BOOK REVIEWS

Macao 2000, Macau: A Cultural Janus, Aomen huigui qianhou de wenti yu duice (Macao au moment de la rétrocession : problèmes et solutions), Aomen Gailun (Introduction à Macao), Segredos da Sobrevivência – História Política de Macau (Les secrets

Coordonné par Jean Berlie, un chercheur français qui réside de longue date à Macao, cet ouvrage apporte à point nommé un éclairage assez complet sur la société (1ère partie) et l’économie (2ème partie) du territoire portugais à la veille de son retour à la Chine. Divisé en dix courts chapitres et rassemblant une dizaine de plumes souvent expertes, Macao 2000 met au jour ce que Geoffrey Gunn appelle dans sa préface la « fragilité, et même la vulnérabilité » de ce dernier confetti de l’ancien Empire lusitanien.

Dans une première contribution où elle reprend les idées de son livre Macau : A Cultural Janus, Christine Cheng présente de manière très synthétique le caractère hybride et ambivalent de l’histoire et de la culture de Macao. Ensuite, Jean Berlie procède à une mise à plat fort utile de la société et de l’économie de Macao avant de laisser à Lo Shiu-hing, l’un des principaux spécialistes de la question, le soin de montrer que derrière le système politique calqué sur le modèle de Hong Kong qui est en train de se mettre en place, se perpétuent des relations clientélistes essentielles à la compréhension du fonctionnement de cette petite communauté politique. Puis le coordonnateur de ce livre analyse les rapides progrès enregistrés dans le domaine de l’éducation ainsi que la difficulté qu’aura cette Région administrative spéciale à gérer l’apprentissage de trois langues écrites et de quatre langues parlées (anglais, cantonais, mandarin, et portugais). Enfin, cette première partie s’achève sur une réflexion du chercheur français Louis Augustin-Jean sur la cuisine macanaise, appréhendée comme élément essentiel de l’identité de la communauté sino-portugaise de Macao.

Plus courte, la seconde partie n’en est pas moins instructive. Dans une approche macro-économique, Toyohiro Maruya analyse la progressive décadence économique du territoire. Ensuite, Raymond Tse décortique le marché et la politique du logement. Robert Scott explique que derrière une structure financière similaire à celle de Hong Kong, Macao est pénalisée par l’image de corruption et de crime répandue par l’industrie du jeu. Enfin, Cao Yunhua met en lumière les liens particuliers tissés entre Macao et l’Asie du sud-est.

Utile monographie, Macao 2000 s’interdit cependant de mettre en perspective les faiblesses de ce territoire et de spéculer sur un avenir pour le moins incertain.


Christina Cheng Miu-bing, Macau: A Cultural Janus, Hong Kong, Hong Kong University Press, 1999, 238 pp.



Jean-Pierre Cabestan

Version remaniée d’une thèse, cet ouvrage analyse la double face à la fois chinoise et portugaise de Macao et montre combien cette porte de la Chine du Sud ou plutôt du havre naturel qu’a toujours été le delta de la Rivière des Perles (Aomen, ou Oumum, le nom chinois, ou cantonais, de Macao), constitue un seuil ou un carrefour culturel entre l’Orient et l’Occident. Christina Cheng cerne au plus près la réalité et les symboles de cette culture à double face. Montrant à la fois les contradictions et les points de rencontre ou de passage entre les civilisations portugaise et chinoise, l’auteur centre son analyse non pas tant sur la formation historique du « Janus culturel » actuel que sur les représentations de cette genèse. Ainsi, le retrait en 1992 sur ordre de Pékin de la statue équestre du célèbre gouverneur du XIXe siècle Amaral témoignerait du passage de Macao dans une ère « pré-post-coloniale ». De même, s’inspirant des théories post-modernes et, malheureusement, un peu trop souvent du jargon qui l’accompagne, cet ouvrage s’attache à analyser le discours colonialiste, orientaliste, voire « exotique » sur Macao.

L’on perçoit cependant dans ce livre une profonde nostalgie pour ce qui a façonné sinon un melting pot culturel du moins les zones de culture hybride de cette cité, représentées en particulier par la petite communauté macanaise (environ 10 000 personnes). Ces zones sont finalement peu nombreuses mais les rapprochements opérés entre le culte de la Vierge Marie, importée par la christianisation, celui de Mazu (Tianhou) et celui de Guanyin sont stimulants, mettant au jour le ferment d’une véritable tolérance et d’un profond pluralisme religieux (cf. aussi la contribution de l’auteur à ce numéro spécial). Et Christina Cheng reconnaît, en conclusion, que Macao fait dans une large mesure exception à la loi « néo-coloniale » ou « néo-impérialiste » : plus qu’une base de domination occidentale, Macao est depuis longtemps devenue un lieu de rencontre et de compromis, une cité d’œcuménisme culturel.


Yu Zhen ed., Aomen huigui qianhou de wenti yu duice (Macao au moment de la rétrocession : problèmes et solutions), Macao, Hong Kong, Mingliu, juin 1999, 510 pp.



Jean-Pierre Cabestan

Coordonné par l’un des meilleurs spécialistes de Macao plus connu parmi les Occidentaux sous le nom de Herbert Yee, ce livre est probablement la plus complète présentation en langue chinoise du territoire portugais à la veille de la rétrocession. Plus de 40 auteurs, pour la plupart de Macao, ont participé en une cinquantaine de contributions, souvent très courtes, à cet ouvrage collectif. L’on reconnaît parmi eux Wu Zhiliang (cf. ci-dessous), Lu Zhaoxing (Lo Shiu-hing) et Leng Xia (Leng Ha) ; toutefois, c’est la diversité des approches qui caractérise ce volume : journalistes, hommes politiques et fonctionnaires apportent tous une perspective singulière. Un certain nombre de chapitres ont déjà été publiés sous la forme d’articles dans des revues, telle Aomen zhengce yanjiu (Etudes politiques de Macao) ou des journaux du territoire ; d’autres constituent des transcriptions écrites d’entretiens avec des personnalités de Macao. D’où la grande variété des styles et aussi l’inégalité des contributions.

Divisée en trois sections, ce volume est pour une bonne partie consacré aux questions politiques, institutionnelles et juridiques. Des développements instructifs sont à noter sur ces derniers problèmes. La deuxième partie relative à l’économie n’apporte, sauf exceptions (par exemple, le chapitre sur les travailleurs migrants), guère d’analyses originales. Si la dernière partie aborde une multitude de sujets (les catholiques, le rôle politique des organisations sociales, la communauté macanaise, les médias, l’avenir de la langue portugaise, l’organisation de la police, la criminalité infantile, l’environnement, etc.), elle ne fait que survoler ces problèmes culturels et sociaux.

Il n’en reste pas moins que pour le lecteur sinophone, ce livre constitue une bonne introduction à Macao.


Feng Bangyan, Aomen Gailun (Introduction à Macao), Hong Kong, Sanlian shudian, mai 1999, 548 pp.



Jean-Pierre Cabestan

Écrit par un professeur à l’Université de Jinan (Guangdong), auteur de plusieurs ouvrages sur Hong Kong, ce livre constitue l’une des plus commodes présentations en chinois sur Macao. Développant dans une première partie la comparaison connue avec Monaco, Feng retrace l’historique et expose les principales caractéristiques de la colonie. Dans une seconde partie, l’auteur présente les institutions politiques et juridiques d’inspiration portugaise qui ont longtemps dominé le territoire. Puis, dans une partie intitulée « Un musée historique et culturel », Feng rappelle la richesse du patrimoine sino-lusinatien de Macao ainsi que les efforts qui ont été entrepris par les autorités sortantes pour le préserver. Curieusement, c’est dans cette partie que les problèmes sociaux du territoire et notamment la détérioration de l’ordre public et les luttes entre les triades sont traités. Enfin, une dernière section décrit la genèse et la progressive mise en place des nouvelles institutions de Macao, celles qui commenceront officiellement à fonctionner le 20 décembre 1999. Dépourvu d’analyse, voire de point de vue, ce livre constitue en revanche une mine d’informations : les données statistiques, les tableaux institutionnels, les repères chronologiques et annexes (déclaration conjointe et Loi fondamentale) abondent. En ce sens, Aomen gailun constitue un utile vade-mecum pour quiconque veut disposer des instruments de base pour comprendre la Macao de 1999.


Wu Zhiliang, Segredos da Sobrevivência – História Política de Macau (Les secrets de la survie, une histoire politique de Macao), Macao, Associação de Educação de Adultos de Macau, 1999, 506 pp.



Ilaria Maria Sala

Le travail de Wu Zhiliang, tiré de son doctorat, est l’un des textes les plus importants écrit par un historien chinois traduit en langue portugaise sur l’histoire politique de Macao. Wu traite l’histoire de la ville portugaise en tentant de répondre à une des questions les plus mystérieuses entourant Macao, à savoir de quelle façon une ville administrée par des étrangers a pu survivre pendant si longtemps aux côtés d’une Chine si peu ouverte sur l’étranger ? Les « secrets » de cette survie, tels qu’ils sont dévoilés par Wu, résident précisément dans la volonté d’être cette fenêtre sur le monde tout en usant de toutes les ressources de la diplomatie pour faire valoir son utilité. Selon Wu, Macao a connu ses années les plus fastes chaque fois qu’elle a été véritablement ouverte, soit sur la Chine, soit sur l’extérieur, tout en acceptant la domination chinoise qui s’est toujours superposée à l’administration portugaise. D’où, d’après Wu, cette recette pour l’avenir : conserver une ouverture sur le monde extérieur et bien prendre conscience de la diversité culturelle de Macao pour valoriser les intérêts communs entre la Chine et Macao. Présentant de nombreux documents originaux et riche de multiples iconographies, ce livre constitue une mine d’information sur les phases successives de la présence portugaise à Macao. Divisé en cinq chapitres, il analyse de manière comparative les différents modèles d’organisation politique et de « partage » effectif de la souveraineté qui ont été mis en œuvre par les gouvernements de Pékin (ou Nankin) et de Lisbonne. S’appuyant sur des sources de première et seconde mains des deux pays concernés, cet ouvrage apporte un éclairage indispensable sur l’évolution de la « question » de Macao à la fois dans la politique chinoise et la politique portugaise. Un seul regret : l’ensemble des sources chinoises sont présentées en portugais, sans que les références apparaissent en langue originale, ou même en pinyin.

Traduit de Shengcun zhidao : lun Aomen zhengzhi zhidu yu zhengzhi fazhan (La voie de la survie : une analyse du système politique et de l’évolution politique de Macao), Macao, chang ren jiaoyu xuehui, 1998


Rosmarie Wank-Nolasco Lamas, History of Macau – A Student’s Manual, Macau, Institute of Tourism Education, 1998, 150 pp. Annexes.



Eric Sautedé

L’ambition modeste de cet ouvrage est certainement ce qui fait sa plus grande force : l’analyse vaut essentiellement par l’organisation générale du texte, subdivisé en dix chapitres, et traite précisément de l’histoire politique, économique et sociale de Macao, du XVIe siècle à 1999, tout en replaçant celle-ci dans le contexte plus général des grandes évolutions de la Chine. Issu de quatre années de cours donné à l’Université de Macao et prenant acte des faibles connaissances que les étudiants de Macao avaient de leur propre histoire, ce livre fait une utilisation habile et détaillée des meilleures sources de seconde main. Spécialisée en anthropologie sociale, l’auteur est à son meilleur lorsqu’elle aborde les questions d’identité et le métissage des communautés. D’utiles annexes (cartes, photos, portraits, index des caractères chinois, etc.) viennent compléter un ensemble de 150 pages particulièrement dense. L’on regrettera cependant que les reproductions iconographiques n’aient pas été de meilleure qualité et que l’éditeur, malgré ses meilleures intentions, ait autorisé l’impression du texte de couleur marron sur des pages dont le fond de couleur bistre est une reproduction de carte : l’inconfort de la lecture ruine quelque peu la très grande accessibilité de ce pertinent petit manuel.


Austin Coates :
Macao and the British, 1637-1842, Prelude to Hong Kong, Hong Kong, Oxford University Press, réédition 1988 (première édition : 1966), 234 pp.
City of Broken Promises, Hong Kong, Oxford University Press, réédition 1987 (première édition : 1967), 314 pp.
A Macau Narrative, Hong Kong, Oxford University Press, réédition 1999 (première édition : 1978), 146 pp.



Ilaria Maria Sala

Réédités à l’occasion de la rétrocession de Macao, les œuvres de Austin Coates sur Macao, continuent, comme toute son œuvre, à être très appréciées par un groupe toujours plus large d’aficionados. Les trois volumes qui concernent la colonie portugaise témoignent de l’amour durable que ce « mandarin britannique » a éprouvé à l’égard de Macao, et cela dès sa première visite. Le talent d’historien de Coates, qui s’exprimait déjà dans Macao and the British et dans A Macao Narrative — longtemps le seul livre d’histoire sur Macao en langue anglaise, s’ajoute à celui de romancier dans City of Broken Promises, roman sur fond historique qui reconstruit la vie de Martha Merop, une des femmes les plus remarquables de l’histoire de Macao : chinoise, abandonnée à la naissance, elle réussit à devenir la plus importante commerçante de la colonie, grâce à sa détermination et aussi à sa longue liaison avec l’anglais Thomas Kuyck van Mierop, fondateur de la Lloyd’s of London.