BOOK REVIEWS
David Goodman : China’s Provinces in Reform
Chinas Provinces in Reform est la dernière contribution, et sans doute la plus aboutie, de David Goodman à un renouvellement des optiques de recherche sur la Chine contemporaine. Ce volume est le premier dune série qui ambitionne de traiter chacune des provinces  et des villes ayant rang de province , dans le cadre dun vaste projet mené par lInstitute for International Studies de lUniversité de Technologie de Sydney, dont le but est « de produire une série détudes, dont chacune analyse le développement dune province spécifique selon une perspective provinciale » (préface, p. xi). Les articles réunis ici sont le résultat dun colloque tenu à lUniversité de Suzhou (Jiangsu) en octobre 1995.
Chacun des chapitres, dune vingtaine de pages en moyenne, offre un bref historique de la province traitée, une analyse des étapes du développement des réformes, une présentation de ses dirigeants et de leur parcours, et des analyses plus détaillées sur différents aspects de la situation socio-économique locale.
De nombreuses notes (80 par article en moyenne) offrent un panorama de sources presque exclusivement en langue chinoise. Elles sont complétées par une bibliographie et une liste des périodiques provinciaux. Enfin, chaque chapitre est précédé dun sommaire statistique (regroupé et recalculé à partir du China Statistical Yearbook de 1995), et dune carte faisant apparaître les lieux mentionnés dans larticle.
En somme, un outil extrêmement utile qui recense une documentation en chinois de qualité sur la province, une base de références précieuses pour les chercheurs et étudiants. Il y a en effet peu détudes provinciales et encore moins détudes systématiques des conditions locales dans la littérature en anglais.
Ce livre rend particulièrement bien compte de la pluralité des expériences qui ont été menées, face à des questions centrales comme le rééquilibrage entre régions avancées et reculées, la mise en place dun système de protection sociale et dencadrement des populations migrantes et la réforme des entreprises dEtat.
David Goodman paraît avoir tiré les leçons du livre édité en 1994 avec Gérald Segal, China Decontructs, lequel comportait déjà des monographies provinciales, certaines réussies (Guangdong, Shanghai), dautres moins (Fujian, Yunnan, Xinjiang) (1).
Dans ce dernier ouvrage il a visiblement imposé une grille danalyse commune et des points de passage obligés à ses contributeurs. Cest un succès car le recueil gagne en cohérence et fournit un canevas de comparaisons entre les provinces traitées, tout en laissant libres les auteurs de développer des aspects particuliers. Plus précis, plus structuré, plus homogène, Chinas Provinces in Reform regroupe ainsi sept contributions de valeur consacrées aux provinces du Guangxi, de Hainan, du Liaoning, du Shandong, du Sichuan (2), du Zhejiang et de la municipalité de Shanghai.
Le Guangxi, vers la Chine du sud-ouest et lAsie du sud-est
Louvrage souvre sur une province très peu étudiée, le Guangxi. Lauteur, Hans Hendrischke, souligne demblée que « le Guangxi fait partie des provinces gauchistes qui ont fait la transition vers lère des réformes tardivement et lentement » (p. 26). Lauteur détaille les différentes pressions des autorités centrales pour contraindre le leadership local à mener à bien la démaoïsation, jusquà larrivée dun nouveau gouverneur, Cheng Kejie, en 1990, qui mettra enfin laccent sur les réformes économiques.
Sinspirant du Guangdong, mais marqué par une dépendance envers les subsides du centre pour administrer la moitié nord-ouest de la province, une région de minorités ethniques particulièrement pauvre, le Guangxi tente de développer ses avantages de province côtière. Avec la réforme fiscale nationale, la part des fonds extra-budgétaires augmente progressivement, mais ni lintégration régionale du sud-ouest de la Chine, soutenue par Pékin, ni sa tentative dinsertion dans le commerce international avec les pays du sud-est asiatique, ne semblent pourtant très prometteuses. De même les échanges frontaliers avec le Vietnam restent fragiles, et sont restreints par le centre pour des raisons stratégiques. Le meilleur atout du Guangxi réside aujourdhui dans son rôle dentrepôt à lexportation, qui attire les investissements dautres provinces sans débouchés maritimes, comme le Guizhou, le Yunnan et surtout le Sichuan. Et lauteur conclut quà lécart des zones littorales privilégiées, « louverture vers létranger na de sens économique que si elle est complétée par une ouverture sur lintérieur, cest-à-dire sur le marché intérieur inter-provincial » (p. 44).
En illustrant un cas de province peu développée, cet article confirme bien que lapplication des politiques imposées par le centre sur la pluralité des situations locales crée des réponses différentes et génère parfois des effets pervers (3).
Hainan, réformes et bastions identitaires
Lîle tropicale de Hainan a, elle, connu une véritable envolée économique en quelques années. Feng Chongyi et David Goodman analysent les structures locales préexistantes qui ont modelé tout le processus de réforme : laspiration historique à une émancipation de la tutelle du Guangdong, la nécessité de transformer une économie locale caractérisée par une exploitation sans contreparties de ses ressources naturelles, et la coexistence de communautés, ethniques et historiques, composant la population de lîle. Pour le pouvoir central, ce sont dabord des motivations idéologiques et politiques qui ont été le moteur du changement : atténuer lembarras de la comparaison avec lautre grande île de la Chine, Taiwan, et sen servir comme laboratoire des réformes libérales à grande échelle.
La promotion en plusieurs étapes au statut de province et de Zone Economique Spéciale (ZES), entamée en 1980 sous limpulsion directe de Zhao Ziyang, et finalisée en 1988, reste lélément majeur de lhistoire récente de Hainan. Mais la nouvelle province na jamais été à la hauteur des ambitions déclarées initialement. Linstabilité de la structure dirigeante, ainsi que les hésitations entre les différentes stratégies industrielles fondées sur les avantages comparatifs de lîle, en témoignent indubitablement.
La thèse des auteurs est qu « un déterminant majeur du flux politique a été les conflits grandissants entre et parmi les communautés de Hainan » (p. 70), dont ils dressent un portrait vivant : « vieux continentaux », émigrés au début des années 50, surtout présents dans le secteur étatique ; « nouveaux continentaux », venus chercher « la richesse et la liberté » au début des années 1980 ; Hainanais de souche, ruraux nés sur lîle et parlant le dialecte local ; habitants originels de lîle, les minorités Li et Miao ; enfin les Chinois doutre-mer, ayant des liens avec la communauté chinoise dAsie du sud-est, et souvent spécialisés dans les cultures tropicales dexportation.
Curieusement, notent les auteurs, malgré laccession au statut de province « cest un système peu intégré qui a émergé » (p. 80), principalement en raison dune marginalisation politique et dune forte segmentation socio-économique. Le ressentiment des Hainanais tient en effet à leur exclusion systématique des structures dirigeantes au profit des chinois continentaux. De plus, les auteurs suggèrent que les différentes stratégies industrielles qui ont été tentées depuis 1988, avec laccent porté successivement sur lagriculture, le tourisme ou lindustrie, sont modelées par le fait que les différentes communautés sont ancrées dans des secteurs distincts de léconomie. La qualité majeure de cet article est doffrir au lecteur, à travers un historique des réformes, un cadre danalyse de la province de Hainan qui servira dans toute recherche future sur lîle.
Le Liaoning : les fardeaux du passé
Avec le chapitre consacré à la province du Liaoning, base industrielle traditionnelle de la RPC, nous revenons à une approche centrée sur les mécanismes de léconomie politique : la question de la réforme des entreprises dEtat. Lauteur, Margareth Schueller, axe son analyse autour de deux points : un découpage en étapes de la conduite des réformes, qui inclut une prise de conscience progressive de ses conséquences sociales, et un éclairage particulièrement intéressant sur la compétition régionale que se sont livrées les villes de Dalian et Shenyang. Ce chapitre est un excellent rappel de lhistoire des réformes des entreprises publiques, suffisamment détaillé pour éclairer un problème fondamental de la Chine contemporaine, récemment remis au premier plan par le XVe Congrès.
En effet, le Liaoning a toujours joué un rôle précurseur dans les réformes des entreprises dEtat, et cest par exemple la première province à expérimenter la faillite dentreprise en 1986. Dès 1983, Dalian, Shenyang et Dandong furent choisies comme villes pilotes pour introduire un « système de responsabilité » calqué sur celui appliqué dans lagriculture, progressivement étendu par la suite. Parallèlement, le développement du secteur non-étatique (dit « collectif »), principalement les entreprises des bourgs et des cantons, est encouragé par une politique de larges crédits bancaires.
Une nouvelle étape est franchie avec la question de la réforme des droits de propriété, lorsque la province constate quelle ne peut, seule, faire face aux immenses besoins financiers quimplique la reconversion des entreprises publiques, comptant « 750 000 ouvriers en surnombre » (p. 106). En 1994, la nomination dun nouveau gouverneur, Wang Shizhen, sert de signal pour encourager le gouvernement municipal à transformer le système des droits de propriété des entreprises dEtat, à travers des participations collectives, individuelles, ou même étrangères. Désormais, la réforme va passer également par la mise en place de mesures sociales pour canaliser le flot douvriers sans travail.
Un point extrêmement intéressant soulevé par lauteur est celui de la compétition au niveau infra-provincial entre les différentes unités territoriales, qui aurait « joué un rôle clé dans louverture de la province et injecté une nouvelle vie dans le développement du Liaoning » (p. 109). Dalian et Shenyang, par le biais de statuts préférentiels accordés par le centre ont lutté pour les ressources en investissements et en fiscalité. Déclarées toutes deux « villes côtières ouvertes » en 1984, seule Dalian reçoit le droit détablir une Zone de développement Economique et Technique (ZET). En 1988, le gouvernement provincial opte pour un plan « douverture de la péninsule du Liaoning », avec « Dalian comme la tête du dragon, les ports de Yingkou et de Dandong comme les ailes, Shenyang et sa périphérie comme le tronc » (p. 111). Shenyang, elle, a dû attendre et faire du lobbying auprès de Pékin pendant plusieurs années avant de se voir accorder, dabord officieusement en 1988, puis officiellement en 1993, une ZET de rang national. Finalement, en 1994 les deux cités rivales ont accédé au statut de «ville de second rang provincial».
On peut sans doute tirer de cette analyse de léconomie provinciale  bien que cela ne soit pas clairement formulé dans larticle  que si les autorités locales ont le souci de réformer les entreprises publiques, elles ont également pris conscience de la nécessité dadopter une technique «à la cantonaise», de souvrir au marché extérieur et dattirer les investissements étrangers, sous peine dêtre irrémédiablement distancées par dautres régions.
Le Shandong, développement économique et inégalités territoriales
Le Shandong nétait pas aussi lourdement handicapé par sa structure industrielle au commencement des réformes, et le système de lalliance entre le gouvernement central, les investisseurs étrangers et les autorités locales, destiné à favoriser la croissance dans certaines zones cibles, a particulièrement bien fonctionné. Lauteur de létude, Jae Ho Chung, sattache particulièrement à la politique menée par le gouvernement provincial pour « atténuer la tension entre un développement sélectif et les inégalités régionales » (p. 129).
Trois phases dans lattribution de mesures préférentielles sont identifiées par lauteur. La première, de 1984 à 1987 voit la création des ports ouverts et des ZET de Qingdao et Yantai, appuyée par un renouvellement de personnel. Dans la seconde (1988-91), le Shandong reçoit tout dabord le privilège dêtre choisi partenaire clé de la Corée du Sud en matière économique, puis surtout, en 1988, cest louverture générale de la péninsule du Shandong qui promeut six villes et 44 districts (xian), tandis que le pouvoir dapprobation de la province en matière dinvestissements étrangers est relevé de 5 à 30 millions de yuans. Enfin, la troisième phase, depuis 1992, a vu une prolifération de zones franches. Tout au long de ce processus, la diversification du capital des entreprises dEtat sest graduellement accentuée, et lon estime quen 1994, 25% des entreprises industrielles du Shandong étaient liées, dune manière ou dune autre, au capital étranger, ce qui place le Shandong au second rand des provinces ouvertes de Chine (après le Guangdong).
Pour pallier les déséquilibres générés par cette politique de développement sélectif, les autorités ont adopté, dès le milieu des années 1980, une série de politiques originales, en sus des mesures traditionnelles (fonds alloués par le gouvernement central, circulation des cadres, etc.). Les districts les plus pauvres se sont vu tout dabord attribuer des prêts sans intérêts pour un montant de 10 millions de yuans par an, financés par des transferts fiscaux. Plus novatrice, linstauration dun système de jumelage entre les préfectures pauvres et les riches ports de la péninsule, et, à partir de 1990, de « liens dans les quatre directions » (pp. 146-147) liant individuellement ces zones à des organisations du gouvernement provincial, de grandes entreprises dEtat et des dirigeants provinciaux en personne. Cest donc, écrit lauteur, « comme alternative au capital étranger que les gouvernements central et local ont cherché à créer et à consolider des liens horizontaux » (p. 148). Ce développement sur les expériences de rééquilibrage provincial au cours du chapitre est fort intéressant, surtout si lon considère que « le développement régional du Shandong constitue un microcosme de la tendance nationale » (p. 139) (4).
Lexpérience Shanghaienne
Dans sa contribution sur Shanghai, Bruce Jacobs a choisi de mettre laccent sur le caractère tardif des réformes qui ne commencent véritablement quen 1992, « lorsque le gouvernement central accorda à Shanghai des politiques [préférentielles] qui lui permirent de commencer à secouer le carcan de léconomie planifiée et dentamer un processus de réformes substantielles » (p. 168). Effective-ment, en deux grandes vagues, 1992 et 1995, les taxes sur les entreprises sont abaissées, les pouvoirs en matière de nouveaux investissements sont élargis, les entreprises étrangères, les banques, les compagnies financières et dassurances étrangères sont autorisées à sinstaller à Pudong, et les marchés boursiers sont créés et développés. Dans le même temps, la politique industrielle de la ville se restructure autour des six piliers de lindustrie que sont lautomobile, la métallurgie, la pétrochimie, léquipement pour centrales thermiques, les télécommunications et les produits électriques domestiques. Même sil est un peu rapide de dire que Shanghai « nessaye pas de concurrencer politiquement Pékin » (p. 185), il est pertinent de souligner la « relation symbiotique » qui existe entre les deux villes : Shanghai profite dun traitement de faveur de la part du centre, et Pékin bénéficie de revenus fiscaux accrus, ainsi que de leffet dentraînement du développement économique de la municipalité.
Lauteur insiste également sur limpact social des réformes sur la ville elle-même : cest indubitablement la partie la plus riche de renseignements et qui dénote, fait trop rare, une approche globale de la question urbaine.
En matière de logement, dont les besoins sont énormes, lauteur détaille le modèle adopté par la municipalité, inspiré par Singapour, qui consiste à favoriser lacquisition des logements publics à bas prix. Une partie des recettes des ventes réalisées est provisionnée pour couvrir les dépenses dentretien futur, épargnant les deniers publics, tandis que lautre partie est allouée à un fonds daccumulation public utilisé pour construire de nouveaux logements.
Autre pression, lafflux de migrants, estimés à plus de 2,8 millions en 1993, et sur lesquels lauteur présente les résultats dune enquête (non publiée) effectuée par la municipalité. Il dévoile en outre quen 1994-95 des mesures ont été mises en place pour réguler et protéger le marché du travail local : il existe trois grandes catégories demplois, lune réservée aux employés possédant une autorisation de résidence, la seconde ouverte à une faible proportion de non-Shanghaiens, et la troisième pouvant compter jusquà un tiers de migrants (construction, textile, restauration).
La crise et la réforme des entreprises dEtat, ainsi que son impact social auraient sans doute mérité mieux quun court paragraphe, mais la qualité de ce portrait socio-économique est quil expose de façon véritablement détaillée les mécanismes des mesures municipales (par exemple sur lacquisition dun logement ou le système des permis de résidence), et met en lumière certaines couches sociales (la population âgée, les migrants, les nouveaux riches).
Le Sichuan : victime de la politique du centre
Une politique cohérente est précisément ce qui a manqué au Sichuan, argumente Lijian Hong dans son article : bien que disposant dune situation extrêmement favorable sur le plan des ressources et de lagriculture, ainsi que dune base industrielle concentrée autour de Chengdu et de Chongqing, une série derreurs politiques (mismanagement) ont considérablement grevé sa position. Le Sichuan avait bénéficié de limpulsion réformatrice de Zhao Ziyang, lorsquil était gouverneur, initiant le premier les réformes dès la fin des années 1970, avec lintroduction du contrat de responsabilité. Cependant, il va être rapidement dépassé par les provinces littorales et ses zones économiques spéciales, victime dun changement de stratégie dans le développement économique national qui provoque un déficit des capitaux nécessaires à sa modernisation. Il lui faut aussi assumer le passif industriel de la politique de Troisième front, et le handicap du projet du barrage des Trois Gorges, dont « le Sichuan ne recevra aucun bénéfice direct » (p. 213). Il est donc peu surprenant que la province soit caractérisée par le taux de chômage le plus important de Chine, ce qui crée des troubles sociaux répétés, aussi bien à la campagne que dans les centres urbains. Conséquence directe, en 1993 on estimait à 5,5 millions le nombre de migrants sichuanais partis chercher du travail ailleurs en Chine. En définitive, argumente lauteur, « le Sichuan a eu à assumer seul la responsabilité des résultats des erreurs du gouvernement central » (p. 213).
Afin dattirer les capitaux qui lui manquent, surtout dans lindustrie lourde, le Sichuan a noué des liens avec dautres provinces voisines (la stratégie dun « grand sud-ouest »), et aurait même pris, daprès lauteur, la tête du lobby des provinces de louest à Pékin, afin de réclamer un rééquilibrage en leur fa-veur (p. 222). En même temps, la province a tenté de soffrir des débouchés en investissant directement dans les régions côtières, ce qui a drainé une partie du budget déjà limité, et cela dans des opérations pas toujours fructueuses (comme le célèbre désastre immobilier de Beihai).
Au total donc, un chapitre riche et bien documenté, et qui de plus fournit rétrospectivement des éléments pour mieux comprendre les enjeux de la récente promotion de la ville de Chongqing au rang de province.
Le Zhejiang à la pointe de louverture
A travers un long rappel historique, lauteur, Keith Forster, souligne que le Zhejiang avait, dès avant le début des réformes, une série datouts considérables : une forte proportion du secteur non-étatique, des entreprises placées sous contrôle local et non central, de faibles impératifs de planification. Producteur important de biens de consommation, la région prend rapidement conscience quil lui faut trouver des débouchés extérieurs sous peine dêtre concurrencée par dautres provinces. En 1988, après deux visites faites par Zhao Ziyang au Zhejiang, une politique basée sur le fait que « le seul avenir est le marché international » (p. 255) est lancée et appuyée par le gouverneur réformateur Shen Zulun. Mais cette stratégie de linternationalisation est controversée au sein même de la structure dirigeante, et à la chute de Zhao Ziyang après la répression de Tiananmen, Shen est mis à la porte, et remplacé par le conservateur Ge Hongshen, qui remet lemphase sur le rôle des entreprises dEtat et de lindustrie lourde. Son approche est finalement balayée après le tour de Deng dans le sud, et depuis la stratégie reste à louverture. De 1979 à 1993, le Zhejiang a enregistré une des croissances les plus fortes de Chine (13,3% en moyenne), et les conséquences du succès économique ont eu dimportantes répercussions sur le plan politique et social : une localisation des dirigeants, un renouvellement du rôle des villes et de la structure administrative, la cristallisation dun groupe dintérêt faisant du lobbying pour la province à Pékin sont les éléments majeurs dégagés par lauteur. On a également assisté à lémergence de nouvelles franges de la population, ainsi quà la consolidation dune identité provinciale propre.
Bien étayé sur le début des réformes et les changements structurels de léconomie, ce chapitre ne répond pourtant pas à la principale question quil soulève : comment expliquer le succès spectaculaire de cette province ? Dautre part, quelques absences sont regrettables, comme le rôle des relations avec Shanghai, le développement de la zone locomotive de Ningbo, ou le poids considérable des investissements des Chinois doutre-mer dans la province, avancés par certains auteurs comme des facteurs décisifs (5).
Un ouvrage indispensable
Jusquà présent la principale faiblesse des études monographiques des provinces chinoises, était leur trop grand éclatement, le foisonnement des sujets, des approches, des périodes et des perspectives, ce qui empêchait la formation dun véritable processus cumulatif. Cet ouvrage est un pas considérable en avant dans lorganisation et la formalisation de loptique provincialiste. La pluralisation des acteurs, la recherche des stratégies industrielles provinciales, le rôle du centre y sont analysés de façon précise et vivante. Un ouvrage indispensable.
 
         
        