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Un an de politique à Hong KongUne divine surprise ?
Comme le prévoyaient les Cassandre, 
              un an après la rétrocession du territoire à 
              Pékin, la situation de Hong Kong est loin d’être 
              favorable ; l’indice Hang Seng, qui avait crevé le plafond 
              des 16 000 points en août dernier s’est stabilisé 
              autour des 8 000, provoquant une inquiétude sérieuse 
              dans la population et dans les milieux d’affaires internationaux.
Une économie grippée
Mais, alors que dans la formule « un 
              pays, deux systèmes » qui, depuis le 1er juillet dernier, 
              s’applique à la Région administrative spéciale 
              (RAS), c’est du système socialiste chinois que l’on 
              attendait les pressions qui causeraient des déboires au système 
              capitaliste de Hong Kong, c’est bel et bien du premier, du 
              système capitaliste tant vanté, que sont venus les 
              problèmes. Alors que toutes les monnaies d’une région 
              que les économistes nous présentaient comme un modèle 
              de développement miraculeux s’effondraient, seul le 
              yuan chinois, en raison largement de son absence de convertibilité 
              héritée du socialisme traditionnel, restait fort, 
              appuyant le dollar Hong Kong lié au dollar US.
La crise financière qui a ébranlé 
              l’Asie, frappant de plein fouet les Nouveaux Pays Industrialisés 
              (NPI) et nouveaux NPI, ne s’est pas arrêtée aux 
              portes de la RAS. L’optimisme qui régnait l’an 
              dernier dans les imposants édifices de Queen’s Road 
              a cédé la place à une atmosphère de 
              crise qui pourrait bien déboucher sur une sérieuse 
              dépression. Hausse du chômage, qui a franchi la barre 
              des 4 % pour la première fois depuis 15 ans, baisse des actifs 
              de la bourse qui frappe toutes les classes sociales puisque, dans 
              une société où la protection sociale est très 
              faible, tout le monde place son épargne à la bourse, 
              baisse de la consommation (16 % au cours du premier trimestre de 
              1998) rendent le climat économique très morose. L’éclatement 
              de la bulle spéculative (les prix de l’immobilier ont 
              chuté de 40 %) a provoqué quelques faillites retentissantes 
              ; le secteur des services, qui représente le point fort de 
              Hong Kong, s’est mis à licencier. Le tourisme, par exemple, 
              est en crise : tandis que près de trois millions de visiteurs 
              étaient arrivés à l’aéroport de 
              Kai Tak au premier trimestre de 1997, ils n’étaient 
              plus que 2,2 pour la même période de cette année 
              ce qui conduit à s’interroger sur l’utilité 
              de l’aéroport de Chek Lap Kok inauguré en grande 
              pompe en juillet de cette année. Même le Jockey Club 
              a gagné 103 millions de dollars Hong Kong de moins que l’an 
              passé (1). Les faillites de détaillants se multiplient 
              et de tous les secteurs de la société monte une clameur 
              demandant au gouvernement de faire quelque chose pour éviter 
              que la RAS ne s’enfonce dans la récession. Déjà, 
              le PIB a connu une baisse de 2 % au cours du premier trimestre de 
              l’année. Mais, pis encore, la dépression risque 
              de s’installer dans les esprits : selon une enquête réalisée 
              par le Mingbao fin juin, plus de 50 % des personnes interrogées 
              estiment que la situation économique empirera l’an prochain, 
              un chiffre de 12 % supérieur à celui du premier trimestre, 
              tandis que 35 % pensent que leur propre situation s’aggravera 
              (2).
Ainsi, tandis que l’économie, dont 
              tous s’accordaient l’an dernier pour affirmer qu’elle 
              resterait florissante, est menacée par la crise, le rayon 
              d’espoir est venu, à la surprise générale, 
              du domaine politique.
Un haut degré d’autonomie
Dans son dernier discours sur l’état 
              du Territoire en octobre 1996, le gouverneur Chris Patten avait 
              énoncé seize critères permettant de juger si 
              Hong Kong conserverait les attributs qui avaient fait son succès, 
              notamment, l’état de droit.
Non-intervention de Pékin dans les décisions 
              du gouvernement, assemblée législative élue 
              démocratiquement, indépendance des tribunaux, autonomie 
              de Hong Kong dans les organisations internationales, liberté 
              de la presse, d’association, de manifestation, contrôle 
              de la RAS sur les conditions d’entrée et de sortie, 
              etc. Cette liste était apparue aux journaux favorables à 
              Pékin comme une provocation du dernier tyran colonialiste.
Un an et demi plus tard, tous les critères 
              avancés par le dernier gouverneur sont remplis (3). Il est 
              toujours aussi difficile (plus, peut-être ?) pour les Chinois 
              du continent de se rendre dans la RAS, et la marée continentale 
              redoutée par certains est restée aux portes de la 
              Région.
Alors qu’en 1997, tous les observateurs 
              s’accordaient pour penser que le retour de Hong Kong dans le 
              giron de la mère-patrie se traduirait par une régression 
              du processus de démocratisation, que les plus pessimistes 
              pensaient que le pluralisme dans le domaine politique et dans les 
              médias serait menacé, il n’en est rien. Une enquête 
              réalisée récemment montre que 82 % des personnes 
              interrogées sont satisfaites de l’état des libertés 
              politiques à Hong Kong, tandis que l’an dernier, seuls 
              54 % étaient convaincus que les libertés démocratiques 
              seraient maintenues, contre 36 % qui en doutaient (4). En 1997, 
              même les plus bienveillants pensaient qu’il serait extrêmement 
              difficile d’organiser la veillée anniversaire de la 
              répression du 4 juin à Victoria Park. Le vice-Premier 
              ministre Qian Qichen, président du Comité préparatoire 
              et personnalité chargée par le PCC de suivre les affaires 
              de la RAS, avait en effet fourni des réponses très 
              ambiguës sur cette question (5) et l’on murmurait que 
              les responsables du Conseil municipal (Urbco) prévoyaient 
              que des travaux auraient lieu précisément au mois 
              de juin 1998. Le futur Chef de l’exécutif, Tung Chee-hwa, 
              recommandait à ses compatriotes de laisser derrière 
              eux « le fardeau du 4 juin ». Chris Patten avait inclus 
              la célébration de la veillée commémorative 
              du 4 juin dans ses « seize critères ». Pourquoi 
              toutes les parties en présence attachent-elles tant d’importance 
              à cette manifestation ?
Une veillée fondatrice de la citoyenneté
Un petit rappel historique est ici nécessaire. 
              Jusqu’à la fin des années 80, la population de 
              Hong Kong était considérée comme apolitique. 
              Seule une petite minorité d’activistes s’intéressait 
              aux débats sur la Loi fondamentale, et ceux qui en avaient 
              les moyens préféraient tenter d’obtenir un passeport 
              étranger plutôt que s’engager dans l’action 
              politique pour assurer leur avenir. Lorsqu’en avril 1989, le 
              mouvement pour la démocratie s’est manifesté 
              dans les rues de Pékin, la sympathie a été 
              immédiate, notamment dans la jeunesse du Territoire. Mais 
              lorsque, le 20 mai, Li Peng a annoncé la proclamation de 
              la loi martiale, c’est la population entière qui a été 
              dégrisée. La République populaire, dont elle 
              allait faire partie huit ans plus tard, apparaissait alors dans 
              toute sa brutalité. « Le présent de Pékin 
              est l’avenir de Hong Kong » était l’un des 
              slogans scandés par le million de manifestants (sur 5 millions 
              d’habitants) descendus dans la rue le 21 mai pour protester 
              contre la loi martiale. Deux semaines plus tard, le massacre de 
              Tian’anmen sonnait le glas des espoirs de la population conduisant 
              encore une fois un million de personnes à descendre dans 
              la rue.
Depuis, chaque année, le 4 juin, des 
              dizaines de milliers de manifestants se réunissent à 
              Victoria Park avec des bougies, autant pour célébrer 
              la naissance d’une identité politique que pour commémorer 
              les victimes. Cette veillée constitue aujourd’hui un 
              élément fondamental de la culture, voire de l’identité 
              politique de la population de Hong Kong. On se rend en famille, 
              avec les enfants, dans ce parc qui sert traditionnellement de théâtre 
              à l’une des plus grandes fêtes religieuses de 
              Hong Kong, la Fête de la mi-automne. Comme à cette 
              occasion, chacun allume sa bougie. Il ne faudrait pas longtemps 
              pour que cette veillée se transforme en une sorte de culte 
              local comme il en est apparu tant dans l’histoire de Chine, 
              avec son rituel fait de chants et de recueillement autour de la 
              déesse de la démocratie, à la lumière 
              des flammes des bougies.
Cette fête est tellement entrée 
              dans les mœurs que, lorsqu’en juin 1997 le futur chef 
              de l’exécutif avait conseillé à ses compatriotes 
              de regarder vers l’avant et d’oublier le massacre du 4 
              juin, il avait provoqué un tollé dans les médias. 
              Par cette déclaration en effet, il s’attaquait au cœur 
              de l’identité des Hongkongais, et la réponse 
              ne s’est pas faite attendre, 50 000 personnes s’étant 
              rassemblées au Parc pour montrer leur attachement à 
              cette commémoration.
Tung Chee-hwa a-t-il saisi le message ? En 
              tout cas cette année, aucun officiel n’a prononcé 
              de déclaration à ce sujet. Victoria Park n’a 
              pas été fermé pour travaux, et malgré 
              un déluge inimaginable, la veillée a rassemblé 
              entre 25 et 40 000 manifestants, soit plus qu’en 1996. Aucun 
              incident n’a eu lieu, et la police était fort discrète. 
              Du reste, le nombre de manifestations (1 200 en moins d’un 
              an) montre que la liberté de manifester n’a guère 
              été affectée par la rétrocession. Aujourd’hui, 
              cette liberté fait partie de la culture politique des habitants 
              de la région au même titre qu’un autre élément 
              fondamental qui la constitue, les élections directes.
Les élections : aussi hongkongaises 
              que le canto-pop
Personne ne craignait sérieusement que 
              le nouveau pouvoir s’opposât à ce qu’elles 
              aient lieu, Tung Chee-hwa s’étant engagé l’an 
              dernier à les tenir dans un délai de huit mois. Néanmoins, 
              jusqu’au 23 mai, la veille de la consultation, politologues 
              et journalistes étaient convaincus que le taux de participation 
              serait encore plus bas qu’en 1995, et qu’il ne dépasserait 
              pas les 35 %. Avaient-ils sous-estimé l’importance des 
              consultations dans la culture politique hongkongaise ? C’était, 
              rappelons-le, la première fois que des élections libres 
              se tenaient sur le territoire de la République populaire 
              de Chine. C’était aussi un test important de la validité 
              de la formule « un pays, deux systèmes ».
Une fois de plus, ceux qui pensaient que les 
              habitants de la RAS ne se préoccupent que de leur situation 
              économique, ont montré qu’ils ne les comprenaient 
              guère. Malgré un nouveau mode de scrutin complexe 
              (6) (la représentation proportionnelle, avec répartition 
              aux plus forts restes), malgré une pluie battante, en dépit 
              du faible pouvoir dont disposent les vingt députés 
              élus directement sur les soixante membres du Legco (7), le 
              24 mai, la participation électorale a atteint 53,29 %, battant 
              tous les records historiques. Et, conformément à ce 
              qui s’était passé lors des précédentes 
              consultations, les candidats du parti démocrate, dénoncé 
              par Pékin comme subversif, et leurs alliés ont remporté 
              plus de 60 % des voix.
Liberté de manifester, élections 
              partiellement démocratiques, restent la garantie de la liberté 
              d’expression, et donc de la liberté de la presse. Dans 
              son rapport annuel, la Hong Kong Journalists’ Association a 
              déclaré que les autorités de la RAS s’étaient 
              montrées plus discrètes que prévu. « 
              Nous devons reconnaître qu’aucun des scénarios 
              les plus pessimistes ne s’est matérialisé » 
              a déclaré son vice-président, Liu Kin-ming 
              (8). La presse mensuelle en chinois qui critique le régime 
              de Pékin et dévoile de nombreuses informations confidentielles 
              n’a eu à déplorer aucune intervention. Zhengming, 
              Kaifang, Qianshao (9), ont pu continuer à paraître 
              comme avant la rétrocession. Seule Jiushi niandai, 
              l’une des plus vieilles revues du Territoire, a disparu, mais 
              parce que son directeur, Lee Yee, a décidé de prendre 
              sa retraite.
En somme, un an après le transfert de 
              souveraineté, les trois composantes essentielles de la culture 
              politique de Hong Kong sont toujours aussi présentes.
La voie est sinueuse…
Le chemin n’a cependant pas été 
              linéaire et les phénomènes positifs que constituent 
              l’importante participation électorale et le nombre de 
              manifestations ne doivent pas masquer les éléments 
              plus inquiétants apparus au cours de l’année 
              écoulée. Ces deux éléments font partie 
              du comportement de la population. L’attitude des autorités 
              n’a peut-être pas toujours été aussi digne 
              de louanges que l’ont affirmé les médias internationaux.
La dissolution du Legco élu en 1995 
              et son remplacement par une assemblée nommée dès 
              les premières heures qui ont suivi le transfert de souveraineté 
              ont, du moins au cours de l’année écoulée, 
              eu d’importantes conséquences sur le fonctionnement 
              du système politique. Le Legco provisoire, même si 
              plus de la moitié de ses membres avaient appartenu à 
              l’assemblée de 1995, a perdu le rôle central qu’avait 
              gagnée son prédécesseur au cours des six années 
              précédentes. Naturellement, le fait que l’opposition 
              en ait été exclue y est pour beaucoup. La présidente 
              de cette assemblée, Rita Fan Hsu Lai-tai, a, d’autre 
              part, veillé à ce que la plupart des propositions 
              de loi présentées par les députés ne 
              soient pas discutées par l’assemblée.
Une autre conséquence de l’instauration 
              du Legco provisoire voulue par les nouveaux dirigeants, s’est 
              également fait jour : les partis, qui commençaient 
              à jouer un rôle essentiel dans le fonctionnement de 
              la vie politique, ont perdu de leur importance.
Certes, le parti démocrate et le groupe 
              Frontier ont continué à exister et ne se sont pas 
              privés de critiquer les décisions du gouvernement 
              dans la presse lors des nombreuses crises qui ont secoué 
              la première année de l’administration de Tung. 
              Par exemple, lorsque le Legco provisoire a adopté, dès 
              juillet dernier, l’amendement à l’ordonnance sur 
              la sécurité publique qui stipule qu’il faut obtenir 
              l’autorisation de la police pour organiser une manifestation, 
              la discussion n’a pas eu lieu à l’Assemblée, 
              mais dans la presse. Au cours de l’année donc, le débat 
              politique s’est déplacé de l’Assemblée 
              législative vers les médias.
Une régression politique
Un autre exemple des risques de détérioration 
              de l’état de droit est celui du remplacement dans les 
              textes législatifs de l’expression la « Couronne 
              » par « l’Etat » (10). Cette décision 
              met les organisations dépendant de l’Etat chinois, telles 
              par exemple l’Agence Chine nouvelle, mais aussi de nombreuses 
              entreprises publiques chinoises au-dessus des lois de la RAS. Le 
              débat qui a suivi l’adoption de cette motion ne s’est 
              pas déroulé au sein du Legco dont le vote était 
              acquis, mais dans la presse.
Baisse d’influence des partis politiques, 
              marginalisation de l’assemblée législative constituent, 
              sans aucun doute, une sérieuse régression dans la 
              modernisation du système politique de Hong Kong. Le contrôle 
              de l’exécutif par des institutions représentatives 
              de la population a connu un profond recul.
Cela ne signifie pas toutefois que l’harmonie 
              ait régné dans l’establishment ; mais 
              comme c’était le cas pendant la période coloniale 
              avant les premières élections directes, c’est 
              par des rumeurs, des fuites que les informations sur les contradictions 
              à l’intérieur du système ont été 
              connues. Ainsi, lors d’un entretien avec un journaliste, tel 
              haut fonctionnaire se plaignait des interférences de tel 
              membre du Conseil exécutif (Exco). Les délibérations 
              de celui-ci étant secrètes, la transparence n’a 
              cessé de reculer. Et, lors des crises, notamment lors de 
              la grippe du poulet à la fin de l’an dernier, tant l’Exco 
              que le Chef de l’Exécutif ont mis longtemps à 
              réagir.
De même, la restriction de la démocratie, 
              souvent présentée comme un gage d’efficacité, 
              n’a pas non plus permis au gouvernement d’envoyer des 
              messages clairs lors des attaques contre le dollar de Hong Kong 
              ou lors de la chute de l’indice Hang Seng. L’optimisme 
              affiché tant par Tung Chee-hwa que par son secrétaire 
              aux finances Donald Tsang n’a pas vraiment réussi à 
              rassurer les milieux financiers.
L’absence de transparence, la disparition 
              des débats dans l’Assemblée législative 
              provisoire ont beaucoup contribué à la chute de popularité 
              d’un Tung Chee-hwa qui donne souvent l’impression de vouloir 
              revenir au bon vieux temps du paternalisme colonial. La dégradation 
              de la situation économique et l’absence de réponse 
              adéquate du gouvernement ont aggravé le mécontentement 
              à l’égard des autorités. Bien que l’on 
              ne dispose pas encore de données chiffrées, il semble 
              que ce mécontentement constitue un facteur significatif de 
              l’augmentation de la participation électorale. Les résultats 
              des élections directes, en tout cas, montrent bien que les 
              électeurs ont plébiscité l’opposition.
Elus directs contre députés 
              cooptés
Alors que la presse du monde entier distribuait 
              des satisfecits tant à Jiang Zemin qu’à Tung 
              Chee-hwa pour n’avoir pas entravé le processus démocratique, 
              un fait est venu rappeler que Hong Kong était encore bien 
              loin de jouir d’un régime parlementaire. Malgré 
              l’écrasante victoire électorale des démocrates, 
              les personnalités favorables à Pékin qui soutiennent 
              le Chef de l’exécutif détiennent 40 sièges 
              sur 60. Lors de l’élection du président du Legco, 
              ils n’ont pas hésité à utiliser leur majorité. 
              Deux candidats s’opposaient : l’une, Rita Fan Hsu Lai-tai 
              a présidé l’impopulaire Legco provisoire jusqu’à 
              sa dissolution. Elle n’a pas osé se présenter 
              aux suffrages de ses concitoyens dans une circonscription géographique 
              et a été élue par le collège électoral 
              qui comporte 800 membres favorables à Pékin. Face 
              à elle, Andrew Wong Wang-fat avait présidé 
              le dernier Legco élu en 1995, et s’est présenté 
              victorieusement au scrutin direct dans les Nouveaux Territoires. 
              Personnalité modérée, il a participé 
              au Legco provisoire. Chacun sait dans la RAS que Pékin préfère 
              Rita Fan. Le 2 juillet, elle a été élue par 
              36 voix contre 24 (11) (dont les 20 représentants du camp 
              démocratique). Ce vote montre que les « élites 
              », parties prenantes au nouveau pacte colonial (12) avec Pékin, 
              n’hésitent pas à utiliser leur supériorité 
              effective pour aller à l’encontre de la volonté 
              des élus du peuple. Si cette situation devait perdurer, elle 
              pourrait provoquer de grandes frustrations dans la population. Il 
              est naturellement trop tôt pour se prononcer sur le poids 
              respectif des élus directs et des élus indirects au 
              cours des deux années du mandat de la législature. 
              Mais cette élection est de mauvais augure.
Toutefois, d’autres événements 
              montrent que le Legco pourra exercer sa fonction de contrôle 
              du gouvernement, et même le conduire à entreprendre 
              certaines actions. Ainsi, au lendemain du scrutin, les dirigeants 
              des sept partis représentés à l’Assemblée 
              se sont réunis (13) et ont adopté une plate-forme 
              commune exigeant du gouvernement qu’il adopte un plan d’urgence 
              pour répondre à la crise, plan combinant réductions 
              d’impôts, encouragement à la consommation, etc. 
              Cet accord montre d’une part la maturité des partis 
              politiques prêts à mettre une sourdine à leurs 
              divergences lorsque l’ensemble de la population est menacée, 
              mais aussi l’immaturité d’un système politique 
              où le seul moyen pour le « parlement » d’exercer 
              sa fonction de proposition consiste à pratiquer « l’union 
              nationale ». Toujours est-il que trois semaines après 
              la réunion des sept, le Chef de l’exécutif annonçait 
              un plan de relance de 44 milliards de dollars Hong Kong (14). Cet 
              épisode montre que les partis politiques doivent de plus 
              en plus prendre en compte les exigences des électeurs, et 
              que les élus directs disposent d’une plus grande capacité 
              d’initiative politique. L’évolution du régime 
              reste donc ouverte.
Le rôle déterminant de Pékin
La seule détermination de la population 
              de Hong Kong ne suffit pas toutefois à expliquer que le système 
              politique n’ait pas connu de profondes altérations. 
              Le gouvernement de Pékin a en effet fait preuve d’une 
              grande modération. Pour Jiang Zemin, qui a assumé 
              l’ensemble des pouvoirs l’an dernier, après la 
              mort de Deng Xiaoping, l’année qui vient de se terminer 
              était une année cruciale. Il apparaît aujourd’hui 
              que le secrétaire général du parti communiste 
              a estimé que des succès en politique internationale 
              constitueraient le meilleur moyen de renforcer sa légitimité. 
              Depuis son accession au pouvoir, Jiang Zemin a toujours attaché 
              une grande importance au nationalisme, qui pourrait servir d’idéologie 
              de substitution au socialisme auquel plus grand monde ne croit aujourd’hui 
              en Chine. Entre 1993 et 1996, il s’agissait d’un nationalisme 
              plutôt agressif, sans doute parce qu’il avait été 
              blessé par les sanctions adoptées par les pays occidentaux 
              au lendemain du massacre de Tian’anmen. La Chine, isolée, 
              pouvait « dire non » aux Etats-unis et à l’ensemble 
              de l’Occident, puisque celui-ci ne voulait pas négocier 
              normalement avec elle (15).
Depuis la crise des fusées de 1996 (16), 
              les dirigeants chinois ont assoupli leurs positions. A partir de 
              la mort de Deng Xiaoping, Jiang, ayant renforcé sa position 
              sur la scène intérieure, a pu adopter une attitude 
              plus ouverte. Pour renforcer sa légitimité, il devait 
              rendre à la Chine sa position sur la scène internationale. 
              Mais au lieu de recourir aux menaces comme entre 1989 et 1996, c’est 
              en adoptant une attitude « responsable » qu’il 
              comptait s’imposer comme un interlocuteur privilégié 
              aux Etats-Unis. Le discours modéré qu’il a prononcé 
              lors de la rétrocession de Hong Kong, son attitude lors de 
              son voyage aux Etats-Unis, l’affirmation du refus de dévaluer 
              le yuan en plein milieu de la crise financière asiatique, 
              sa modération sur le plan militaire qui est apparue pleinement 
              lorsque l’Inde et le Pakistan procédaient à des 
              essais nucléaires ont fermement établi l’image 
              d’une République populaire et de son chef pleinement 
              responsables. Le voyage de Bill Clinton qui vient de se terminer 
              a conforté la Chine dans une position de partenaire incontournable 
              de la première puissance mondiale au moment où le 
              Japon fait figure de mauvais élève.
La non-intervention (apparente ?) de la Chine 
              dans les affaires de Hong Kong doit être replacée dans 
              ce contexte. Tant que Pékin s’en tient à sa décision 
              de se comporter comme un membre responsable de la communauté 
              internationale pour affirmer sa puissance, la population de la RAS 
              n’a pas à s’en faire, son mode de vie et son système 
              politique ne connaîtront pas d’interférences sérieuses 
              de la part de la capitale chinoise. Tant que le parti communiste 
              continue de considérer Hong Kong comme une question de politique 
              internationale, il ne violera pas ses engagements. La République 
              populaire a en effet toujours respecté les traités 
              qu’elle avait signés. Il n’en va pas de même 
              des pactes que le Parti a passés avec la population chinoise.
 
         
        