right of abode”, autrement dit, leur droit de résidence reste soumis à permission, visa, etc.

C’est évidemment cet aspect qui est crucial et au coeur des mesures et décisions relatives au statut de tous les Chinois de Hong Kong, de retour dans le territoire après une expatriation temporaire et que l’on appelle les “revenants” (returnees).

Qui est titulaire du droit de résidence permanent ? Peut-on perdre son droit de résidence permanent à Hong Kong du fait du changement de souveraineté ? Cela apparaît comme une contradiction en soi: s’il est permanent, et si, conformément à l’article 24 paragraphe 3, il confère de plein droit le “right of abode”, par définition, une fois acquis, il l’est, ou du moins devrait l’être, une fois pour toutes. C’est précisément ce qui est au coeur des débats passionnels de ces derniers temps sur le sujet.

La mise en application de l’article 24 débouche à terme sur une question d’interprétation des différents concepts et pose la question du droit de référence en la matière. Il est clair que les concepts de “Chinois” et de “nationalité” doivent s’apprécier et s’interpréter au regard du droit chinois.

A cet égard, la RAS de Hong Kong n’étant pas un Etat doté de la souveraineté étatique et d’une nationalité propre, est tributaire, au regard des conditions de nationalité, de la Chine, et du Royaume Uni, dans la mesure où ce dernier accepte de l’assumer (ou de ne pas l’assumer!). Cela étant posé, l’article 24 de la Loi fondamentale est donc obligé de passer par le droit de la RPC pour une partie de son interprétation et de sa mise en oeuvre. Il s’ensuit que Hong Kong est nécessairement tributaire de la RPC et du droit chinois pour définir la condition des personnes physiques quant au droit en particulier, de résider sur son territoire. Ce qui inclut les conditions d’entrée, de sortie du territoire, et le séjour. Même si l’on estimait que la réglementation du droit de résidence est du ressort des compétences autonomes de Hong Kong, il n’en resterait pas moins que cette réglementation est conditionnée par la question de la nationalité des résidents qui elle-même doit s’apprécier au regard de la loi de la RPC sur la nationalité chinoise de 1980.

Le cas des résidents chinois bi-nationaux

Nous n’entrerons pas ici dans un grand débat philosophico-juridique sur la définition de la nationalité. Pour les besoins de cette étude, nous nous tiendrons à celle que donne Pierre Mayer (6) comme la “définition communément donnée par les auteurs de droit international privé”, à savoir “l’appartenance juridique d’une personne à la population constitutive d’un Etat” (7), étant entendu, comme nous l’avons signalé, que l’Etat est souverain dans sa qualification de “national” d’une personne physique et libre dans la détermination des critères d’attribution de sa nationalité.

Et il y a précisément un point fondamental dans la loi chinoise sans doute difficile à accepter pour les Chinois de Hong Kong qui, de manière générale, n’ont jamais eu vraiment la possibilité de complètement s’identifier juridiquement et affectivement avec une vraie nationalité ferme et établie et pour qui les concepts de “résidence” ou de “patrie” ne correspondent pas encore à une réalité juridique en terme de nationalité. Leur “patrie” est effectivement Hong Kong, mais cela n’est jamais allé de pair avec une nationalité de Hong Kong. C’est un nouveau pli à prendre sans doute, qui nécessite forcément un temps d’adaptation dans les mentalités. Néanmoins, la réalité juridique les heurte de plein fouet: c’est le refus de la pluri ou double nationalité; et c’est effectivement une source de complication pour ceux qui ont obtenu une autre nationalité. Mais tout Etat est libre de refuser à ses ressortissants le bénéfice de la double nationalité; et la Chine est de toutes façons liée internationalement sur cette question. Il existe des accords internationaux avec des pays de l’Asie du Sud-est, comme par exemple avec la Malaisie, aux termes desquels les ressortissants ethniquement Chinois de Malaisie ne peuvent se prévaloir d’une double allégeance, et se doivent d’abandonner leur nationalité chinoise s’ils ont la nationalité de leur pays de résidence. Elle ne peut pas faire d’exception pour Hong Kong et réviser sa loi sur la nationalité sans provoquer des réactions en chaîne !

Et c’est de là que partent tous les problèmes qui font l’objet de constants débats et de beaucoup de malentendus, puisque la notion de résidence permanente est intimement liée à la nationalité chinoise. Jusqu’à présent, les Chinois de Hong Kong n’avaient pas eu à se poser trop de questions puisque la question de leur nationalité n’entrait guère en jeu dans leur liberté d’entrer ou de sortir du territoire. Ce qui était clair (et l’objet de regrets pour beaucoup), c’était qu’ils n’avaient pas automatiquement la nationalité britannique ni le droit d’entrer et de résider en Royaume Uni. Que ce soit pour ceux titulaires d’un “vrai” passeport britannique, d’un statut de BDTC, ou simplement de leur carte de résident permanent de Hong Kong, leur condition vis à vis de Hong Kong n’était pas affectée. Le problème se pose maintenant pour ceux qui ont obtenu une nationalité tierce, quelle qu’elle soit, et qu’ils l’aient obtenue en émigrant ou non, est qu’ils tombent sous le coup de l’ interdiction de la loi chinoise sur la nationalité et se voient imposer un choix en fonction duquel leur condition de résident passe d’un alinea à l’autre de l’article 24 paragraphe 2, c’est-à-dire passe d’une condition de Chinois [catégories 1), ou 3), les Chinois nés à Hong Kong ou nés en dehors de Hong Kong de ces personnes], à celle d’étranger sur son propre territoire d’origine [catégorie 4), les non-Chinois ayant résidé au moins sept ans à Hong Kong].

Il est certain que la tolérance de la pluri ou double nationalité résoudrait le problème de tous ceux qui ont un double statut, comme ceux ayant bénéficié du “British Nationality (Hong Kong) Act” de 1990, en vertu duquel un certain nombre de ressortissants de Hong Kong ont obtenu la nationalité britannique selon différents critères — système de points — sans avoir eu à résider au Royaume-Uni) et de tous les Chinois de Hong Kong qui ont émigré, temporairement, et reviennent dans le territoire en ayant pour la plupart d’entre eux, une deuxième nationalité, ou, au minimum, un droit de résidence à l’étranger (ce qui était destiné à fonctionner comme une police d’assurance en cas de problème). Restant chinois malgré leur nationalité étrangère, ils resteraient dans les catégories 1) et 3) des citoyens chinois nés à Hong Kong ou des chinois nés hors de Hong Kong mais de parents chinois eux-mêmes nés à Hong Kong (8).

Remarquons qu’il peut y avoir une différence entre avoir acquis une nationalité étrangère et avoir un droit de résidence à l’étranger (on peut fort bien concevoir qu’un individu ait le droit de résider dans un Etat B, sans pourtant en avoir obtenu ou demandé la nationalité. Les cas de figure peuvent varier autant qu’il y a de pays et de législations nationales). A supposer qu’un Chinois de Hong Kong ait obtenu et garde un droit de résidence dans un autre pays sans en avoir la nationalité, comment se positionne-t-il au regard de la loi de la RPC sur la nationalité?

A la lecture des articles 9 et 10 de la loi chinoise sur la nationalité concernant respectivement la perte automatique et la répudiation (sur lesquels nous reviendrons), on peut conclure que l’expatriation à elle seule n’est pas un facteur automatique et suffisant pour perdre la nationalité chinoise. Il faut avoir en sus de l’expatriation obtenu la nationalité étrangère, et il faut avoir expressément demandé, et été autorisé à répudier sa nationalité chinoise lorsque l’on a élu domicile à l’étranger, pour la perdre par répudiation.

En conséquence, sur le plan strict du droit, cette situation n’impliquant aucune acquisition de nationalité étrangère, le droit de résidence de tels individus devrait rester intact. Au demeurant si l’on examine certaines autres dispositions de la Loi fondamentale concernant en particulier les conditions imposées pour avoir qualité à occuper certaines positions politiques ou dans la fonction publique, il semble clair que la possession d’un droit de résidence à l’étranger est distincte de celle d’une nationalité étrangère. En effet par exemple, (et ce n’est qu’un exemple parmi d’autres comme l’article 44 concernant le chef de l’exécutif, l’article 61, 67, 71...) l’article 55 paragraphe 2 stipule que “les membres du Conseil executif de la RAS de Hong Kong sont des citoyens chinois qui sont résidents permanents sans droit de résidence dans un pays étranger (without right of abode in any foreign country)”. On peut avoir gardé un droit de résidence à l’étranger sans en avoir pris la nationalité, et un individu peut avoir à la fois un droit de résidence à l’étranger et un droit de résidence à Hong Kong. La seule conséquence restrictive de ce double droit porte uniquement sur sa capacité à occuper certaines fonctions publiques, mais non sur sa qualité de résident permanent.

Il en va différemment pour tous ceux qui ont acquis une autre nationalité.

- Toute personne chinoise née à Hong Kong, du moment qu’elle est ou reste chinoise au regard de la loi de la RPC sur la nationalité chinoise même si elle a séjourné à l’étranger, n’est pas inquiétée, et n’est pas soumise à la condition de résidence pendant sept ans.

- Le problème commence quand un résident a obtenu une nationalité étrangère.

En vertu de l’article 9 de la loi chinoise du 10 septembre 1980 sur la nationalité chinoise, c’est un cas de perte automatique de la nationalité chinoise: “Perd de plein droit la nationalité chinoise tout citoyen chinois qui est domicilié à l’étranger et qui s’est fait naturaliser volontairement étranger ou qui a acquis une nationalité étrangère.” Cette disposition semble bien signifier que l’abandon de la nationalité chinoise par le biais de l’acquisition d’une autre nationalité constitue une perte de la nationalité chinoise, automatique et non subordonnée à une acceptation par les autorités chinoises, contrairement à la répudiation qui peut être, ou ne pas être, autorisée (et pour être effective, la répudiation doit faire l’objet d’une demande spéciale de la part de l’intéressé, et être expressément autorisée par les autorités chinoises compétentes, article 10 de la loi chinoise, qui s’applique dans les cas suivants: être proche parent d’un étranger, avoir son domicile à l’étranger, avoir d’autres “justes motifs”). Et l’article 14 pris a contrario (italiques de l’auteur), “Sauf le cas visé à l’article 9, l’acquisition et la répudiation de la nationalité chinoise....résultent de la demande du postulant.....”, implique bien que la perte dans le cadre de l’article 9 n’a pas besoin de faire l’objet d’une autorisation pour être effective.

A première vue donc, deux cas bien tranchés pour le résident permanent chinois “binational”: Un choix s’impose à lui:

- soit il abandonne l’autre nationalité de manière claire et explicite, et tout rentre dans l’ordre; il retombe dans le cas de la résidence permanente de plein droit ;

- soit il choisit de garder de manière explicite et sans ambiguité sa nationalité étrangère, et normalement selon la loi chinoise de 1980, il tombe sous le coup de l’article 9. Il perd sa nationalité chinoise. Il devient étranger et soumis aux conditions de résidence (les sept ans, sur lesquels nous reviendrons). Normalement donc, la nationalité chinoise est irrecevable pour cette personne.

Les choses ne sont pourtant peut-être pas aussi tranchées que nous le décrivons cidessus. La possibilité de contentieux sur la nationalité n’est, à notre avis, pas à exclure.

En effet, dans la pratique, il est difficile d’être sûr des modalités d’application et de l’articulation de ces deux dispositions, articles 9 et 10 de la loi chinoise de 1980. Et il ne faut pas oublier que l’interprétation de ces dispositions appartient à la RPC. Il se pourrait fort bien qu’on se retrouve en présence de désaccords à propos de la nationalité “effective” telle qu’elle est majoritairement définie par la jurisprudence internationale pour l’emporter dans les cas de contentieux de la nationalité (9) ; désaccords entre l’individu et les autorités compétentes en matière d’immigration, voire en matière criminelle ou judiciaire, que ce soient les autorités chinoises, ou de Hong Kong d’ailleurs, ou entre les administrations centrale et locales, avec toutes les conséquences qui en découlent quant à la protection consulaire à l’étranger par exemple, la demande d’extradition, la recevabilité de plaintes judiciaires et devant quelles autorités judiciaires nationales, la possibilité d’occuper certains postes dans le service public, etc....

Dans quelle mesure le caractère de la perte de la nationalité chinoise est-il automatique, de plein droit? A vrai dire, la différenciation entre le cas de perte automatique et celui de répudiation nous apparaît assez mince. Comme par exemple, la différence entre perdre la nationalité chinoise quand on est domicilié à l’étranger et que l’on s’est fait naturaliser volontairement étranger (article 9) et demander la répudiation lorsque l’on a son domicile à l’étranger ou pour “d’autres justes motifs” (article 10). L’acquisition de la nationalité étrangère précisément ne constitue-t-elle pas un “juste motif” pour demander la répudiation, lorsque l’on revient vivre en Chine (incluant Hong Kong), auquel cas la perte de la nationalité n’est plus de plein droit mais soumise à une autorisation des autorités compétentes; il se produirait ainsi une sorte de glissement automatique à l’article 10, empêchant systématiquement la mise en jeu de l’article 9.

La question clé, au regard de la position des returnees vis-à-vis de la loi sur la nationalité chinoise est la suivante : pour que la nationalité chinoise soit effectivement annulée et que la nationalité étrangère soit reconnue et considérée comme opposable aux autorités chinoises, faut-il une autorisation expresse des autorités chinoises, (auquel cas il s’agit presque d’une procédure de répudiation, plus aléatoire) ou bien la déclaration de sa nationalité étrangère constitue-t-elle la cause nécessaire et suffisante enclenchant l’application de l’article 9 et causant la perte de plein droit de la nationalité chinoise?

Le contentieux ne se pose pas tant en terme de perte de la nationalité chinoise qu’en terme d’opposabilité de la nationalité étrangère sur le sol chinois, y compris Hong Kong.

Perte automatique de la nationalité chinoise ?

A notre avis, la réponse n’est pas aussi évidente qu’on le croit, surtout lorsque l’on considère les déclarations et l’attitude des autorités chinoises vis-àvis des returnees ou vis-à-vis de ceux qui ont obtenu la nationalité britannique sur le fondement du British Nationality Act de 1990, sans avoir eu à résider au Royaume Uni.

Une interprétation à la lettre de l’article 9 serait que les Chinois qui ont été domiciliés à l’étranger et ont acquis une nationalité étrangère quelconque, ont déjà automatiquement perdu la nationalité chinoise et qu’ils reviennent déjà en tant qu’étrangers. Mais il ne semble pas que ce soit la façon dont la RPC interprète les choses, puisqu’elle accepte de les laisser choisir quelle nationalité ils vont décider de faire valoir en rentrant!

C’est là que, à notre avis, il faut faire entrer en ligne de compte d’autres considérations et aller au delà d’une analyse purement exégétique de l’article 9. Nous aimerions faire une remarque qui n’engage que l’auteur, mais qui n’est peut-être pas à négliger. Elle concerne l’esprit dans lequel ces deux dispositions auraient pu avoir été conçues. On peut anticiper que ces deux dispositions sur la perte automatique et sur la répudiation ont une fonction globale essentiellement protectrice de la nationalité chinoise, et que leur mission est non pas tant de tirer les conséquences a posteriori de l’acquisition d’une nationalité étrangère que d’empêcher celle-ci de produire ses effets sur le sol chinois.

La disposition sur la perte automatique viserait deux cas de figure différents et comporterait intrinsèquement deux fonctions opposées correspondant à deux cas de figure différents, mais visant au même but. Une fonction libératrice pour ceux, comme les Chinois de Malaisie qui effectivement s’expatrient, s’installent pour toujours dans un pays d’adoption qui refuse la double allégeance. Ces personnes perdent automatiquement la nationalité chinoise quand elles résident à l’étranger, quand elles se sont fixées sur le sol étranger. Inversement, la deuxième fonction est préventive pour ceux qui sont sur le sol chinois. C’est-à-dire que si un Chinois domicilié à l’étranger revient pour s’installer en Chine ou à Hong Kong, il n’est plus domicilié à l’étranger, (en particulier s’il revient en faisant valoir son titre de résident permanent de Hong Kong, et veut continuer à être considéré comme tel), il n’est plus dans le champ d’application de l’article 9 et il n’y a plus perte automatique de sa nationalité chinoise; il faudra qu’il l’obtienne par répudiation à condition donc qu’il ait de “justes motifs”. En effet, pour que la perte soit automatique dans le cadre de l’article 9, il faut non seulement la nationalité étrangère mais aussi le domicile à l’étranger (10). Tout dépend alors de l’interprétation du concept de “domiciliation” à l’étranger. Et si un Chinois de Hong Kong revient en se disant résident permanent de Hong Kong, il y a de fortes chances pour qu’il ne soit pas considéré comme domicilié à l’étranger. Il tombe alors effectivement dans le cas d’une demande de répudiation pour “d’autres justes motifs” (article 10, point 3 de la loi sur la nationalité de la RPC).

Ne risque-t-il pas de se produire un glissement entre l’article 9 et 10, de telle sorte que, dans l’hypothèse où un Chinois étranger revient s’installer à Hong Kong, le gouvernement le considère comme chinois à moins qu’il ne fasse une demande de répudiation, la nationalité étrangère constituant alors un “juste motif” envisageable. Mais rien ne garantit que la répudiation soit acceptée, car il s’agit alors d’un pouvoir souverain d’interprétation de la loi, des critères d’acceptation...

Il s’agit là de problèmes d’application et d’interprétation du droit chinois de la nationalité, sur lesquels Hong Kong n’a pas, à notre avis, le contrôle final. En cas de contentieux administratif porté devant les tribunaux de la RAS, à partir du moment où la question de nationalité serait soulevée, on serait probablement en présence d’un cas de sursis à statuer et de renvoi aux autorités judiciaires compétentes chinoises pour interpréter la loi de la RPC et statuer en ultime ressort.

Quels que soient les aspects propres à Hong Kong et intimement personnels de ces questions, sur le plan du droit, elles touchent à la souveraineté nationale de la RPC. Les juges de Hong Kong peuvent-ils avoir compétence pour interpréter une loi de la RPC touchant à des questions directement reliées à sa souveraineté ? Même en étant spécialement habilités à traiter des demandes de nationalité, et autres questions relatives à la nationalité, comme le propose le Comité Préparatoire, les services d’immigration de la RAS n’auront vraisemblablement pas carte blanche pour interpréter eux-mêmes la loi nationale chinoise sur la nationalité, lorsqu’une décision administrative nécessitera d’appliquer ou de déterminer le sens exact et les implications juridiques de telle ou telle disposition.

La politique de l’autruche : une solution peu fiable

Il nous semble par ailleurs que les nouvelles mesures proposées par le Comité Préparatoire en mars 1996, n’aident pas beaucoup en la matière, mais au contraire ne font que favoriser ces incertitudes juridiques et glissements potentiels de légalités.

Il nous semble en fait que la RPC elle-même cherche à définir sa propre position juridique sur ces questions et conflits. C’est la raison pour laquelle nos analyses ne prétendront pas se vouloir complètes, ni finales.

En vue de “repêcher” le droit de résidence permanent en passe de naufrage des Chinois originaires de Hong Kong devenus étrangers mais souhaitant rentrer au pays pour continuer d’y résider, la RPC semble proposer d’ignorer leur nationalité étrangère s’ils ne la déclarent pas lors de leur retour. Ils sont chinois sauf s’ils renoncent formellement à la nationalité chinoise en déclarant leur nationalité étrangère. Reste à savoir dans ce cas si cette déclaration est automatiquement recevable, ou si elle peut être refusée! (et dans ce cas il y a blocage total du fonctionnement de l’article 9 de la loi sur la nationalité chinoise — refus d’entériner la perte de nationalité).

Certes une telle position a le mérite de se vouloir libérale, compatissante et compréhensive envers les résidents concernés, en leur laissant, comme le souligne Lu Ping dans son discours du 12 Avril 1996, délivré à l’occasion de la conférence “Towards 1997 and Beyond”, une autonomie de décision quant au choix de leur nationalité. Elle prend acte aussi, reconnaissons-le, de l’impossibilité pratique de “contrôler” la situation personnelle de l’ensemble de la population du territoire! Cependant, sur le plan du droit, elle nous semble peu fiable, et relativement critiquable.

Les propositions du Comité préparatoire sembleraient établir une sorte d’ambiguïté, une sorte de tolérance déguisée de facto de la double nationalité, du style de la politique de l’autruche, “je ferme les yeux sur la nationalité étrangère”. Mais fermer les yeux ne retire pas la faille dans le système. Cela aboutit plus ou moins à une entorse à la stricte légalité quelle que soit la partie à qui elle est imputable! En fait cette attitude que nous pourrions qualifier de pragmatisme ou d’opportunisme légal, est en l’espèce, plus ou moins un encouragement à “mentir par omission” en cachant, certes par un silence, mais néanmoins intentionnellement, son statut d’étranger. Cela peut apparaître comme une attitude tolérante, mais sur le plan de la rigueur et de l’honnêteté juridiques, c’est douteux. Et comme nous allons le montrer, c’est jouer avec le feu et éventuellement avec la légalité des pays d’émigration.

Supposons en effet qu’un ressortissant chinois de Hong Kong, résident permanent de la RAS ayant émigré à l’étranger et obtenu la nationalité de son Etat d’émigration, revienne à Hong Kong sans déclarer, ou sans faire valoir sa nationalité étrangère: il n’a pas officiellement déclaré sa nationalité étrangère, mais n’a pas, cependant, répudié celle-ci au regard du droit de l’Etat d’adoption. Au regard de la loi chinoise appliquée au pied de la lettre, il tombe normalement sous le coup de l’article 9 (perte automatique). Il peut donc, du jour au lendemain, selon la position adoptée par les autorités chinoises soit qu’elles découvrent cette nationalité étrangère “silencieuse”, soit qu’elles décident finalement de ne plus l’ignorer, se voir en fait confisquer son droit de résidence permanent s’il ne satisfait pas aux conditions de résidence telles qu’elles auront été imposées par la RPC via le Comité Préparatoire, s’il n’a pas, par exemple, accumulé le nombre d’années suffisant, selon les modalités de comptabiliser adoptées)

Qui peut alors garantir que, en parfait accord avec la légalité de la RPC et de Hong Kong, et sans recours possible, il ne pourra pas être requis de quitter le Territoire et de retourner dans son pays d’émigration?

Que faire si par malheur entretemps il avait perdu sa nationalité étrangère ou son droit d’entrer dans son pays d’émigration? En effet si l’Etat d’adoption ou d’émigration (Etat B) lui-même n’accepte pas la double nationalité, il pourrait très bien considérer la conservation “silencieuse”, ou l’abstention de faire valoir la nationalité étrangère “B” au regard du droit chinois, comme une conservation tacite de la nationalité chinoise suffisante pour justifier par conséquent, au regard de la législation de l’Etat B, la perte de la nationalité B qu’il avait octroyée.

Sans compter que sur un plan éthique, cela revient à jouer avec la vérité, et contourner la légalité dans un des Etats pour échapper aux dispositions qui aboutiraient à des résultats défavorables, mais qui sont néanmoins parfaitement applicables — ce qui ne nous semble ni louable, ni très positif pour une société, ni un bon exemple au regard de la lutte contre la fraude et la corruption — un tel système ne peut manquer d’engendrer un état d’incertitude sur la situation personnelle des individus concernés, et une confusion juridique difficilement maîtrisable sur le statut des personnes au niveau des diverses administrations.

Le droit de résidence permanent : un droit vraiment acquis ?

Revenons maintenant aux cas tranchés, sans contentieux sur la nationalité opposable aux administrations concernées. A priori, le résident permanent chinois qui revient avec une deuxième nationalité est automatiquement “déchu” de sa qualité de Chinois et passe au statut d’étranger. Il doit donc répondre aux critères de résidence pendant sept ans ininterronpus et d’une façon indiquant qu’il a fait de Hong Kong son domicile principal, sa résidence habituelle, conformément à l’alinea 4 du paragraphe 2 de l’article 24 de la Loi fondamentale. Le Chinois de Hong Kong qui revient en souhaitant ne pas abandonner sa nationalité étrangère se retrouve dans la même position que, et à égalité de statut avec les “étrangers d’origine” et soumis, comme eux, aux règles relatives à l’immigration. Cela peut paraître choquant ou peu équitable sur le plan personnel, mais c’est une conséquence inéluctable de la non-acceptation de la double nationalité.

En revanche, ce qui nous semble plus discutable est ce qu’il advient des années ininterrompues de résidence habituelle vécues avant le départ à l’étranger et l’obtention de la nationalité étrangère. La question qui se pose alors est de savoir si ces personnes devenues étrangères perdent aussi le bénéfice des sept ans ou plus de résidence habituelle et ininterrompue qu’elles ont probablement à leur actif depuis leur naissance à Hong Kong. Doivent-elles “re-gagner”, “re-obtenir” ces années, comme si le compteur avait été remis à zéro du fait de l’expatriation ? La question est effectivement intensément passionnelle, mais la réponse, sur un plan de pure rigueur juridique n’est peut-être pas aussi évidente et favorable qu’on le souhaiterait.

En fait, tout se joue sur une question d’interprétation, celle de l’expression “sept ans de résidence habituelle et ininterrompue”, et surtout sur le point de référence à partir duquel les sept années sont comptabilisées. Et l’on arrive à des solutions complètement différentes selon le moment de référence!

Si l’on ignore l’expatriation et le changement de nationalité, effectivement, les sept ans sont néanmoins largement acquis pour la plupart des personnes qui se sont expatriées. Mais il y a une autre façon de compter : c’est d’estimer qu’il y a eu changement juridique sur la condition personnelle et de compter les sept ans à partir du commencement de cette nouvelle condition juridique personnelle seulement. Quand la personne revient avant 1997, le problème de sa nationalité étrangère importe peu; mais quand intervient 1997, ou si elle revient après 97, elle n’est plus chinoise mais étrangère, et il peut effectivement être concevable, selon un raisonnement froidement juridique, de considérer les sept ans pendant lesquels elle aurait habité Hong Kong en tant que personne chinoise comme annulées, ou irrecevables. Il faut alors repartir à zéro, et recompter sept ans ininterrompus à partir du moment où la personne est devenue étrangère, avant ou après l’établissement de la RAS. Si l’individu concerné est devenu étranger et a résidé à nouveau pendant sept années continues en faisant de Hong Kong son domicile habituel, alors il a regagné son droit de résidence permanent. S’il revient après 1997 en tant qu’étranger, il devra attendre l’écoulement de sept ans à compter de son retour. Qu’en est-il s’il est revenu avant 1997 mais moins de sept ans avant 1997 ? Les quelques années avant 1997 pourraient bien ne pas compter non plus car c’est seulement à partir de l’entrée en vigueur de la loi chinoise à son égard, c’est-à-dire 1997, que son statut est réellement, de jure, changé en statut d’étranger, et 1997 annule les quelques années de condition juridique personnelle ambigüe en quelque sorte, sauf si la RPC estime effectivement que la loi de la RPC sur la nationalité s’appliquait aux Chinois de Hong Kong même déjà avant 1997. Une autre question se pose aussi: l’ex-Chinois qui cherche à regagner ses années perdues peut-il s’absenter de Hong Kong, ou dans la limite de combien de temps, sans les perdre à nouveau ?

Avec un tel raisonnement, qui n’est probablement pas inconcevable même s’il témoigne d’un certain manque de sentimentalité, le retrait de la qualité de résident permanent à des ex-chinois de Hong Kong, peut effectivement être considéré comme ne contrevenant pas à la lettre de l’article 24 paragraphe 2 alinea 4.

Cependant, on peut se demander si ce raisonnement et cette modalité d’interprétation, ainsi que le résultat, sont vraiment conformes à l’esprit de la Loi fondamentale et de la Déclaration sino-britannique qui était précisément d’assurer la stabilité des situations juridiques malgré le transfert de souveraineté. Il faut reconnaître que cette solution apparaît quelque peu injuste, voir même contradictoire avec la définition du résident permanent et du “right of abode”, tel qu’il est défini dans la législation de Hong Kong. Comment un résident permanent peut-il être un résident permanent et titulaire du “right of abode” si celui-ci peut lui être retiré ? Où est la permanence?

Par ailleurs cela remet en cause indirectement la liberté de mouvement des résidents, et le droit de revenir dans son pays.

De même, si l’on estime que les années de résidence passées sont annulées pour les Chinois devenus étrangers, cela remet aussi en question le statut, ou tout au moins provoque des doutes sur le statut de résident permanent des étrangers à Hong Kong: les “étrangers d’origine” qui ont obtenu le droit de résidence permanent après sept ans de résidence principale continue à Hong Kong. Peut-être ce droit va-t-il aussi être remis en question, spécialement après une absence ou un séjour prolongé dans son pays d’origine ?

En fait, il nous apparaît justifiable, même juridiquement et pas seulement pour des considérations humanitaires, de faire valoir les sept ans acquis, sur la base d’un autre principe juridique, celui de la stabilité des situations juridiques privées, disconnecté de la qualité de Chinois ou d’étranger, et qui imposerait de ne pas suivre le raisonnement que nous venons de décrire et de ne pas s’occuper du point de changement de nationalité. Le statut de résident permanent, légalement acquis avant 1997, sur la base de la législation précédemment en vigueur, resterait ainsi acquis, qu’on soit chinois ou étranger, que ce statut ait été acquis à l’origine, en qualité de Chinois avant d’être devenu étranger, ou en tant qu’étranger.

Certes les Chinois émigrés de retour, s’ils veulent garder leur nationalité étrangère et si celle-ci est reconnue par la RPC, perdent alors leur caractère chinois et ne rentrent plus dans le cadre de l’alinea 1 de l’article 24, mais dans le cadre de l’alinea 4. Certes, ils sont alors soumis à la condition de résidence pendant sept ans. Cependant, ils devraient selon notre interprétation pouvoir garder le bénéfice de ces sept ans de résidence habituelle du moment qu’ils ont été continus et auraient déjà, en tout état de cause, donné droit à la qualité de résident permanent de Hong Kong avant 1997, s’ils avaient eu à jouer.

Une telle position nous paraît tout à fait en accord avec le droit international en matière de successsion d’état, qui admet le maintien des situations juridiques personnelles légalement constituées dans le passé sur la base de la législation alors en vigueur. “Les intérêts légitimes des personnes impliquent que l’état respecte, dans la mesure où ses intérêts n’en sont pas lésés, les situations constituées par des particuliers” (11). Et cela vaut à la fois pour les émigrés chinois de retour ayant acquis une nationalité étrangère mais qui étaient déjà résidents permanents avant 1997, et pour les “étrangers d’origine” qui étaient aussi déjà résidents permanents en vertu de la législation existante, sur la base des sept ans initerrompus de résidence habituelle.

Ne serions-nous pas alors fondés à défendre l’existence d’un droit acquis à la qualité de résident permanent ? L’existence d’un principe selon lequel toute personne ayant le droit de résidence permanent avant 1997, (qu’il soit étranger, Chinois resté à Hong Kong, Chinois émigré, Chinois émigré et revenu) est, et reste, de plein droit titulaire de ce droit de résidence permanent quels que soient les changements intervenus dans son statut personnel et quelles que soient ses expatriations ?

Le cas des minorités ethniques

Nous souhaiterions finir ces réflexions en faisant une brève allusion à la situation délicate de certaines minorités ethniques, qui ne seront après 1997, ni chinoises, ni britanniques, puisque le Royaume Uni refuse de leur octroyer la nationalité et un passeport britanniques. Certains peuvent avoir perdu leur nationalité d’origine et ne plus pouvoir rentrer ou ne plus avoir de droit de domicile dans leur pays d’origine. Absence de patrie, absence de nationalité,... absence de terre d’asile ?

S’ils sont déjà titulaires de la qualité de résident permanent, il nous semble logique de leur appliquer le raisonnement ci-dessus: maintien de leur “droit de résidence” sur la base du principe du maintien d’une situation privée, d’une condition personnelle légalement acquise sur la base de la législation en vigueur alors. Au demeurant, il nous semble que l’art. 24-6 prévoit ce cas de figure: les résidents permanents comprennent aussi les personnes qui n’entrent pas dans les cas precédents mais qui avaient, avant 1997, le “droit de résidence” à Hong Kong seulement. Il nous semble que cette disposition s’applique par exemple aux minorités qui n’ont plus de droit de résidence dans leur pays d’origine, ni aucune autre nationalité. La qualité de résident permanent de Hong Kong devrait leur être acquise en vertu de cet alinea.

Dans l’hypothèse où ils n’auraient pas ce statut, nous tombons en tout état de cause dans la situation de conflit négatif de nationalités qui peut résulter en une situation d’apatridie: situation où aucun Etat n’apparaît volontaire pour, ou en position, de par leur législation sur la nationalité, d’attribuer sa nationalité.

Il est controversé d’affirmer le “droit à la nationalité” de telles personnes car en réalité ce droit est proclamé par la Déclaration Universelle (article 15 paragraphe 1) qui a une seule valeur de déclaration mais ne lie pas les Etats, et ce droit n’est même pas affirmé dans les Pactes internationaux des Droits de l’Homme. Cependant elles peuvent bénéficier des Conventions internationales faisant obligation aux Etats d’empêcher l’apatridie, comme la Convention de New York du 28 Septembre 1954 sur le statut des apatrides. Il resterait seulement à déterminer lequel, des deux Etats qui ne veulent assumer la responsabilité des personnes concernées, devra néanmoins l’assumer! et cela serait de la compétence d’une juridiction internationale, si aucun des Etats ne fait le nécessaire de son propre côté vis à vis de ces ressortissants. Que les Etats le veuillent ou non, ils devront être assignés en justice s’ils ne peuvent s’accorder sur le sort des minorités qui risquent de se retrouver sans territoire et sans nationalité.

Au demeurant, la loi de la RPC de 1980 sur la nationalité chinoise, dans son article 7, prévoit que l’acquisition de la nationalité chinoise par naturalisation est possible pour un apatride qui est disposé à respecter la constitution et les lois chinoises et qui a son domicile en Chine. Il n’est donc pas exclu que ces personnes puissent devenir chinoises et sauvegarder ainsi leur droit de résidence. Le problème est que la RPC n’est peut-être pas prête à cette concession, ou que les minorités ne souhaitent justement pas devenir chinoises!