BOOK REVIEWS

H.L. Fu et Richard Cullen: Media Law in the PRC

Publié par un éditeur connu pour ses guides juridiques sur l’Asie orientale et en particulier la Chine, cet ouvrage est à première vue destiné aux entreprises ou aux personnes désireuses de tenter de pénétrer la puissante citadelle des médias chinois. Cependant, faisant œuvre de pionniers, H.L. Fu et Richard Cullen, tous deux maîtres de conférence à la City University of Hong Kong, apportent à la fois une riche documentation et une utile réflexion à tous ceux qui cherchent à comprendre le fonctionnement des moyens de communication de masse en Chine populaire et s’efforcent de mieux baliser les possibles zones d’élargissement des libertés publiques dans ce pays.

Divisé en onze chapitres, Media Law in the PRC offre un éventail très complet de la réglementation et de la pratique en Chine tant pour ce qui concerne la « presse établie » (ou officielle), l’édition (non-established press), les médias électroniques qu’en matière de protection des secrets d’Etat et de la sécurité nationale, de répression des actes de sédition et de subversion ou des documents obscènes et indécents, de lutte contre la diffamation, de publicité ou de droits d’auteurs. Un dernier chapitre évoque les problèmes spécifiques que rencontraient les médias à Hong Kong à la veille de la rétrocession.

Se développant dans un environnement politique autoritaire, les médias chinois restent aujourd’hui bridés par un système de contrôle écrasant. Celui-ci s’appuie sur un ensemble vaste et complexe de règles et de contraintes : au principe de la direction du Parti communiste et du monopole d’Etat sur l’ensemble de la presse écrite, de la radio et de la télévision, il faut ajouter la responsabilité civile et pénale aux contours imprécis ainsi que surtout l’autocensure persistante des rédacteurs en chef, des journalistes et des éditeurs.

Pourtant depuis 1979, l’ouverture économique de la Chine et la multiplication des médias ont contraint le pouvoir politique à assouplir ses contrôles. Il est vrai que, particulièrement influents, les médias électroniques sont surveillés de près. La censure est en général préalable et le direct est évité dans la mesure du possible. Pourtant, il est difficile au PC de tout prévoir. Ainsi, dans un entretien télévisé « à chaud», à la question « quel est votre pays favori», un chanteur originaire de Formose eut le malheur de spontanément répondre « Taiwan !» ; le journaliste fut blâmé pour « faute politique grave » mais la chaîne de télévision ne put pour autant abolir tout direct... (p. 81). En dépit de l’interdiction en 1989 du Moniteur de l’économie mondiale (Shijie jingji daobao), ce genre d’incident peut aussi survenir dans la presse écrite ; à cet égard, l’exemple du Journal de la Jeunesse de Pékin met au jour les limites fluctuantes de la critique autorisée de la corruption ou des dysfonctionnements de l’administration (p. 43). Mais, c’est dans l’édition que le recul de l’emprise du bloc PC-Etat est le plus net : désormais, en règle générale, un contrôle a posteriori y est exercé. D’où la chasse lancée régulièrement par les départements de la propagande aux petits éditeurs complaisants de province qui se laissent convaincre de publier, souvent dans un but purement mercantile, ouvrages « superstitieux», « licencieux», ou politiquement incorrects (p. 62). En ce sens, les auteurs ont raison d’indiquer qu’il existe aujourd’hui dans l’édition en Chine « une sorte de pluralisme bureaucratique » (p. 66).

Certes, ce pluralisme demeure limité et surtout incertain. Néanmoins, la diversification des médias — notamment la multiplication difficilement contrôlée des antennes paraboliques et l’introduction de l’internet —, la plus grande porosité des frontières et la proximité de Hong Kong — où la presse écrite en particulier reste beaucoup plus libre, même depuis juillet 1997 — pèsent sur les systèmes de contrôle. Comme le montre Fu et Cullen, ceux-ci se sont allégés et ont désormais également pour objectif de mieux protéger des droits autrefois largement piétinés. L’apparition d’une jurisprudence sur la diffamation ou les droits d’auteurs est à cet égard instructive. De même, quoique les citoyens chinois restent encore dépositaires, spécificité des pays totalitaires, d’un certaine nombre de secrets d’Etat, la nouvelle réglementation sur la déclassification des documents confidentiels constitue une évolution positive (p. 122).

Cet ouvrage n’en comporte pas moins un certain nombre de faiblesses de fond comme de forme. Il est clair que l’on ne peut reprocher aux auteurs de s’être attelés à l’analyse d’une réalité on ne peut plus mouvante et qui a déjà en partie changé depuis 1996. Mais les cas de jurisprudence, au demeurant intéressants, présentés dans de multiples encadrés ne laissent apparaître aucune évolution significative entre le début de l’après-maoïsme et la fin de l’ère de Deng Xiaoping. Des comparaisons dans le temps d’affaires similaires auraient été les bienvenues. Ensuite, l’évolution du droit chinois des médias est évaluée à la seule aune des systèmes du Royaume Uni et des Etats-Unis, deux pays de common law, alors que dans bien des domaines, la Chine s’est dotée d’une législation plus proche du droit continental européen (copyright). Par ailleurs, l’ensemble de l’ouvrage est plus descriptif qu’analytique, laissant une place trop large à la paraphrase d’une réglementation qui aurait pu figurer en annexe, tout au moins pour ce qui concerne les textes principaux : sans faire doublon avec le livre dirigé par Lee Chin Chuan (Media’s China, China’s Media, Westview Press, Boulder, 1994), plus d’informations de fond (en particulier chiffrées) sur la situation présente des médias chinois auraient pu être fournies. En outre, aucune allusion n’est faite à la presse en anglais (par exemple, le China Daily) qui remplit une mission particulière de vitrine d’un certain « pluralisme » aujourd’hui en Chine ni à la presse interne au PC — par exemple les Nouvelles de références (Cankao xiaoxi) — à laquelle un nombre croissant de lecteurs a aujourd’hui accès.

Enfin, pourtant écrit par des juristes, cet ouvrage manque de précisions et d’exactitude. Ainsi, les sources des cas de jurisprudences donnés en exemple sont loin d’être toujours indiquées. Plus généralement, les textes de lois cités et les notes en bas de page ne répondent à aucun critère scientifique uniforme (références incomplètes, dates manquantes, transcription en pinyin omise ou erronée).

En dépit de ces réserves, cet ouvrage fait œuvre utile et pas uniquement pour les (futurs) praticiens du droit chinois des médias...