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Les modes de scrutin à Hong KongLes règles du jeu pour les élections législatives de mai 1998

Pour un corps électoral qui ne se rend aux urnes que depuis une quinzaine d’années — les premières élections couvrant tout le territoire, celles des conseils de districts, remontent à 1982 —, les Hongkongais sont certainement les électeurs du monde qui ont pratiqué la plus grande variété de modes de scrutin. Ils se sont essayés au scrutin majoritaire à un tour, à la représentation proportionnelle et au scrutin de liste bloquée. L’attribution des derniers sièges, à la proportionnelle, s’est tantôt faite au plus fort reste et tantôt à la plus forte moyenne. Et l’électorat a aussi bien été divisé dans le cadre de circonscriptions territoriales que de collèges socio-professionnels.

La batterie de systèmes déployée pour l’élection des 60 membres du conseil législatif de la Région administrative spéciale (RAS) de Hong Kong, en 1998, n’a pas échappé à la règle de la diversité. Et les formules adoptées diffèrent largement des précédentes élections du Legco, celles de 1991 et de 1995, alors que le territoire se trouvait encore sous souveraineté britannique. En 1998, 20 députés sont issus de circonscriptions géographiques, 30 ont été élus par des collèges socio-professionnels et 10 par un comité électoral. Alors que la Loi fondamentale stipule que les signataires s’engagent à avancer de façon « graduelle » et « ordonnée » vers l’utilisation du suffrage universel pour l’élection des députés et du chef de l’exécutif de la RAS, les conditions et les perspectives électorales qui se dessinent entre 1991 et 1998 mériteraient plus certainement d’être qualifiées de régression irrégulière et chaotique (1).

Les circonscriptions géographiques

En 1998, cinq districts géographiques, définis par des découpages locaux anciennement établis, se répartissaient un total de 20 sièges : quatre pour l’île de Hong Kong, trois pour chacun des deux districts de Kowloon (est et ouest), et cinq pour chacun des deux districts des Nouveaux territoires (là encore, est et ouest). La méthode du scrutin de liste fut retenue : chaque liste ou équipe était désignée par des partis politiques, des associations ou des individus, la répartition des élus se faisant de façon proportionnelle, en fonction des résultats obtenus par chacune des listes dans chaque circonscription. Tout le monde était en droit de présenter une liste, même ceux qui ne pouvaient pas aligner de candidats dans toute une circonscription. Par ailleurs, la méthode de représentation proportionnelle adoptée se signalait par une caractéristique connue par les aficionados des systèmes électoraux sous le nom de « quotient électoral » ou de « quotient de Hare », en mémoire de la personne qui inventa le procédé au XIXe siècle.

Pour illustrer ce système, plaçons nous dans une circonscription de 500 000 électeurs, chacun ne disposant que d’une seule voix, où cinq sièges sont à pourvoir. Dans ce cas, le quotient de Hare est égal à 100 000 (500 000/5). Chaque liste obtenant au moins 100 000 voix remportera un siège pour chaque quotient de Hare obtenu. Puisque, en général, le nombre de sièges à pourvoir et le nombre de quotients obtenus ne sont pas égaux, le reste des sièges est attribué aux listes bénéficiant du plus grand nombre de voix non-utilisées, qu’elles aient ou non totalisé au moins un quotient électoral : c’est la méthode du plus fort reste. Une liste ayant obtenu 165 000 voix ne remportera deux sièges que si 65 000 est le plus fort reste. Une liste concurrente n’ayant obtenu que 80 000 voix la priverait de ce second siège (voir encadré).

Ce système a souvent pour effet de favoriser les listes, voire les individus, qui ont obtenu les résultats les plus faibles, plus encore lorsqu’il s’applique à des petites circonscriptions et non à la communauté citoyenne dans son ensemble ou à une vaste circonscription unique. Autrement dit, les quotients électoraux et la méthode du plus fort reste permettent à des listes relativement peu populaires d’obtenir des résultats proches de ou égaux à ceux des listes les plus populaires — la popularité étant ici mesurée en fonction du pourcentage des voix obtenues par chaque liste dans l’ensemble du scrutin. Et les controverses théoriques vont bon train pour savoir si les vertus de ce système très raffiné de représentation des intérêts divers d’une circonscription l’emportent sur la valeur d’intégration ou d’agrégation d’autres systèmes qui cherchent à dégager la volonté générale d’une circonscription, plus grossièrement définie.

Les théoriciens ont également bien de la peine à définir le système qui serait universellement satisfaisant, par-delà les variantes culturelles, de classes ou d’intérêts propres à chaque population. Ils enseignent qu’aucun système électoral n’est parfaitement neutre ; chacun d’eux a développé des arguments en faveur des effets de chaque système qui n’ont d’égal que leurs critiques qui en dénoncent les biais (2). S’a gissant des élections hongkongaises de 1998, la plupart des formations en lice s’accordent avec le Parti démocrate, le parti qui a en registré les meilleurs résultats aux élections de 1995 : la méthode de représentation proportionnelle par scrutin de liste a été conçue pour minimiser les gains de la formation démocrate et, en parallèle, pour favoriser les candidats et les partis proches, ou reconnus comme tels, de la RPC et du chef de la RAS élu au suffrage indirect. C’est d’ailleurs ce qu’a admis l’un des membres du comité préparatoire, en reconnaissant publiquement que cette instance cherchait à mettre en place un mode de scrutin ayant de tels effets.

L’objectif principal de la représentation proportionnelle est d’obtenir une répartition des sièges qui correspond au plus juste à la distribution des voix. D’où le terme « proportionnel », qui implique un rapport arithmétique. Moins il y a de circonscriptions — de préférence, une seule —, plus l’adéquation se fait entre les voix et les sièges. En divisant Hong Kong en cinq circonscriptions et en adoptant la formule de répartition finale au plus fort reste, les autorités de la RAS ont faussé les effets escomptés de la représentation proportionnelle.

Par ailleurs, il y a plusieurs façons d’établir les listes de candidats, dépendant largement de la propension des partis à pouvoir se reconnaître dans ces listes. La commission électorale de Hong Kong a imposé que le nom et le logo des partis ne figurent pas sur les bulletins de vote. Les trois personnes qui composent la commission, ainsi que leurs employés, ont expliqué que l’absence de ces informations tenaient à des « raisons locales ». Ils ont notamment souligné que cela permettait un traitement plus équitable des candidats indépendants — alors que ceux-ci affichent parfois un souverain mépris pour les signes identificateurs — et qu’ils estimaient que l’électeur faisait son choix plus en fonction de la personnalité des candidats que sous le coup de préférences partisanes — en dépit du fait que le gouvernement de Hong Kong n’a jamais consulté la population, et que celle-ci n’a, en retour, jamais exprimé une quelconque préférence, pour définir ce scrutin de liste.

La nouveauté de l’ensemble du système (les listes et le calcul proportionnel) a conduit les électeurs, mais également les responsables politiques et les analystes, à souligner le caractère compliqué de ce mode de scrutin, notamment parce que, dans la perspective de l’électorat, il différait encore de toutes les formules, pourtant nombreuses, adoptées lors des précédentes élections. Toutefois, la complexité du mode de scrutin qui s’applique à l’élection de 20 députés sur une base territoriale devient d’une limpide simplicité sitôt qu’on le compare avec les subtilités toutes byzantines du système des collèges socio-professionnels, dont sont issus la moitié des membres du conseil législatif.

Le sacrifice de l’intérêt général : les collèges socio-professionnels

Partout dans le monde, la plupart des électeurs ont pour habitude de voter dans des circonscriptions définies en fonction de leur lieu d’habitation. Bien peu sont allés aux urnes dans le cadre d’une circonscription sans territoire, établie selon l’activité, la profession ou tout autre élément agrégateur qui tiendrait compte des intérêts, des attentes et des demandes d’une population donnée. Ce constat est d’ailleurs aussi vrai pour la période contemporaine que pour un passé plus lointain, comme le révèlent les recherches sur les origines des circonscriptions qui élisaient les premières assemblées représentatives (3).

L’on peut faire remonter les collèges socio-professionnels, introduits à Hong Kong en 1985, aux régimes fascistes des années 30. En vigueur à Taiwan jusqu’au lancement des réformes démocratiques des années 1990, on ne les trouve aujourd’hui plus guère que sous la forme d’exemples savants pour manuels scolaires. Si la plupart des systèmes politiques ont pu se passer ou su abolir de tels collèges, seul le régime philippin fait à l’heure actuelle en quelque sorte figure d’exception, puisqu’il continue d’en reconnaître 123.

La mise en place des collèges socio-professionnels à Hong Kong procédait des impératifs de progressivité et de cooptation que s’était fixé le gouvernement britannique. L’idée du gradualisme exigeait la participation des groupes d’intérêts les plus importants dans l’élaboration des politiques publiques et la possibilité pour des segments choisis de la population de formuler leurs demandes, tout en préservant l’exclusivité de la prise de décision finale au profit du pouvoir exécutif. Le principe de la cooptation voulait faire taire les opinions critiques en leur donnant la possibilité d’élire une poignée de députés — tous étaient alors désignés par l’exécutif — qui ne réalisaient qu’ensuite qu’ils n’étaient, en réalité, que des voix isolées au sein du conseil législatif. Le faible nombre de personnes dotées du droit de vote dans chacun des collèges socio-professionnels indiquait très clairement le caractère antidémocratique de tout l’édifice. Quand Chris Patten entreprit de développer les pratiques démocratiques — aussi marginalement que ce fût — avec ce qu’il jugeait être en accord avec la Loi fondamentale, son stratagème fut d’élargir les collèges socio-professionnels de façon à ce que presque tous les « actifs » de Hong Kong soient dotés d’un double droit de vote — dans leur localité et selon leur activité.

Les représentants de la RPC rejetèrent complètement cette nouveauté. Tout comme ils annulèrent les innovations britanniques concernant les circonscriptions géographiques, ils mirent un point final à l’élargissement des collèges socio-professionnels et en revinrent aux pratiques d’avant 1995.

C’est ainsi qu’en 1998, les collèges socio-professionnels comptaient à peu près 140 000 électeurs, répartis sur 28 grands domaines d’activités. D’après la Loi fondamentale, 30 députés, c’est-à-dire exactement la moitié du Conseil législatif, seront élus par ces corporations au moins jusqu’en 2007. Sur certaines questions cruciales traitées par le conseil, toute adoption d’une motion ou de toute autre décision requiert non seulement la majorité des voix des députés au sens large mais il faut également que cette majorité soit composée d’au moins 50 % de représentants des collèges socio-professionnels. L’on comprend dès lors mieux l’importance des subtilités de certains aspects des modes de scrutin de Hong Kong, notamment parce qu’ils jouent leur rôle dans une formule de gouvernement largement dominée par le pouvoir exécutif.

Dès son premier mois d’exercice du pouvoir, le gouvernement de la SAR fit montre de sa grande détermination à préserver la formule des collèges socio-professionnels, puisqu’il la fit exclure des discussions sur les systèmes électoraux lors d’une consulation publique particulièrement brève de neuf jours seulement.

La proposition du gouvernement, adoptée automatiquement lors d’une session ordinaire du conseil législatif provisoire, stipulait que les intérêts et les formes d’identification seraient reconnus à travers les collèges socio-professionnels. Les représentants des pouvoirs locaux furent regroupés dans un seul groupe : le conseil municipal (Urban Council), le conseil régional (Regional council) et la Heung Yee Kuk (cette assemblée, propre à Hong Kong, représente les résidents originels des Nouveaux Territoires) se virent chacun attribuer un siège. L’ensemble des ouvriers se distingua en obtenant trois sièges. Les autres collèges furent chacun pourvus d’un unique siège :

• l’agriculture et la pêche

• les assurances

• les transports

• l’éducation

• les professions du droit

• la comptabilité

• les professions médicales

• les services de santé (les infirmières…)

• les ingénieurs

• l’architecture et l’aménagement urbain

• les services d’aides sociales

• l’immobilier et le bâtiment

• le tourisme

• le commerce (1er groupe)

• le commerce (2nd groupe)

• l’industrie (1er groupe)

• l’industrie (2nd groupe)

• la finance (les métiers de la banque)

• les services financiers (les métiers de la bourse et des investissements boursiers)

• les sports, les arts et les métiers de l’édition

• le commerce international

• les textiles et l’habillement

• la distribution (petite et grande)

• les technologies de l’information

Par ailleurs, les modes de scrutin variaient en fonction des collèges. Pour ceux qui ne comptaient qu’un petit nombre d’électeurs, six en tout, c’est le système du vote préférentiel qui fut appliqué (les électeurs classent les candidats d’une même liste selon leurs préférences). Cette procédure requiert que les candidats victorieux remportent une majorité absolue, mais pour l’obtenir il faut bien souvent totaliser les voix qui se sont non seulement portées en premier choix, mais également en second voire en troisième choix sur chacun des participants. Pour les sièges du collège des ouvriers, les électeurs glissent chacun trois bulletins dans l’urne et le mode de désignation en revient au bon vieux scrutin uninominal majoritaire à un tour. C’est également la formule qui s’applique au reste des collèges ne disposant que d’un siège, chaque électeur ne pouvant dans ce cas exprimer qu’un seul choix.

Les critiques adressées au système des collèges socio-professionnels, notamment par les équipes d’observateurs étrangers, se sont focalisées sur la complexité de la formule. Il convient de noter également l’un des effets les plus évidents que ce système induit pour les candidats et les élus, à savoir qu’il les poussent à ne s’intéresser qu’aux intérêts particuliers et limités de petits groupes d’électeurs uniquement réunis par leur profession et à négliger les intérêts plus larges et plus largement partagés par les autres catégories. Si l’on a jamais cherché un système qui donnât la préférence, par sa nature même, aux intérêts particuliers sur l’intérêt général, il est certain qu’il a été trouvé.

L’anomalie du système : le comité électoral

Si les collèges socio-professionnels sont peu courants mais également suspects pour les systèmes démocratiques, l’idée d’un comité électoral fait figure d’anomalie parmi toutes les conceptions qui s’attachent au mode de gouvernement représentatif. Les architectes des systèmes électoraux compliqués de Hong Kong se sont eux-mêmes résolus à ne faire jouer qu’un rôle provisoire à cette instance composée de 800 membres qui élit dix députés, soit un sixième du conseil législatif. En l’an 2000, il n’en élira plus que six (quatre nouveaux sièges viendront gonfler les circonscriptions géographiques) et en l’an 2004, les sièges réservés au Comité disparaîtront tout bonnement. A partir de là, les circonscriptions géographiques représenteront 30 sièges, la moitié du Conseil législatif, à parité avec les collèges socio-professionnels.

L’on peut considérer que le mode de désignation du premier chef de l’exécutif de la RAS constitue le précédent à l’établissement du comité électoral. En effet, le comité préparatoire responsable de la rétrocession fut chargé de mettre en place une instance — égale en taille au comité électoral — qui avait pour mission d’élire le chef de l’exécutif parmi des candidats désignés par voie de pétitions, d’ailleurs dûment signées par un certain nombre de membres de ce même comité préparatoire. Après deux tours de scrutin, ce fut à Tung Chee-hwa qu’échouèrent les honneurs et les responsabilités du poste. Suivant un procédé similaire, le comité électoral auquel revenait la charge de désigner dix députés fut constitué, le 2 avril, sur une assiette de 38 groupes, a peu près équivalents aux collèges socio-professionnels, et dans le cadre de ce que l’on pourrait appeler « des primaires » ou encore des élections à la nomination. Sur les 800 sièges, seuls 588 furent l’objet d’un véritable combat électoral. Par ailleurs, les 140 000 personnes du corps électoral ne firent pas montre d’un grand enthousiasme pour se rendre aux 90 bureaux de vote, puisque la participation ne s’éleva qu’à 23 %, soit 32 630 votes valides. De plus, la participation (ou l’abstentionnisme) varia considérablement d’un secteur d’activités à l’autre. Le collège des services de santé afficha la plus faible participation, avec 9,32 %, alors que son corps électoral, 27 000 inscrits, constituait l’un des plus larges blocs d’électeurs. A l’opposé, le secteur de l’agriculture et de la pêche enregistra un taux de participation de 92,12 %, alors qu’il fournissait l’un des plus petits contingents d’électeurs.

Quelles que soient les raisons avancées pour expliquer cette faible participation lors de la constitution du comité électoral (faible, même au regard de l’histoire des élections à Hong Kong), l’on aurait pu s’attendre à voir ce corps électoral élitiste profiter d’avantage du privilège dont il était bénéficiaire. Nous avons déjà souligné que, quels que soient les critères retenus, le comité électoral est une institution non-démocratique. Dans une large mesure, cela provient du fait que les membres du comité électoral avaient également le droit de voter le 24 mai dans le cadre des circonscriptions géographiques. Puisqu’ils participaient à la fois aux élections des députés désignés par le comité électoral et à celles des députés élus sur une base territoriale, leur statut d’élite privilégiée se trouvait d’autant renforcé par cette condition de « double électeur ». En revanche, ceux d’entre eux qui pouvaient également voter dans le cadre des collèges socio-professionnels devaient choisir entre ceux-là et le comité électoral pour leur second bulletin.

Une anomalie supplémentaire venait se glisser dans cet ensemble des « double électeurs » puisqu’une minorité symbolique de citoyens étaient même des « triples électeurs ». Cette nouvelle altération du principe d’égalité devant l’urne, qui avait été supprimée après les élections de 1991, procédait de la remise à l’ordre du jour du vote des entreprises : c’est ce qui a pu faire dire que le système électoral de 1998 était encore moins démocratique que celui de 1995. Certains électeurs représentant des sociétés, parfois employés dans une entreprise fictive (shell company), étaient non seulement en droit de voter dans les collèges socio-professionnels mais aussi dans le comité électoral ainsi que dans leur circonscription territoriale. Si ces cas de « une personne, trois voix » ont été peu nombreux, ils illustrent cependant l’ultime biais qui peut survenir dès que l’on commence à s’éloigner du principe du « une personne, une voix ».

La représentation des différentes confessions religieuses illustre d’une autre façon les conséquences de cet égarement de principe. Le gouvernement de Hong Kong, sans jamais demander l’avis de la population, décida de créer « un sous-groupe des confessions religieuses » ayant pour fonction d’envoyer des représentants au sein du comité électoral. Les églises chrétiennes de Hong Kong décidèrent de s’abstenir de participer au processus de sélection du comité, mais elles n’interdirent pas les candidatures individuelles devant pourvoir les sièges réservés aux groupements religieux. Les autorités du diocèse catholique objectèrent à la qualification d’électeurs prêtée aux religions, estimant que celles-ci « devaient promouvoir l’harmonie sociale et religieuse et s’abstenir d’entrer en politique ». Six principaux groupements religieux apparaissaient collectivement et officiellement sous la catégorie « religion » en tant que groupe d’électeurs. Ce sont : l’association bouddhiste, l’académie confucéenne, l’association des musulmans chinois, l’association taoïste, le diocèse catholique et le conseil chrétien (protestant). Ce dernier trouva cette classification injuste, arguant que de nombreuses églises réformées ne faisaient pas partie du conseil du christianisme. Un membre de l’Eglise du Christ en Chine fit remarquer que ce conseil était de toute façon trop divers pour qu’un seul délégué puisse espérer parler pour tout le conseil. Pour les représentants catholiques, l’iniquité venait de ce que les athées et d’autres religions échappaient aux six groupements retenus. Mais bien qu’aucun chef de file des protestants et des catholiques n’approuvât la qualité d’électeur offerte à leurs représentants officiels, les membres de la catégorie religion se réclamant de leur identité chrétienne et résolus à se présenter aux postes du comité électoral furent tacitement reconnus (4).

L’évaluation des procédures et des systèmes électoraux de Hong Kong, ou d’ailleurs de tout autre entité politique, appelle souvent des réactions défensives dont le principal argument est qu’aucun système n’est vraiment parfait, y compris celui auquel les évaluateurs accordent leur préférence. Cela, nul spécialiste des processus de démocratisation n’osera le contester (5). Mais cette remarque ne doit pas dissimuler que Hong Kong demeure moins démocratique que d’autres régimes en voie de démocratisation. Certes, la Loi fondamentale et les positions prises par les autorités de la RAS ainsi que celles de la Chine peuvent être analysées comme un engagement résolu en faveur d’une ouverture « graduelle » et « ordonnée » vers l’instauration du suffrage universel pour les élections du chef de la RAS et des membres du conseil législatif. De même, pour être équitable, il faut reconnaître que le système hongkongais se montre exceptionnellement démocratique en accordant le droit de vote aux étrangers qui ont plus de sept ans de résidence sur place et en les rendant éligibles pour 12 sièges de députés (seulement dans certaines circonscriptions). L’on remarquera également que la loi électorale fixe à seulement 21 ans l’âge minimum pour pouvoir se présenter à un poste aussi important que celui de député.

Malgré tout, les règles fondamentales du système électoral échappent de beaucoup aux critères reconnus pour l’établissement d’un mode de gouvernement représentatif. Quoi que l’on puisse affirmer de Hong Kong et de ses qualités — l’état de droit, la liberté économique, le haut niveau d’éducation de sa population, les valeurs familiales, etc. — il reste que le mode de désignation de son pouvoir législatif a besoin et mérite d’être réformé.