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Roland Lew : L’intellectuel, l’Etat et la révolution
D'emblée, Roland Lew, lauteur de Lintellectuel, lEtat et la révolution nous prévient : « Le socialisme réel est moribond. Il survit en Chine, ce qui représente tout de même un petit quart de lhumanité. Mais il sagit plus dune survie apparente queffective. »
Ce constat posé, il va chercher à analyser et comprendre la signification sociale et politique de ce socialisme réel à la sauce chinoise à travers une série dessais denses et documentés, étalés dans le temps, ce qui explique une certaine évolution de sa pensée. Cest ainsi quévoquant lentrée de la Chine dans la modernité au début du siècle, il minimise, au départ, lapport de lanarchisme, qui sera pourtant le premier à sattaquer de front à lordre confucéen, ce fondement de despotisme dans la famille et dans lEtat, en brandissant létendard de légalité, seule capable dapporter la libération de tous les individus. Mais en fin de parcours il révisera sa position, reconnaissant que lanarchisme a formé « jusquau début des années 1920 le terreau nourricier doù sortiront les radicalisations ultérieures » (1).
La principale, pour lui, de ces radicalisations, cest la création en 1921 du Parti communiste, auréolé par le succès en 1917 de la révolution bolchevique. Mais comment faire la révolution selon un schéma marxiste dans une Chine avec une classe ouvrière lilliputienne noyée dans un océan paysan ? Les tentatives dinsurrection urbaines à Canton et à Shanghai, selon les directives de Staline et du Komintern, sétant soldées en 1927 par un sanglant échec, il a fallu trouver une autre force sur laquelle sappuyer pour la conquête du pouvoir. Et cette force, cest Mao Zedong (2), alors minoritaire au sein de son parti, qui va la trouver justement à travers la paysannerie, certes tournée vers le passé, mais représentant une masse « malléable » qui, encadrée par le Parti, permettra à ce dernier de faire aboutir son projet de société.
Et linvasion japonaise (3) va laider à mobiliser cette paysannerie en parant son discours dun vernis nationaliste : « la défense du sol de la patrie ». La Chine sera considérée comme un peuple-classe, la libération nationale prenant ainsi le pas sur la libération sociale ; et la paysannerie sera utilisée comme simple instrument de bouleversement de la société et non comme sujet actif et conscient. Ce privilège est réservé au parti-Etat dont les cadres, notamment des intellectuels ayant abandonné leur nature critique pour se remodeler en militants disciplinés (4) vont être chargés de la mise en place de ce projet modernisateur dindustrialisation urbaine censé représenter « le socialisme réel en acte ». Mais les premières réformes engagées et les succès économiques initiaux ne peuvent cacher longtemps la réalité dun parti autonomisé par rapport aux « masses » et qui, par substitutisme en cascade, va déboucher sur une dictature sans partage de Mao Zedong. Où est passé le rêve démancipation sociale ? Deng Xiaoping, à son tour, va « tout changer pour ne rien changer » : limportant, quelles que soient les évolutions et les mutations, cest que le Parti communiste garde le pouvoir, reste le maître du pays.
Et lauteur de conclure : « Lauto-émancipation sociale nétait pas au rendez-vous. » Jusquà quand ?