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La lente construction d’un marché financier en Chine

by  Mariko Watanabe /

Presque deux décennies se sont écoulées depuis que la Chine s’est engagée dans une politique d’ouverture et de réformes de son système économique. Afin de résoudre la faible productivité dans le secteur d’Etat, les réformes ont eu longtemps pour priorité d’améliorer les conditions de l’offre : dissolution des communes, croissance des entreprises rurales, et tentatives de réformes du secteur d’Etat. En revanche, les réformes institutionnelles visant à faciliter le contrôle de la demande n’ont pas été considérées comme prioritaires. De ce fait, l’économie chinoise a été caractérisée par un cycle des affaires contrôlé par des mesures administratives héritées de l’économie planifiée, alternant les périodes de « relâchement » (fang) pour les phases d’expansion, et de «reprise en main» (shou) pour les phases de contraction.

Ce n’est finalement qu’au début des années 90 que des réformes visant à établir un contrôle macro-économique par le marché ont progressivement pris de l’importance. Une étape importante a été franchie en 1994, alors que l’inflation atteignait son plus haut niveau depuis le début de la politique de réforme. La politique d’austérité décidée par le gouvernement chinois sous l’impulsion du vice-premier ministre de l’époque, Zhu Rongji, a permis de maîtriser l’inflation en l’espace de deux ans. Cependant, les mesures administratives traditionnelles de contrôle du crédit ne sont pas seules responsables de ce succès sur le front de l’inflation. Je voudrais insister dans cet article sur le fait que ces dernières années, les cycles des affaires ont été influencés de manière croissante par les effets des changements structurels importants comme le développement de marchés d’actifs financiers monétaires et non-monétaires. Cette évolution a notamment affecté les attitudes des ménages chinois en stimulant l’épargne aux dépens de la consommation. Parallèlement à ces changements institutionnels, les incertitudes pesant sur les revenus futurs combinées avec le sous-développement du marché de l’assurance et du système de protection sociale, ont conduit les ménages à augmenter leur épargne de précaution depuis 1996. Ces changements constituent des facteurs importants qui expliquent la situation quasi déflationniste dans laquelle l’économie chinoise semble s’être enfermée depuis 1996. Je chercherai donc à montrer comment, depuis le début des réformes, les structures du marché financier ont évolué parallèlement à la diversification des épargnants et sont désormais en mesure d’influencer le cycle des affaires dans l’économie chinoise.

Un haut niveau d’épargne qui se perpétue... mais des épargnants qui changent

Plusieurs facteurs ont permis de maintenir une relative stabilité macro-économique avec des taux de croissance importants du PNB. Malgré des problèmes comme celui des entreprises d’Etat, le système financier n’a pas été confronté jusqu’à présent à de sérieuses crises. Un facteur peut expliquer ce phénomène, à savoir la persistance depuis 1978 d’un taux d’épargne élevé. La figure n°1, qui indique l’évolution du taux d’épargne intérieure (produit national brut moins la consommation sur le produit national brut) et du taux d’investissement depuis 1978, montre que le taux d’épargne s’est maintenu à un niveau élevé tout au long de la période et a évolué de manière identique au taux d’investissement (1). Concernant les épargnants cette fois, on assiste à une modification importante à partir de 1990. Jusqu’à la fin des années 80, l’épargne de l’Etat est restée supérieure à l’épargne des ménages. En revanche, à partir du début des années 90, l’épargne des ménages a augmenté sensiblement pour atteindre plus de 20 % du PNB et dépasse désormais de beaucoup l’épargne de l’Etat qui a fortement diminué, passant de 21 % du PNB en 1987 à 14 % en 1995. L’épargne des entreprises non-étatiques a également connu une progression rapide depuis 1993.

Figure 1 — Taux d’épargne et d’investissement, et principaux épargnants

Source : Zhongguo tongji nianjian 1997

Pour obtenir encore plus d’indications concernant la répartition de l’épargne, il est nécessaire d’observer les dépôts bancaires (voir figure n°2). Si la structure des déposants est supposée normalement refléter l’évolution des épargnants dans l’économie, la figure n°2 montre deux évolutions importantes entre 1978 et 1995 : d’une part les individus ont remplacé les entreprises comme première source des dépôts bancaires ; d’autre part, les dépôts des institutions financières qui étaient inexistants dans les années 80 ont commencé à croître de manière sensible à partir du début des années 90 pour atteindre 7 % des dépôts bancaires en 1995.

Figure 2 — Structure des déposants

Source : Zhongguo tongji nianjian 1997

Les deux graphiques font ainsi apparaître une transformation importante depuis le début de la politique d’ouverture, à savoir que le taux d’épargne s’est maintenu à un niveau élevé, mais le centre de gravité des épargnants s’est déplacé des finances de l’Etat vers les individus.

Dans ce contexte, quels éléments ont permis au taux d’épargne de se maintenir à un niveau élevé malgré un changement important dans la structure des épargnants ? Généralement, le taux d’épargne a tendance à augmenter avec la hausse des revenus. On peut effectivement supposer que cela a également été le cas en Chine. Cependant, il convient parallèlement de prendre en compte l’influence des changements institutionnels provoqués par les réformes et qui ont augmenté les revenus monétaires. On peut également supposer que le développement d’un marché financier, seul instrument capable de lier l’épargne des individus au monde des affaires, a aussi contribué à maintenir un taux d’épargne élevé. Il apparaît donc important dans ce contexte de passer en revue les principales réformes touchant le marché financier en Chine.

Un historique des réformes financières

Avant la politique d’ouverture, la source principale des fonds dans l’économie chinoise provenait des finances de l’Etat. Cependant, très rapidement, avec le démarrage de la réforme dans les campagnes et la diffusion du système de responsabilité, les entreprises rurales et privées sont devenues des déposants à part entière. Les ménages ont vu leurs revenus progresser rapidement et sont devenus les principaux épargnants du pays. Ces développements ont vite rendu nécessaire la constitution d’un marché financier permettant de fournir des fonds aux entreprises mais également capable de garantir la valeur des actifs des épargnants.

Le tableau n°1 situe le déroulement des réformes financières dans le processus de réforme dans son ensemble. J’ai essayé de lier les différents développements des réformes concernant le système bancaire, le marché obligataire (de l’Etat et des entreprises), la bourse, le marché foncier et l’immobilier à l’évolution des réformes économiques dans leur ensemble.

Tableau 1 — Réformes globales et évolution des marchés financiers en Chine

Source : Yuan Dong, an Analysis of Capital Markets in China, in Chang Qing ed., Capital Markets and Labour Markets in China, Institute of Developing Economies, mars 1997.

Durant la première phase des réformes de 1978 à 1984, les principaux objectifs étaient l’introduction du système de responsabilité au niveau des campagnes et la libéralisation du commerce extérieur et de l’investissement. Cette période était influencée par la recherche de flexibilité dans le système de l’économie planifiée. Cependant, au fur et à mesure que la monétisation des revenus des ménages dans les campagnes progressait, l’épargne disponible augmentait sans qu’aucun système ne permette véritablement à cette épargne d’être utilisée.

Au début de la deuxième phase des réformes en 1985, on assiste à une séparation entre les entreprises et les finances de l’Etat. Les réformes cherchent à sortir du cadre unidimensionnel où tous les besoins de financement sont incorporés dans les finances de l’Etat, pour déboucher sur un système multidimensionnel où participeraient les ménages, les entreprises et l’Etat. Les financements des entreprises d’Etat sont assurés par des crédits bancaires et non plus par des subventions. Par ailleurs, le système des salaires dans les zones urbaines est réformé afin de mieux refléter le contenu et les performances de chacun dans le but de produire des incitations au travail, conduisant ainsi à une augmentation sensible des revenus. En 1984 et 1985, on assiste aux premières émissions d’obligations et d’actions par les entreprises et, très rapidement, l’épargne des ménages s’oriente vers ces formes de placements financiers. Le début d’une privatisation des logements constitue également une tentative visant à multiplier les intermédiations entre les finances des ménages et les entreprises. Néanmoins, cette dernière mesure rencontre au départ beaucoup de difficultés, notamment en raison du fait que les revenus des ménages sont encore trop faibles pour supporter une telle dépense. La deuxième phase a donc vu une accélération dans la séparation entre les épargnants et les investisseurs ainsi que la formation d’un marché du capital liant ces deux acteurs.

Après une période d’ajustement de l’économie entre 1988 et 1991, la tournée dans le sud de la Chine de Deng Xiaoping en 1992 marque une évolution définitive vers une « économie socialiste de marché ». Un pas décisif vient d’être franchi. Les entreprises d’Etat sont désormais autorisées à offrir une partie de leur capital à la bourse, augmentant ainsi considérablement le montant des actions à la disposition des investisseurs. Toujours dans le secteur d’Etat, on favorise l’émission d’obligations, ainsi que les fusions et les faillites. De plus, un fonds est établi à partir de 1991 à Shanghai dans le but d’encourager la population à l’accession à la propriété. Ce type de fond se diffusera au niveau national à partir de 1994.

Il semble important de se demander jusqu’à quel point l’accumulation d’actifs a progressé au fur et à mesure de l’approfondissement des réformes. Le tableau n°2 montre les ratios des différents actifs financiers (monnaie, obligations, actions) par rapport au PNB. En sus de ces ratios financiers, il serait intéressant de connaître le degré de transformation de l’immobilier (qui n’avait, au début des réformes, pratiquement aucune valeur) en actif possédé par les différents types d’épargnants.

Tableau 2 — Evolution de la part relative des actifs financiers par rapport au PNB (en %)

Source : People’s Republic of China, Chinan Financial Statistics (1952-1991), China Finance Publishing ; China Securities Market Annual Report, 1996.

Malheureusement, il est difficile d’obtenir des indications précises dans ce domaine. Le tableau n°2 apporte plusieurs éléments : d’une part, les actifs monétaires sont de loin les plus importants dans le total des actifs. D’autre part, même si ces derniers restent minoritaires, l’accumulation d’actifs financiers non-monétaires (actions, obligations, etc.) progresse rapidement. Dans cette catégorie, les bons du trésor dominent très largement, même si les actions qui ne sont apparues que depuis ces dernières années sont de plus en plus prisées (2). Aussi, à partir de 1991, le total des actifs financiers non-monétaires a-t-il atteint approximativement le niveau de la monnaie en circulation dans l’économie (M0), puis le dépasse très largement à partir de 1992.

En sus de la fonction de gestion des fonds qui est normalement impartie au marché financier, celui-ci a également rempli un autre rôle important, à savoir fournir des liquidités suffisantes aux investisseurs. Ce rôle est normalement assumé par le secteur bancaire. Cela était loin d’être le cas dans un pays qui héritait, au moment des réformes, d’une économie planifiée où les banques étaient principalement des chambres d’enregistrement. On a assisté très rapidement à l’émergence du problème de l’endettement triangulaire entre les firmes, situation dans laquelle l’incapacité d’une entreprise à régler ses achats se traduit par une détoriation de la capacité de paiement de ses fournisseurs, qui à son tour se répercute sur l’ensemble du système. Afin de trouver une solution à ce problème, un marché des capitaux à court terme a été établi au milieu des années 80, et l’utilisation des effets de commerce (comme les lettres de change) s’est répandue. Ces instruments ont permis non seulement d’augmenter le montant des liquidités sur le marché, mais ont également abouti au développement d’une infrastructure visant au contrôle de l’équilibre macro-économique. Il est en effet plus difficile de contrôler l’inflation (en restreignant l’offre de monnaie) lorsqu’il n’existe pas d’instruments permettant la conversion d’actifs monétaires en actifs non-monétaires. Au milieu des années 80, lorsque les marchés financiers étaient encore quasiment inexistants, le volume de monnaie en circulation constituait l’indicateur le plus suivi par les autorités de la Banque du peuple chinois (3). Avec la promulgation en 1995 de la loi sur la banque centrale, la Banque du peuple chinois s’est donné les moyens de contrôler l’offre de monnaie. En 1996, le marché monétaire à court terme a été unifié au niveau national et des opérations sur le « marché ouvert » ont débuté. Aujourd’hui, cependant, il semble que l’Etat intervienne davantage sur le second marché des bons du trésor que sur le marché monétaire (4). Mais de manière générale, les deux fonctions du marché financier — la fonction de gestion des fonds et celle de liquidité — se sont développées de manière parallèle.

Politiques de soutien aux revenus

Vient ensuite la question de savoir comment le système financier en Chine ne s’est pas effondré. Quels facteurs peuvent expliquer ce phénomène ? J’ai déjà décrit ci-dessus comment le taux élevé d’épargne s’est maintenu depuis le début des réformes avec cependant un glissement au profit des ménages qui deviennent les principaux épargnants. Dans ce contexte, pourquoi les ménages ont-ils décidé d’eux-mêmes d’affecter leur supplément de revenu à l’épargne plutôt qu’à la consommation ?

La première raison réside dans l’augmentation des revenus. Les salaires dans les zones urbaines étaient principalement décidés en fonction du grade et non pas en fonction du travail effectué ; le logement, la protection sociale et les autres dépenses importantes de la vie courante étaient assurés en nature ou à un prix très faible grâce aux subventions de l’Etat. Le paiement en liquide constituait une faible partie du total du revenu réel. Cependant, avec les réformes, ce système a évolué et le paiement des salaires s’est de plus en plus effectué en fonction de la nature du travail et des performances. Les revenus ont progressé rapidement augmentant la capacité d’épargne des ménages. Parallèlement, la proportion croissante de revenus payés en liquide — auparavant payés en nature — a donné lieu à un développement de l’accumulation de l’épargne.

D’autres facteurs ont également contribué au fait que l’épargne des ménages soit restée sur le marché financier (dépôts bancaires, actions, obligations, etc.) et ne soit pas thésaurisée. Premièrement, on a assisté à une diversification des actifs financiers à la disposition des ménages, notamment les actifs non-monétaires comme les actions et les obligations. Cependant, le gouvernement s’est aussi de son côté efforcé, par différentes mesures, de garantir que l’épargne des ménages reste sur le marché financier. Durant la période de surchauffe de l’économie en 1988, puis celle allant de 1993 à 1995, le gouvernement décida d’ajuster le taux d’intérêt nominal afin d’anticiper la hausse de l’inflation sur tous les dépôts bancaires fixes à plus de trois ans. Cette même mesure a été appliquée au début des années 90 sur les bons du trésor d’une durée au moins égale à trois ans. Plusieurs chercheurs de la Banque du peuple chinois ont estimé qu’en limitant les évolutions des taux d’intérêts réels sur les dépôts à long terme, les anticipations inflationnistes des ménages ont été réduites permettant ainsi de maintenir un taux d’épargne élevé (5). Etant donné que l’épargne des ménages malgré la diversification des actifs financiers, est encore essentiellement orientée vers les dépôts bancaires, ces mesures ont évité un retrait massif de l’épargne du système bancaire et par là même une crise dans ce système qui devait supporter au même moment la détérioration des comptes des entreprises d’Etat. Le taux d’inflation ralentissant à partir de 1996, les ajustements sur les taux d’intérêts nominaux ont été arrêtés.

Une série de mesures visant à protéger les déposants ont été également appliquées en même temps que la politique d’austérité décidée par le vice-premier ministre de l’époque Zhu Rongji. L’objectif central des mesures était de réduire l’investissement en contrôlant les crédits bancaires, avec, entre autres, l’établissement de quotas fixés administrativement. Au total, les autorités craignaient par dessus tout un investissement des ressources financières des ménages à l’extérieur du secteur bancaire, ce qui aurait provoqué très certainement une crise financière importante.

La mise en vente des logements

Parmi les autres mesures structurelles visant à conserver l’épargne des ménages à l’intérieur du système financier, la constitution d’un fonds pour la privatisation des logements a également joué un rôle non négligeable. Ce fonds a pour objectif de réduire les dépenses de logement supportées par l’Etat.

Plusieurs tentatives se sont soldées par des échecs. Une première fois en 1978, puis une deuxième fois en 1984, les expériences de privatisation des logements ont été stoppées notamment parce que les revenus des ménages étaient trop faibles pour pouvoir supporter une dépense aussi importante malgré des prix de vente fixés relativement bas (6). Il faudra attendre 1987, après plusieurs plans pilotes expérimentés dans les villes de Yantai, Bangbu et Tangshan, pour que le Conseil des Affaires d’Etat tire les leçons de ces expériences et applique des directives au niveau national.

Il existait plusieurs différences mineures entre les expériences dans ces trois villes, mais de manière générale elles reposaient sur deux principes : l’augmentation des loyers et l’émission par l’Etat de certificats d’une valeur équivalente à cette hausse. Les ménages étaient alors confrontés à un choix : soit utiliser les certificats comme apport pour acheter leur logement, soit continuer à louer leur logement mais en s’exposant à terme à subir réellement la hausse des loyers. Dans le cas d’un achat, la valeur des certificats était payée non pas en liquide, mais par un transfert sur un compte bancaire spécial destiné à l’accumulation de fonds en vue de l’achat. Même si ce type de paiement faisait peser un poids non négligeable sur les finances de l’Etat, le gouvernement espérait ainsi de ne pas créer de tensions inflationnistes supplémentaires avec la vente des logements.

Plusieurs villes, dont la première, Shanghai, en 1991, puis Pékin, se sont lancées dans un vaste programme de privatisation. Celui-ci repose d’une part sur une augmentation progressive des loyers afin d’encourager les achats, la mise en place d’un fonds municipal pour l’accession à la propriété et l’établissement de conditions favorables en faveur des ménages pour l’achat des logements. Le fonds est calqué sur l’expérience réalisée à Singapour dans le domaine des retraites. Une partie du salaire des individus est automatiquement versée sur ce fond. Après avoir versé durant une certaine période, la personne peut recevoir la somme accumulée, soit pour acheter un logement, soit pour se constituer une retraite.

Ces mesures destinées au logement ont donc également eu pour effet de contrôler l’offre de monnaie et d’orienter une partie du surplus de revenus des ménages dans le circuit financier, permettant ainsi simultanément de limiter les effets inflationnistes et de fournir des liquidités supplémentaires sur le marché financier.

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J’ai essayé de montrer ici les différentes étapes de la construction du marché financier, en insistant sur les politiques visant à promouvoir son développement. La première étape a reposé sur une croissance des revenus de plusieurs épargnants potentiels, notamment les ménages, dans les campagnes. Cela a provoqué dans une deuxième étape une augmentation importante du volume de monnaie en circulation dans l’économie créant de fortes potentialités inflationnistes. Troisièmement, le développement d’actifs financiers non-monétaires comme les obligations, les actions, l’achat de logements, a permis une réduction des tensions inflationnistes en absorbant l’épargne des ménages. Le développement de ces marchés d’actifs a joué un rôle important dans l’équilibre macro-économique du pays. Ces réformes progressives et graduelles menées par l’Etat ont donc jusqu’à présent réussi parallèlement à maintenir une augmentation des revenus des ménages, et à orienter leurs épargnes sur le marché financier. Le secteur bancaire, quant à lui, a été soutenu par un mélange d’épargne forcée (achat de logements) et de plans d’incitations volontaires à l’épargne, permettant ainsi d’augmenter massivement les dépôts bancaires et de maintenir un taux d’épargne à un niveau élevé.

Cependant, depuis 1996, cette forte tendance à l’épargne combinée à une faible consommation a provoqué des tensions déflationnistes dans l’économie. En sus des facteurs, présentés ci-dessus, qui ont poussé les ménages à l’épargne, la libéralisation complète du marché du travail, l’approfondissement des réformes des entreprises d’Etat et le sous-développement du régime de protection sociale sont autant d’éléments qui ont incité les ménages à augmenter leur épargne de précaution face à un avenir plein d’incertitudes. Ce taux d’épargne très élevé est donc également le reflet d’une construction inachevée du marché financier et d’une inquiétude croissante des ménages face à leur avenir. Il révèle donc à la fois la force mais également les faiblesses du système financier chinois. Les réformes financières qui ont été planifiées par les autorités au lendemain de la crise asiatique à l’automne 1997 seront donc décisives pour résoudre les nombreux défis qui attendent le développement futur du marché financier en Chine.