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Avocat : une profession « florissante » ?

by  Li Yuwen /

Aujourd’hui, la profession d’avocat est considérée par les Chinois comme une industrie « florissante ». En effet, ces dernières années, cette profession est devenue très populaire, permettant l’acquisition d’un revenu décent et d’une reconnaissance sociale croissante. Dans un pays où l’amertume des avocats est une tradition bien ancrée et où les règles applicables à la profession n’ont, en outre, que vingt ans d’histoire, le statut de cette profession a suscité un intérêt international. On peut dire que l’essor de la profession d’avocat est le reflet du rapide développement dans le domaine du droit que connaît la Chine en général. Le lien étroit entre ces praticiens du droit et la réforme économique a également conduit cette profession à se développer plus rapidement que d’autres professions juridiques.

Actuellement en Chine, juges, procureurs, chercheurs et professeurs de droit mènent des carrières nettement moins en vogue que celles des avocats. Cependant, être un avocat en Chine présente beaucoup de difficultés pratiques, difficilement imaginables pour des Occidentaux. Cet article examine brièvement l’histoire de la profession en Chine avant d’analyser les règles de base régissant la pratique légale telle qu’elle est énoncée dans la loi sur les avocats de 1997. Les réformes économique, juridique et politique en cours offrent aux avocats une large gamme sans précédent d’opportunités. Mais parallèlement, la nature transitionnelle de l’économie et du système politique chinois cause à la profession des problèmes spécifiques. Cet article ne traite pas seulement de la rapide expansion du métier d’avocat, du rôle positif que jouent les avocats dans l’édification des règles de droit en Chine mais également se penche sur les différents défis et troubles que connaît la profession.

La profession d’avocat dans la Chine d’avant 1949

Selon les spécialistes de l’histoire du droit chinois, à l’époque impériale, quelques règles avaient été mises en place pour régler les litiges. Il en est ainsi, par exemple, du principe selon lequel les membres d’une même famille ne pouvaient pas témoigner les uns contre les autres (notamment devant les autorités étatiques). Il en était de même des maîtres et de leurs employés. Toute personne violant ce principe était punie. Les actes de consentement devaient également être rédigés selon une forme donnée sous peine d’amende. Les personnes ordinaires ne pouvant avoir accès aux procès, elles devaient recourir à des experts. Ainsi, ces « intellectuels » se spécialisèrent dans l’assistance juridique en introduisant leurs actions en justice. Ils étaient appelés songgun ou « plaideurs filous », « avocassiers ». Au cours des dynasties Ming et Qing, ces « plaideurs filous » devinrent très connus dans la société chinoise (1). Cependant, ils continuaient d’être fréquemment punis par les autorités. Ainsi, les annales légales de la dynastie Qing rapportent des cas dans lesquels des rédacteurs d’actes avaient été condamnés à des peines de trois ans de travaux forcés voire davantage (2). C’est pourquoi, dans la Chine impériale, cette pratique n’a pas abouti à l’avènement de la profession d’avocat (3).

Les avocats sont apparus en Chine pour la première fois à l’ère moderne sous l’influence étrangère. Après la guerre de l’Opium en 1840 lorsque plusieurs pays étrangers acquirent des juridictions consulaires extraterritoriales et établirent des cours consulaires, des avocats étrangers commencèrent à travailler en Chine. Initialement, ils travaillèrent dans les concessions étrangères mais progressivement ils ont agi comme conseillers juridiques ou représentants devant les tribunaux chinois. Ils y représentaient tant les étrangers que les Chinois. Constatant que certains Chinois avaient recours à des avocats étrangers pour défendre leurs intérêts contre d’autres étrangers, le ministre de la Réforme Légale en fonction à la fin de la dynastie Qing, Shen Jiaben, écrivit à l’Empereur que des avocats étrangers ne devaient pas aider des citoyens chinois à défendre leurs intérêts lorsque cela pouvait désavantager un compatriote de l’avocat. Il suggérait ainsi la création d’un système de formation d’avocats chinois. Consécutivement, des projets de codes de procédure civile et de procédure pénale furent rédigés en 1910, s’alignant sur le modèle occidental dans des domaines tels que l’accès à la profession, l’enregistrement, la responsabilité et les peines applicables aux avocats. Cependant, ces codes ne virent jamais le jour (4).

En 1911, Sun Yat-sen mena avec succès la Révolution Xinhai qui renversa la dynastie au pouvoir et instaura la République de Chine. Sun Yatsen apporta son soutien à la rédaction d’une loi sur les avocats mais son gouvernement n’ayant vécu que trois mois, le projet de loi ne fut jamais promulgué (5). En 1912, Yuan Shikai mit en place le gouvernement de Pékin et hérita du système légal créé à la fin de la Dynastie Qing. Le gouvernement adopta un règlement provisoire relatif aux avocats, et notamment à leur enregistrement. Ainsi, ce texte indiquait que ceux-ci devaient être âgés de plus de 20 ans, être diplômés d’une faculté de droit et de science politique et avoir réussi l’examen d’accès à la profession d’avocat. Les femmes n’étaient pas alors autorisées à accéder à cette profession. Pour pratiquer le droit, l’avocat devait être membre d’une association d’avocats (6). Un règlement provisoire fixa le rôle des avocats. Ils pouvaient agir devant les tribunaux spéciaux, ordinaires, mandatés par les clients ou par la Cour elle-même. Les avocats furent alors pour la première fois spécifiquement autorisés à intervenir devant les tribunaux. En 1917, lorsque ce règlement provisoire fut révisé, d’autres fonctions furent reconnues formellement aux avocats, telles la rédaction d’actes, de testaments, de contrats et d’autres documents légaux pour le compte de clients (7).

De 1927 à 1944, le gouvernement de Chiang Kaï-shek continua d’appliquer le précédent système légal tout en procédant à la révision des anciens textes et promulguant de nouvelles lois. Les femmes purent alors accéder à la profession. L’âge minimum pour accéder à ces fonctions fut élevé à 21 ans. Les droits des associations d’avocats furent élargis : désormais, celles-ci pouvaient faire des propositions au ministère de la Justice sur les réformes légales envisageables. Une procédure spéciale sur les sanctions applicables aux avocats fut adoptée. Cette législation constituait la base des règles applicables aux avocats pendant la période du Kuomintang et est à l’origine des règles applicables aux avocats taiwanais aujourd’hui (8).

De la fin de la dynastie Qing à la République de Chine, sous l’impulsion des autorités, la profession d’avocat s’est progressivement développée et des barreaux sont apparus dans les grandes villes. L’Ordre des avocats de Shanghai était le plus dynamique. Il a en particulier combattu les privilèges légaux des avocats étrangers et fut le plus actif en matière d’indépendance judiciaire (9). Cependant, en raison de la guerre civile puis de la guerre sino-japonaise, des fréquents changements de gouvernements et du manque d’habitude de la société chinoise de recourir à un avocat, la profession ne prospéra pas. En 1913, il n’y avait que 1 700 avocats environ enregistrés auprès du ministère de la Justice. En 1935, ce nombre atteignait 10 249 alors qu’en 1943 il avait légèrement baissé (9 245). Dans le début des années 1940, la population chinoise était de 450 millions, la proportion d’avocats dans la population chinoise était donc de un pour 45 000 (10).

Les avocats en République populaire de Chine

L’établissement des règles applicables à la profession d’avocat depuis l’instauration de la République populaire de Chine (RPC) a suivi un parcours chaotique qui peut être divisé en trois étapes.

Un bref et timide développement (1950 - 1957)

Lors de l’instauration de la RPC, le gouvernement adopta un programme commun (qui tenait lieu de Constitution provisoire) et annonça l’abolition du système légal du régime du Kuomintang (11). Une circulaire concernant l’abolition des avocats clandestins et des « plaideurs filous » rédigée par le ministère de la Justice en décembre 1950 démantela les organisations professionnelles d’avocats et fit cesser les activités des avocats telles qu’elles étaient organisées sous le régime précédent (12). Les avocats qui exerçaient alors furent dénoncés comme étant les représentants d’une classe exploiteuse, la propagande officielle déclarant que « peu d’entre eux étaient rigoureux et impartiaux et osaient parler réellement au nom des personnes » (13).

Après avoir aboli cet ancien système, le gouvernement essaya d’en mettre en place un nouveau d’inspiration soviétique. Les « Principes généraux des tribunaux populaires » publiés par le gouvernement central en 1950, la Constitution de 1954 et la loi organique relative aux tribunaux populaires énoncèrent le droit des personnes à être défendues et instaurèrent la profession d’avocat de la défense (14).

En juillet 1954, le ministère de la Justice autorisa certaines grandes villes comme Pékin et Shanghai à mettre en place des bureaux de conseils juridiques destinés à exercer la profession d’avocat (15). En janvier 1956, le ministère de la Justice soumit un « Rapport concernant les règles professionnelles applicables aux avocats chinois » qui suggérait l’organisation de la profession d’avocat et la promulgation de règles nationales. C’est ainsi qu’en 1957 un règlement provisoire sur les avocats fut rédigé. De même, en juin 1957, 19 associations professionnelles d’avocats et 817 bureaux de conseils juridiques furent créés. Il y avait alors environ 2 500 avocats à temps plein et 300 avocats auxiliaires travaillant dans 33 villes de Chine. Ils étaient considérés comme des fonctionnaires et les cabinets privés étaient interdits. Leurs fonctions incluaient la défense dans les affaires pénales, le conseil juridique, la représentation dans les affaires civiles, la rédaction de documents légaux et la réponse aux requêtes légales (16).

L’abolition de la profession d’avocat (juillet 1957 - 1977)

Cette période est caractérisée par l’absence d’avocats en exercice en Chine. Au milieu de l’année 1957, l’expansion du « mouvement anti-droitier » aboutit à la condamnation des avocats comme « droitiers ». Par conséquent, ils furent envoyés dans les campagnes, critiqués pour être des vestiges du capitalisme. En 1959, le ministère de la Justice fût supprimé et les associations d’avocats démantelées (17).

Une progressive renaissance (1978 à nos jours)

En 1978, le gouvernement décida de restaurer la profession d’avocat, devenue une partie intégrante de la reconstruction du système légal chinois. La Constitution de 1978 rétablit l’institution des avocats. En 1979, la Loi pénale, la Loi de procédure pénale et la loi organique relative aux tribunaux populaires rétablirent officiellement le droit à la défense et posèrent les principes de base de la défense au pénal par les avocats. La même année, démarrèrent plusieurs expériences : dans le district de Hulan (Heilongjiang), des avocats tentèrent de plaider en défense en matière pénale ; à Canton, un bureau de conseil juridique fut établi pour traiter des affaires de droit maritime international ; à Shanghai, une association d’avocats fut mise en place (18). En septembre 1979, le ministère de la Justice fut rétabli et fut, entre autres fonctions, autorisé à prendre en charge l’administration de la profession d’avocat. En août 1980, un règlement provisoire sur les avocats fut promulgué par le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (19). Ce texte fixait un certain nombre de règles en matière de compétences, de droits et de devoirs, d’accès à la profession ainsi que d’organisation des activités des avocats chinois.

Ceux-ci furent alors définis comme des « fonctionnaires du droit » ayant pour fonction de fournir une assistance juridique au gouvernement, aux entreprises et aux citoyens. Ils furent regroupés en « bureaux de conseil juridique ». Ils agissaient en tant que conseillers juridiques, notamment dans les affaires non litigieuses, représentants dans les litiges civils, médiateurs ou arbitres, avocats de la défense en matière pénale, consultants et enfin rédacteurs de documents légaux. Aux termes de ce texte, pour pouvoir obtenir le diplôme d’avocat, il fallait « chérir la République populaire de Chine, soutenir le régime socialiste, avoir le droit de vote et être éligible » et surtout réussir un examen professionnel et obtenir l’approbation du bureau provincial des affaires judiciaires compétent. Bien que ce règlement contînt seulement 21 dispositions générales, elle demeura pendant 17 ans la base légale de la profession d’avocat en Chine.

Depuis, la profession s’est rapidement développée. Entre 1979 et 1984, la Chine ne comptait qu’environ 11 000 avocats. Ce chiffre passa à 45 666 en 1992, 68 834 en 1993, 83 619 en 1994, 90 602 en 1995, 100 198 en 1996, 98 902 en 1997, 110 000 en 1998 et environ 111 000 fin 1999 (20). En 1998, l’objectif du gouvernement était d’atteindre les 150 000 avocats avant la fin 2000 (21). Il est également prévu qu’à la même date environ 50 % d’entre eux soient titulaires d’une maîtrise de droit (xueshi), 30 % soient âgés de moins de 40 ans, que les avocats établis dans les grandes villes ou les régions côtières développées soient titulaires de l’équivalent d’un troisième cycle et qu’au moins 10 000 d’entre eux aient atteint un haut degré de qualification en droit, en économie et en langues étrangères (22).

Avec l’augmentation du nombre des avocats, l’organisation de la profession a progressivement pris forme. Depuis 1986, un examen national d’accès à la profession d’avocat, géré par le ministère de la Justice, a été instauré, ayant lieu initialement tous les deux ans et, depuis 1993, tous les ans. En 1986, 11 024 candidats se présentèrent à l’examen d’accès à la profession que 3 307 réussirent. Dix ans plus tard, le nombre de candidats est passé à 127 000. En novembre 1998, ils étaient 180 000 à se présenter à cet examen. Au cours des dix dernières années, seulement 10 % des candidats environ ont réussi l’examen. Ceux-ci sont à la fois des jeunes diplômés et d’anciens juges et procureurs à la retraite (23).

Les organisations professionnelles dans lesquelles travaillent les avocats ont aussi considérablement changé. Les cabinets d’Etat étaient les seules structures dans lesquelles les avocats pouvaient exercer jusqu’en 1988, lorsque le premier cabinet d’avocat « coopératif » vit le jour dans la ville de Baoding (Hebei). Par la suite, le même type de cabinet d’avocat est apparu dans d’autres grandes villes (24). En mai 1988, le ministère de la Justice publia un document intitulé « Organisation professionnelle des cabinets d’avocats coopératifs » qui légalisa ces cabinets. En 1993, le ministère de la Justice publia des « Propositions d’approfondissement de la réforme de la profession d’avocat » qui fournit une base légale à l’existence des cabinets d’avocats associés (25).

Le champ d’action des avocats a aussi considérablement augmenté. Progressivement, la profession s’est étendue à la négociation de contrats, la représentation ad litem en matière de marques commerciales, brevets, droits de reproduction ainsi qu’au traitement des problèmes dans des nouveaux domaines ou des domaines plus techniques d’activité. Dans les grandes villes, les avocats sont très impliqués dans les questions d’investissements étrangers et les autres secteurs commerciaux rentables.

La loi sur les avocats de 1997

L’expansion tant du nombre d’avocats que du volume et de la diversité de leurs activités a nourri le besoin d’un plus grand professionnalisme. En 1989, le ministère de la Justice avait amorcé la rédaction d’une loi sur la profession d’avocat. Il fallut attendre sept ans — le 15 mai 1996 — pour que celle-ci soit promulguée par le Comité permanent de l’Assemblée populaire nationale (26). Cette loi sur les avocats est entrée en vigueur le 1er janvier 1997. Elle contient 53 articles traitant de la qualification d’avocat, de la gestion de leurs cabinets, de leurs droits et obligations, de leur responsabilité légale et de l’aide judiciaire.

Les conditions d’accès à la profession

Afin de pouvoir exercer la profession d’avocat, le candidat chinois doit dans un premier temps obtenir la qualification d’avocat et ensuite obtenir un certificat l’autorisant à pratiquer ce métier.

• La qualification d’avocat

Selon la loi sur les avocats, deux voies existent pour obtenir cette qualification (27). La première consiste à passer l’examen national du barreau. Les candidats doivent remplir l’une des conditions suivantes : avoir étudié dans une faculté de droit et justifier d’un diplôme professionnel en droit équivalent au moins au deug ou au bts français (zhuanke), avoir une compétence professionnelle équivalente ou bien détenir au minimum une licence (xueshi) dans une autre discipline. La seconde est de se voir attribuer le titre d’avocat après évaluation (kaohe) du département des affaires judiciaires du gouvernement provincial compétent. Les candidats susceptibles d’être admis sont les licenciés en droit, les enseignants ou les chercheurs de niveau universitaire en droit et les personnes qui ont acquis un niveau équivalent grâce à leur expérience professionnelle. Passer l’examen national du barreau (ENB) est le moyen le plus couramment utilisé pour devenir avocat. La seconde voie, l’évaluation, reste subsidiaire (28).

Cependant, ce double système est fort critiquable. Le ministère de la Justice a défendu le système d’évaluation en arguant que les personnes ainsi admises étaient généralement plus compétentes du fait de leur plus longue expérience professionnelle (29). Beaucoup pensent que cette explication n’est pas satisfaisante et que ces professionnels expérimentés ne sont pas toujours au courant des rapides évolutions du système légal. Ces dernières années, l’examen national du barreau est devenu plus sélectif et si cet examen était imposé à ces professionnels, nombre d’entre eux y échoueraient. Il semble qu’un traitement de faveur ait été accordé à ces professionnels expérimentés, et souvent âgés, sur le fondement d’autres considérations. Un autre inconvénient majeur du système d’évaluation est l’inégalité des critères appliquées par les différentes provinces, ce qui met en doute la qualité de ces avocats. Il y a donc fort à parier que le système d’évaluation est appelé à progressivement disparaître pour laisser place au seul ENB.

La loi sur les avocats réduit les exigences liées aux études de droit, en ne demandant que l’obtention d’un deug de droit. En Chine, seulement deux ans de droit sont nécessaires pour obtenir ce niveau (zhuanke). Pendant cette période, l’étudiant passe la moitié d’une année à étudier la philosophie, l’économie politique, la science politique et doit effectuer un stage de trois mois minimum. Ainsi, l’étudiant passe moins d’un an et demi à se spécialiser dans l’étude du droit pur (30).

Quel que soit le sérieux de l’étudiant, ce cursus juridique réduit ne garantit pas une compréhension suffisante de l’ensemble des matières. On peut bien entendu invoquer qu’il s’agit d’encourager les recherches personnelles et qu’en général peu de personnes ont l’opportunité d’étudier le droit pendant quatre ans et d’obtenir une licence en droit. Mais le marché chinois continue de demander des avocats et le faible niveau de connaissances académiques des avocats a suscité de sérieuses interrogations notamment venant des avocats étrangers. Ceux-ci se plaignent de ce que beaucoup d’avocats chinois « expriment des opinions sans base légale, se reposent sur les dispositions générales des lois de la RPC sans aucune justification par des citations de clauses spécifiques ou font appel à des notions générales de loyauté comme elles doivent être comprises pour l’intérêt de leur cause. Lorsqu’ils citent des dispositions légales spéciales, il n’y a souvent pas d’analyse sur la façon dont elles s’appliquent au cas d’espèce ou dont elles fondent leurs conclusions. Le travail des avocats est souvent déficient au niveau des détails tant dans la présentation matérielle que dans l’analyse de fond » (31).

• La licence d’exercice

Après l’obtention du diplôme d’avocat, il convient de demander au Bureau judiciaire provincial (sifaju ou sifating) le certificat nécessaire à l’exercice de la profession. A cela, l’Article 8 de la loi sur les avocats ajoute que l’avocat doit respecter la Constitution, entreprendre un stage en cabinet d’avocat d’un an minimum et avoir une bonne conduite. Cette licence est renouvelable tous les ans. Pour toute demande de renouvellement, les avocats doivent fournir un résumé du travail effectué durant l’année écoulée, une attestation de fin de stage (32), un rapport de bonne conduite professionnelle et enfin un certificat de respect des obligations statutaires édictées par l’Ordre des avocats (33).

Il est à noter que toute personne montrant une carte avec le titre « avocat » n’est pas nécessairement un avocat qualifié et licencié. De fait, l’usage abusif du titre est fréquent. En effet, l’on dit que tout cabinet d’avocat qui veut réussir en Chine doit employer trois types de personnes : celles ayant une bonne connaissance des lois, celles qui savent intervenir dans un litige et celles ayant un « large réseau de relations » afin d’accroître le nombre de dossiers du cabinet. Dans cette optique, des cabinets d’avocats permettent à leur personnel non qualifié de se présenter comme avocat. En réponse à ce problème, la loi sur les avocats interdit expressément aux personnes sans qualification officielle d’exercer (Article 14). Quiconque viole cette disposition est enjoint de cesser d’exercer, ses gains sont confisqués et une amende peut lui être infligée.

• Restrictions à l’exercice de la profession pour certaines personnes

Conformément à l’Article 9 de la loi sur les avocats, les personnes qui ne sont autorisées à exercer la profession d’avocat sont les suivantes : les personnes d’incapacité civile partielle ou totale (34), les personnes ayant été condamnées pénalement (sauf en cas d’homicide involontaire), les personnes ayant été exclues de la fonction publique ou celles dont la licence d’exercice de la profession d’avocat a été révoquée.

Parce que de nombreux membres de l’administration exerçaient « clandestinement » la profession d’avocat, l’Article 13 de la loi sur les avocats interdit explicitement aux employés des institutions gouvernementales de cumuler leurs fonctions avec celle d’avocat. L’Article 36 dispose que des avocats qui exerçaient antérieurement les fonctions de juges ou de procureurs ne peuvent être représentants ad litem ni avocats de la défense dans les deux ans qui suivent la cessation de leurs fonctions. En pratique, de nombreux avocats ont auparavant travaillé dans les tribunaux ou les parquets. Certains souhaiteraient restreindre l’accès de ces avocats au contentieux car leurs antécédents et leurs réseaux de relations pourraient entraver la pratique normale du droit et corrompre le système judiciaire. Ainsi, une série télévisée populaire chinoise intitulée « Famille monoparentale » raconte l’histoire d’une jeune femme qui démissionne de ses fonctions de juge afin de devenir avocate pour défendre son ami qui doit comparaître devant le tribunal où elle a siégé. Dans une telle situation, ses relations avec les autres juges peuvent mettre en doute l’équité du procès. Cependant, l’application des dispositions des Articles 13 et 36 de la loi sur les avocats reste confrontée aux problèmes des fonctionnaires et anciens juges ou procureurs qui exercent officieusement l’activité d’avocat avec le titre de « consultants en droit » (35).

Les cabinets d’avocats

Pour qu’un avocat puisse exercer ses fonctions, il doit absolument s’associer à un cabinet d’avocat. Un avocat ne peut prendre en charge une affaire en son propre nom. Les cabinets d’avocats admettent les affaires de manière uniforme et concluent des contrats directement avec leurs clients (Article 23). Les conditions d’établissement d’un cabinet sont simples : nom, adresse, statuts, actifs de plus de 100 000 yuan et enfin trois avocats à temps plein (Article 15). La loi sur les avocats distingue trois types de cabinets d’avocats : étatiques, coopératifs et associatifs.

Les cabinets d’Etat sont établis par les bureaux administratifs des affaires judiciaires avec des fonds publics. Ils traitent les affaires de manière indépendante. Leur responsabilité est limitée à l’actif du cabinet (36). Le salaire des avocats résulte d’une méthode de calcul souple et efficace prenant en compte l’ancienneté de l’avocat dans ce cabinet, son expérience, sa compétence et la quantité d’affaires traitées (37).

Ces cabinets d’Etat furent la première forme sous laquelle les avocats ont pu exercer leur activité après la restauration de la profession en 1979. Initialement, les avocats jouissaient d’un statut de fonctionnaires et recevaient un salaire fixe de l’Etat. Depuis 1983, une réforme a été entreprise pour qu’ils deviennent indépendants financièrement. En juin 1995, sur les 5 500 cabinets d’Etat qui représentaient 76,4 % du nombre total de cabinets en Chine, 2 674 soit 48,6 % d’entre eux ne dépendaient plus d’un soutien financier gouvernemental (38).

Les cabinets coopératifs sont établis sur une base consensuelle par des associés avec des actifs détenus à parts égales. Le cabinet assume une responsabilité conjointe limitée à l’intégralité de ses actifs. Le revenu des avocats est calculé selon la même méthode que pour les cabinets d’Etat (39). A l’origine, de tels cabinets d’avocats furent établis par des avocats qui quittaient le secteur public et estimaient avoir une clientèle suffisante pour générer des revenus raisonnables.

Les cabinets d’avocats associatifs furent créés de la même façon, par des avocats des cabinets d’Etat. Les biens appartiennent au cabinet et sont apportés par les associés. La responsabilité des avocats y est collective et illimitée (40). Le montant des revenus après déduction des frais, impôts et réserves est divisé entre les associés conformément à un accord passé entre eux. Les avocats salariés de ces cabinets reçoivent une rémunération. Le montant de cette rémunération est fixé par un contrat établi entre les associés et les avocats salariés.

A la fin de 1997, il y avait environ 5 519 cabinets d’Etat, 1 014 cabinets coopératifs et 1 851 cabinets associatifs, ce qui correspond respectivement à 70 %, 10 % et 20 % du total des cabinets en Chine (41). Les cabinets d’avocats d’Etat sont manifestement majoritaires du fait que le choix des deux autres types fait encourir des risques supplémentaires. Politiquement parlant, même si le gouvernement central a montré sa détermination de développer l’économie de marché socialiste et son intention de privatiser certains secteurs, les critiques relatives au changement de ces règles n’ont pas encore complètement disparu (42). Les cabinets d’Etat offrent encore certains privilèges aux avocats comme la sécurité de l’emploi et des subventions gouvernementales incluant le logement et l’assurance médicale même si ces avantages ont vocation à progressivement disparaître à mesure que s’approfondit de la réforme économique. La plupart des cabinets d’avocats privés sont situés dans les zones relativement développées, le boom économique leur ayant offert un terrain de croissance favorable.

En raison des opinions divergentes exprimées lors de son élaboration, la loi sur les avocats évite de mentionner les cabinets individuels, bien que, de fait, de nombreux cabinets de ce type existent, particulièrement dans les zones économiques spéciales (ZES). Par exemple, en juin 1996, le comité permanent de l’assemblée populaire de la province de Hainan adopta un « règlement de la ZES de Hainan sur les avocats en exercice ». Ce texte est le seul qui légalise l’existence des cabinets individuels. En 1997, il y avait 34 cabinets d’Etat, 38 cabinets associatifs et 14 cabinets individuels dans la province de Hainan (43). Récemment, un certain nombre d’avocats chinois après plusieurs années d’études ou de travail à l’étranger sont revenus en Chine pour ouvrir des cabinets privés. Les cabinets de ce type traitent principalement d’affaires civiles ou commerciales sino-étrangères. Certains d’entre eux ont acquis une réputation tant au niveau national qu’international comme par exemple le cabinet shanghaien Duan & Duan (44).

La plupart des cabinets d’avocats chinois sont généralistes. Ce n’est que depuis les années 1990, dans les villes économiquement développées, que l’on voit apparaître des cabinets spécialisés dans les affaires impliquant des intérêts étrangers, le droit de la propriété intellectuelle, le marché des valeurs, l’immobilier, le tourisme international etc… (45). En Chine, pratiquer certaines spécialités du droit requiert la détention d’une licence spécifique. Par exemple, en matière de droit boursier, une approbation à la fois de la Commission de contrôle des valeurs mobilières de Chine et du ministère de la Justice est nécessaire. Une fois ces approbations obtenues, l’avocat peut exercer cette spécialité mais uniquement dans des cabinets où au moins deux autres avocats ont obtenu les mêmes approbations. Actuellement, 1 655 avocats sont spécialisés en droit boursier et 322 cabinets sont autorisés à exercer cette activité (46). De plus, en 1997, le ministère de la Justice, la Commission d’Etat aux sciences et techniques et le Bureau national des actifs d’Etat ont dispensé des formations aux avocats désireux de se spécialiser dans la détermination des droits de propriété des entreprises collectives de haute technologie. La même année, 800 avocats avaient réussi l’examen leur permettant d’exercer cette spécialité (47).

La plupart des cabinets sont de petite taille, comprenant de 10 à 30 avocats. Peu ont plus de 40 ou 50 avocats (48). Les cabinets plus importants peuvent être divisés en plusieurs départements : par exemple, commerce international, immobilier, banque et marché des valeurs, sociétés et fiscalité, transport et assurances maritimes, propriété intellectuelle, contentieux et arbitrage. Ces dernières années, le ministère de la Justice a encouragé les cabinets d’avocats à fusionner pour accroître leur compétitivité au niveau international. Ainsi, le 26 juin 1998, le premier cabinet inter-régional Guo Hua ouvrait à Pékin. Il s’agit d’un grand cabinet coopératif regroupant trois cabinets connus : Zhang Yongtao (Pékin), spécialisé dans la finance, Wanguo (Shanghai) spécialisé en droit boursier et Tangren spécialisé dans les investissements et les fusions de sociétés (49).

Méthode de gestion des avocats et des cabinets d’avocat

Entre 1980 et 1997, le ministère de la Justice et ses bureaux locaux à la fois dirigeaient l’organisation des cabinets d’avocats (zuzhi lingdao) et les contrôlaient sur le plan professionnel (yewu jiandu). La loi sur les avocats a eu pour objectif de modifier ce système : si la direction administrative reste entre les mains de l’administration judiciaire, le contrôle professionnel est désormais confié à l’Association nationale des avocats. L’objectif de cette réforme est de progressivement transformer cette dernière organisation en une véritable association professionnelle. Aujourd’hui, le ministère de la Justice est chargé de délivrer les diplômes (Article 6). Les organes provinciaux de cette administration délivrent les certificats autorisant l’exercice de la profession (Article 11), examinent et vérifient l’établissement des cabinets (Article 19), émettent des avertissements aux avocats qui ont commis des irrégularités, voire révoquent leur licence (Articles 44 et 45). De plus, la tâche majeure du ministère de la Justice est d’établir les règlements d’application de la loi sur les avocats. Par exemple, en novembre 1996, le ministère de la Justice a publié des règles administratives relatives aux licences d’avocats et des mesures administratives pour les personnes pratiquant le droit à temps partiel. Et en janvier 1997, il a promulgué des règles sanctionnant les activités illégales des avocats.

L’Association nationale des avocats de Chine fut établie en juillet 1986 ; puis de nombreuses associations au niveau des provinces et des grandes municipalités ont vu le jour. Les avocats chinois doivent être membres de l’association locale de leur lieu de résidence. Simultanément, ils deviennent membres de l’Association nationale des avocats de Chine (Article 39). Bien que la loi sur les avocats définisse les associations comme des « organisations sociales autonomes », celles-ci ne sont pas professionnellement indépendantes comme en Occident car elles sont dirigées par le ministère de la Justice et ses bureaux locaux. Les fonctions de ces associations sont énoncées par la loi sur les avocats : garantir le droit des avocats de pratiquer leur profession, compiler et échanger les expériences professionnelles, organiser la formation professionnelle, éduquer, examiner et contrôler les avocats sur les plans moral et professionnel ainsi qu’agir en tant que médiateur dans les litiges entre avocats ou cabinets d’avocats.

Ces dernières années, les associations ont joué un rôle croissant dans la protection des droits et intérêts légitimes des avocats. Les associations locales font en général état des cas graves de violation des droits des avocats à l’Association nationale qui, pour chaque affaire, dépêche une équipe d’avocats chargée d’instruire et de résoudre le problème. Dans les affaires d’envergure nationale, l’Association nationale peut réunir des experts ou envoyer ses avocats les plus qualifiés défendre ou représenter leurs confrères dont les droits ont été violés. De plus, l’Association nationale s’est montrée très soucieuse d’informer les organismes centraux compétents des affaires de violation des droits des avocats ; de même, elle a souvent fait appel à l’aide des médias dans ces affaires. Cependant, seulement environ 30 % de l’ensemble des problèmes rapportés à l’Association nationale sont résolus. Afin d’améliorer l’efficacité de son travail, en juillet 1998, cette association a mis en place un comité pour la protection des droits et intérêts légitimes des avocats. Ce comité est constitué de 60 avocats recommandés par les associations provinciales. De tels comités existent dans différentes localités (50).

Le domaine d’activité des avocats

L’Article 25 de la loi sur les avocats énonce sept types d’activités professionnelles en termes généraux. Les avocats peuvent agir en tant que conseillers juridiques ou comme représentants ad litem dans les affaires civiles ou administratives, traiter les affaires pénales, servir d’agents dans le traitement de diverses requêtes, participer aux médiations ou aux arbitrages, traiter de problèmes légaux non contentieux, fournir des consultations et rédiger des actes légaux.

Depuis le rétablissement de la profession d’avocat, le domaine de leurs activités s’est progressivement étendu. Certains spécialistes chinois ont entrepris des études quantitatives sur le rôle des avocats en réponse aux besoins de la société et ont abouti aux conclusions suivantes (cf. tableau) (51). En premier lieu, le nombre total des services offerts par les avocats s’est rapidement accru. De 1985 à 1993, les augmentations suivantes ont été remarquées : 670,1 % pour les services non contentieux ; 371,3 % pour les conseils juridiques aux entreprises ; 346,7 % pour les affaires civiles ou économiques contentieuses ; 89,7 % pour la rédaction d’actes légaux ; 79,2 % pour le contentieux pénal et la représentation ; et enfin 47,6 % pour des consultations juridiques. Le taux moyen d’augmentation pour tous les types de services confondus est de 267,4 % (52).

Tableau – Activités des avocats (1985 - 1997)

Pour tous les chiffres de ce tableau : 1 = 10000.

Deuxièmement, l’offre de services légaux hors litiges s’est considérablement développée. De tels services peuvent être classés en deux catégories selon qu’ils traitent des affaires contentieuses ou non contentieuses. Dans le premier cas, il s’agit d’intervenir dans les médiations, arbitrages, examens administratifs et d’agir en représentation du client en cas de requête administrative, etc. Dans le second cas, il s’agit de la participation dans des domaines tels que le commerce, les investissements, la protection de la propriété intellectuelle, le marché des valeurs, les questions financières, la fiscalité, l’immobilier, les affaires maritimes et les autres cas civils ou commerciaux.

On estime que le principal potentiel d’élargissement de la pratique légale se situe dans les services non litigieux, spécialement dans la sphère du travail non contentieux (53).

Troisièmement, le nombre d’affaires pénales et en matière de représentation a diminué en 1991 puis légèrement augmenté ces dernières années. Cependant, en comparaison aux autres services légaux, il n’y a pas eu d’expansion majeure dans ce domaine-là. Certains spécialistes estiment qu’environ 70 % des affaires pénales sont actuellement jugées sans avocat de la défense (54). En effet, les avocats hésitent à accepter ce type de dossiers car la rémunération est faible et les risques sont grands. Le risque le plus courant est d’être attaqué ou menacé par la partie adverse. Les accusés ou les suspects peuvent également s’en prendre physiquement à leur avocat afin de s’échapper lorsque celui-ci leur rend visite. Certains agents des maisons d’arrêt peuvent transmettre des lettres ou des produits interdits aux détenus et font chanter les avocats lorsque ces actes sont mis à jour. Certains accusés ou leurs proches ne disent pas la vérité aux avocats afin d’échapper aux charges qui pèsent contre eux et, de ce fait, les avocats prennent le risque de faire de fausses dépositions, ce qui est un délit. Parfois l’accusé est insatisfait de la défense de son avocat et se retourne contre lui en justice. Dans d’autres cas, certains fonctionnaires des tribunaux et parquets et des organes de sécurité publique ne respectent pas les droits des avocats et leur reprochent de se ranger du côté des « mauvais garçons » et d’« absoudre de culpabilité des prévenus ». Enfin, les avocats peuvent même être obligés de quitter la salle d’audience (55).

En dépit de tous ces problèmes, il est correct de dire que : « suite au rétablissement du rôle des avocats en 1980, leur capacité à participer aux activités judiciaires a été renforcée, notamment par la fourniture d’informations et la liberté dans la conduite de leur défense devant les tribunaux » (56). Ces dernières années, les autorités gouvernementales ont instauré un programme d’« aide judiciaire » afin de favoriser la mise en place d’un système de défense en matière pénale. Certains bureaux locaux des affaires judiciaires exigent des cabinets d’avocats qu’ils prennent en charge un quota annuel d’affaires pénales. Par exemple, à Nankin les avocats sont obligés d’accepter au minimum quatre affaires criminelles par an comme condition au renouvellement de leur licence. S’ils refusent, ils doivent payer 500 yuans par affaire non traitée au Fond de défense pénale. A Pékin, depuis 1996, les nouveaux avocats sont obligés de traiter cinq affaires pénales au cours de leur première année d’exercice (57).

Droits et obligations

S’appuyant sur presque vingt ans d’expérience, la loi sur les avocats a établi certains principes de base en matière de droits et obligations des avocats. Paradoxalement, ces droits et obligations sont ceux qui sont le plus souvent violés ou négligés en Chine.

Droits

• Les droits civiques des avocats

Les droits civiques des avocats sont inviolables dans l’exercice de leurs fonctions (Article 32). Le principe d’interdiction d’usurper les droits civiques des personnes est un principe constitutionnel. Toutefois, le fait que la loi sur les avocats reprenne cette disposition a une signification pratique. Depuis la réforme du système des avocats, le nombre d’affaires publiées sur les violations des droits civiques des avocats est alarmant (par exemple, les cas où les avocats ont été kidnappés et séquestrés, humiliés ou diffamés) (58). Le domicile de certains avocats a été fouillé, leurs biens confisqués alors que d’autres ont été battus.

En 1995, la mise au jour d’une douzaine de cas sérieux a conduit à poser publiquement la question suivante : « Qui protège les avocats chinois ? » (59). Par exemple, le 22 mars, lorsque l’avocat Peng Jie de la province du Hunan rencontra son client en prison, l’accusé s’échappa avec la complicité du gardien. L’avocat fut accusé du crime de manquement à ses devoirs et condamné à trois de prison par le tribunal local (en appel, sa condamnation a été infirmée depuis). Le 30 mars, l’avocat Ren Shangfei de la province du Hebei, fut mandaté par son client pour aller dans la province du Hunan traiter un litige. Il fut kidnappé et retenu en otage par la partie adverse. Il fut battu, privé d’alimentation et subit d’autres mauvais traitements. Il ne fut retrouvé que le 29 juillet 1995 avec l’aide de l’Association nationale des avocats de Chine et du parquet local. Le 10 avril, l’avocat Ma Haiwang de la province de Shanxi accepta de prendre en charge la fonction de représentant ad litem dans une demande de divorce. Il fut attaqué par la partie adverse, ce qui lui coûta de perdre la vue de l’œil droit ainsi que de nombreuses autres séquelles physiques liées à de mauvais traitements. En mai 1998, l’avocat Jia Yaojin de la province du Henan fut battu dans la salle d’audience par la partie adverse qui accusa alors l’avocat de l’avoir battu. La Cour ne prit aucune décision concernant la partie adverse tant que le gouvernement local ne lui eut pas ordonné de le faire. Les avocats de la localité ont aussi organisé une manifestation pour soutenir Jia. Les cas ci-dessus énoncés ont été relatés par différents journaux et magazines (60).

La principale raison de telles violations des droits civiques des avocats est la faible conscience légale des citoyens, le manque de compétence professionnelle de certains juges ou procureurs et la défaillance des dispositions concernant la sécurité dans ce domaine. La loi chinoise ne manque pas seulement de dispositions en matière de protection, elle contient aussi des textes qui peuvent aisément permettre une violation des droits des avocats.

Par exemple, l’Article 306 de la Loi pénale dispose que si un défenseur ou un représentant ad litem détruit, falsifie des preuves ou suborne des témoins, il peut être condamné à une peine fixe d’emprisonnement. L’Article 38 de la Loi de procédure pénale dispose que les avocats en matière pénale ne doivent pas aider les prévenus à dissimuler, détruire ou falsifier des preuves ou décider ensemble de ce que sera la déclaration du prévenu. La violation de cette disposition légale engage la responsabilité pénale des personnes concernées. L’Article 45 de la loi sur les avocats contient des dispositions identiques. Ces dispositions, en fait, ne font qu’insister sur les moyens de contrôler les avocats et négligent le fait qu’elles peuvent être utilisées contre eux.

La protection des droits civiques des avocats en Chine doit être améliorée si l’on veut que ceux-ci accomplissent le rôle qui leur est attribué dans le règlement des conflits. Néanmoins, faire respecter de tels droits en Chine risque de ne pas être possible avant longtemps.

• Les droits de l’avocat au contentieux

Les lois de procédure pénale, de procédure civile et de procédure administrative comportent de nombreuses dispositions concernant les droits des avocats traitant un litige. La loi sur les avocats ne fait pas seulement référence à la protection de tous ces droits, elle dresse aussi la liste de quelques droits dont la protection est difficile à mettre en œuvre en pratique.

Cette liste comprend le droit de collecter et de consulter les éléments relatifs aux affaires dont ils ont la charge, de rencontrer et correspondre avec des personnes dont la liberté est réduite, de participer à des audiences et d’intervenir au contentieux, de débattre et de défendre des personnes lorsqu’ils agissent en tant que représentants ad litem ou avocats de la défense (Article 30). En réalité, en matière pénale, la possibilité pour un avocat d’avoir accès aux éléments matériels d’une affaire est réduite. Il est autorisé à accéder aux documents tels que le mandat d’arrêt et les actes d’accusation formels, à l’exclusion des preuves et autres documents relatifs aux faits du crime ou du délit. Les avocats se voient souvent refuser le droit de visite de leurs clients détenus par l’autorité pénitentiaire sous le prétexte fallacieux que ceux-ci sont trop occupés, ou il leur est demandé des papiers dont ils ne peuvent pas raisonnablement disposer. Parfois même, les avocats doivent payer des « frais » pour pouvoir voir leurs clients (61).

Le mépris ou le désintérêt des autorités judiciaires pour l’opinion des avocats est même plus fréquent. Sont parfois rapportés des cas où les juges ont exigé que l’avocat cesse sa plaidoirie ou quitte la salle d’audience parce qu’il développait des opinions différentes de celles des juges. Un rapport du ministère de la Justice a même indiqué que certains juges : « rendaient délibérément plus difficile la tâche des avocats » (62). Par exemple, le 11 juillet 1995, l’avocat Zhou Chengxi fut menotté et battu pendant 75 minutes parce qu’il insistait sur un de ses arguments dans une affaire civile. Il a souffert de sérieux troubles physiques et mentaux (63). Ainsi, le rôle de l’avocat comme garant du respect du droit semble être loin d’être accepté par le système judiciaire chinois. Un adage dit même que : « les avocats peuvent invoquer toute sorte d’arguments mais les juges peuvent les ignorer ». Cette réalité désolante amène les avocats chinois à trouver leur force dans l’établissement de relations privées avec les juges ou dans la corruption active des juges.

Aujourd’hui, le gouvernement chinois tente d’éliminer ce fléau et envisage à nouveau de réformer le système judiciaire. De fait, un meilleur respect des droits des avocats au cours des procès pourrait aider les juges à mieux appliquer le droit. Une des questions relatives à l’application correcte de la loi, sujet actuellement en discussion en Chine, est de savoir notamment si un avocat qui pense qu’un jugement est incorrect peut interjeter appel. Conformément à l’Article 180 de la Loi de procédure pénale et l’Article 59 de la Loi de procédure civile, un avocat a le droit d’interjeter appel au nom d’un client. Cependant, ce droit est conditionné par l’accord du client. Ainsi, si le client ne désire pas interjeter appel, l’avocat ne pourra en décider autrement même si le jugement est à ses yeux infondé. Certains spécialistes préconisent d’autoriser les avocats, lorsqu’ils agissent en tant que représentants au civil ou défenseurs au pénal, à soumettre (par le biais des associations d’avocats) une demande écrite de révision de la décision au tribunal concerné ou à une cour hiérarchiquement supérieure s’ils estiment que la décision prise par les tribunaux est fondée sur des faits incorrects ou sur une mauvaise application de la loi ou de la procédure légale. Le respect de ce droit aurait un effet dissuasif sur les tribunaux (64).

• Le droit d’investigation

L’Article 31 de la loi sur les avocats dispose que lorsqu’ils traitent des affaires légales, les avocats peuvent mener des investigations sur les organisations ou les individus concernés si ceux-ci sont consentants. La mise en œuvre de ce principe mécontente largement les avocats chinois. Bien que cet article étende la portée du droit d’investigation à tous les domaines judiciaires, contrairement aux dispositions du règlement provisoire qui le limitaient aux procès, à la médiation ou à l’arbitrage, il ne protège pas ce droit, nécessité, inexistante dans le règlement précédent, du consentement des personnes concernées affaiblit la force obligatoire de cet article (65).

La réforme du système judiciaire, actuellement en cours en Chine, vise justement à accroître la responsabilité des parties, par rapport à celle des tribunaux, en matière de fourniture de preuves. Le plus souvent, les parties comptent sur les avocats pour faire ce travail. Si le droit des avocats de mener des investigations ne peut être suffisamment assuré, leur compétence risque d’être atteinte. Paradoxalement, il est à craindre que le nouveau statut des avocats — ceux-ci sont des « praticiens du droit » et non plus des « fonctionnaires juridiques » — incite les institutions gouvernementales à moins bien respecter leurs droits.

Obligations et responsabilité légale

La loi sur les avocats énonce les obligations générales de cette profession telles que la préservation de la confidentialité des secrets d’Etat, des secrets professionnels et le respect de la vie privée des parties concernées (Article 33). Un avocat n’est pas autorisé à représenter les deux parties dans une même affaire (Article 34) (66). Afin de tenter d’endiguer une pratique scandaleuse mais courante, la loi interdit aux avocats de recevoir des gains illicites en numéraire ou en nature (Article 35) (67). La corruption active des magistrats par des avocats est assez répandue. C’est pourquoi la loi sur les avocats interdit désormais à ces derniers de rencontrer les juges, les procureurs ou les arbitres en dehors des conditions prévues par la loi, en particulier de les inviter, de leur donner des cadeaux ou des pots de vin (Article 35).

L’Article 49 de la loi sur les avocats dispose que les pertes enregistrées par un client du fait de pratiques illégales ou de la négligence d’un avocat, engagent la responsabilité de son cabinet. Si les pertes sont liées à une faute intentionnelle ou grave de l’avocat, le cabinet peut demander à l’avocat de contribuer à leur réparation. Néanmoins, l’Article 49 n’est encore qu’une disposition de principe : la mise en œuvre de ce texte doit encore être imposée. En pratique, les cabinets ne réparent pas le préjudice subi par un client du fait d’un de leurs avocats (68). Cela ne veut évidemment pas dire que les avocats ne causent que rarement des préjudices à leurs clients. Au contraire, le nombre de plaintes enregistrées pour de tels actes est croissant. Les formes les plus courantes de comportement répréhensible sont les suivantes : ne pas agir comme défenseur ou représentant de son client sans raison valable après avoir accepté une commission, ne pas se présenter aux audiences aux heures prévues pour prendre part aux procès ou arbitrage sans raison valable, révéler des secrets commerciaux ou porter atteinte à la vie privée des parties, profiter des droits et intérêts en jeu en utilisant l’avantage d’être l’avocat de l’affaire, perdre ou endommager des preuves importantes pour le client, ne pas respecter les délais sans raison valable entraînant un rejet de l’action en justice, commettre des erreurs significatives sur la nature de l’affaire ou encore faire signer ou agréer un contrat ou un accord qui nuit manifestement aux intérêts du client (69).

En cas de violation de ses obligations légales, tout avocat peut être puni d’un avertissement, d’une suspension de sa licence d’exercice et de la confiscation des gains illicitement perçus. Si ses actes constituent un crime, il verra sa responsabilité pénale engagée (70). Il est assez difficile d’obtenir des statistiques officielles sur les sanctions imposées aux avocats du fait que le gouvernement considère que la révélation de telles informations pourrait porter préjudice à l’image sociale des avocats. Toutefois, sur la base des quelques informations rassemblées ci-après, il est possible de donner un état approximatif de la situation.

De 1985 à 1991, le ministère de la Justice approuva la révocation de 63 licences d’avocats dont 24 pour corruption et vol, 21 pour avoir fréquenté des maisons closes, avoir eu des relations « inappropriées » avec les parents des parties ou pour hooliganisme et enfin 18 pour violation de l’éthique professionnelle. Dans la province du Guangdong, durant les quinze années qui ont suivi la reprise de la profession, 31 avocats furent punis pour avoir violé la loi ou les règles disciplinaires dont 22 virent leur titre d’avocat révoqué alors que neuf d’entre eux se virent interdits de pratiquer. Six pour-cent de ces 31 avocats avaient accepté des pots de vin, 22 % avaient accepté des dossiers ou des honoraires individuellement et avaient perçu des rémunérations exceptionnelles, 6 % avaient pratiqué sans autorisation légale, 19 % avaient falsifié des documents pour obtenir des passeports ou des certificats d’avocats ou bien avaient présenté de fausses preuves devant les tribunaux, 6 % d’entre eux avaient commis des négligences devant les tribunaux ou avaient diffamé la partie adverse et enfin 41 % de ces avocats avaient violé les règles de discipline et d’éthique de la profession (71).

Certaines manifestations négatives de la profession légale ne peuvent être considérées en dehors de la société chinoise. Par exemple, tout en traitant leurs dossiers, les avocats rencontrent les juges, les procureurs ou les arbitres chez eux ou au restaurant et peuvent être tentés de les corrompre. Indubitablement, une telle attitude est le reflet de la manière courante d’agir qui consiste à « passer par la porte de derrière » ou à user de « relations personnelles ». L’on est tenté d’en conclure que « de nombreux avocats préfèrent davantage se fonder sur des arguments juridiques plutôt que d’utiliser des relations personnelles pour servir leurs clients. Cependant, du fait de cette réalité, ils sont dans l’obligation de s’appuyer sur leurs relations afin de ne pas désavantager leurs clients » (72). Enfin, la mauvaise conduite des avocats est souvent liée à la corruption judiciaire dont l’importance est telle aujourd’hui en Chine que le gouvernement a pris la ferme décision de s’y attaquer. Mais les changements continuent de se faire attendre.

Le système des honoraires

Le paiement des honoraires est une des questions les plus sensibles et problématiques. Certains Chinois, sceptiques, qualifient les avocats de « nouveaux riches ». La loi sur les avocats ne contient aucune référence aux honoraires. Elle mentionne simplement que des mesures détaillées seront prises par le ministère de la Justice avec l’approbation du Conseil des Affaires de l’Etat. Jusqu’à aujourd’hui, ce dernier n’a pas encore usé de ce pouvoir. Les dispositions qui sont donc applicables aux honoraires des avocats restent les « méthodes et critères relatifs à la perception des honoraires d’avocats » publiés conjointement par le ministère de la Justice, le ministère des Finances et le Bureau national des prix en 1990 (ci-après les « Méthodes ») (73).

Le principe général énoncé est que les cabinets d’avocats décident d’une échelle détaillée d’honoraires dans le respect des « méthodes » et en prenant en compte la complexité du cas, le temps passé sur le cas, le montant réel des indemnités perçues par le client à l’issue de l’action en justice et le rang professionnel de l’avocat (Article 3). Pour traiter des affaires civiles, économiques et administratives relatives à des conflits de propriété, outre la perception d’honoraires, les cabinets peuvent demander le paiement d’un pourcentage du montant réclamé lors du litige (Article 6). Lorsque le dossier est particulièrement compliqué, les honoraires peuvent être augmentés jusqu’à un plafond équivalent au double du montant indiqué dans les « méthodes » (Article 8). Pour des services juridiques rendus à des étrangers ou des Chinois de Hong Kong, de Macao ou de Taiwan, les honoraires peuvent être décidés en fonction du niveau de compétence de l’avocat, de la quantité de travail requise ou sur la base des heures effectives passées à une affaire (Article 9).

Conformément aux « méthodes », les honoraires sont divisés en huit catégories : réponse aux requêtes judiciaires, rédaction d’actes légaux, traitement d’affaires pénales, traitement d’affaires civiles, traitement d’affaires économiques, traitement d’affaires administratives, conseil juridique et représentation dans les cas non litigieux. Pour chaque catégorie, les honoraires minimum et maximum sont indiqués. Par exemple, pour la prise en charge d’affaires pénales de première instance, les honoraires peuvent aller de 30 à 150 yuans. Pour la rédaction de contrats civils, les frais peuvent aller de 10 à 50 yuans. Pour le traitement d’affaires civiles impliquant des conflits de propriété, le coût peut s’élever à 100 à 200 yuans. Outre ces tarifs, les honoraires peuvent être augmentés d’un pourcentage du montant de l’enjeu du litige : par exemple, lorsque le montant de l’enjeu est supérieur à 5 000 yuans, 3 % peuvent être réclamés en plus sur la tranche de 5 001 yuans à 10 000 yuans.

Comme ces tarifs sont en général trop bas, ils sont souvent négligés dans la pratique, en particulier dans les villes. Par exemple, au Heilongjiang, alors que les avocats des quelques grandes villes traitant des affaires criminelles peuvent facturer quelques milliers de yuans, ceux des petites villes ou districts ne facturent que 300 à 500 yuans (74). Les différences peuvent être considérables. Ainsi, l’avocat Zheng Chuanben de Shanghai a perçu 160 000 yuans pour défendre deux personnes suspectées de meurtre (75). Plus communément, les avocats et leurs clients décident ensemble du montant des honoraires. Cette pratique a jusqu’à maintenant été acceptée tacitement voire souvent privilégiée. Par exemple, un avocat dans le Hunan avait conclu un contrat avec son client, pour une affaire de compensation, dans lequel il était décidé que s’il réussissait, l’avocat recevrait 10 % du montant total de la demande. Mais lorsqu’il fallut appliquer les termes de leur accord, le client refusa de payer. L’avocat dut alors saisir le tribunal qui finalement fit droit à sa demande (76).

En fait, l’absence d’échelle tarifaire applicable a été la cause de nombreux problèmes, en particulier lorsque les frais sont trop élevés ou que les tarifs pratiqués se fondent sur aucune base juridique solide. Ces problèmes ont répandu une mauvaise image des avocats chinois, particulièrement dans les grandes villes. Certaines personnes se plaignent en déclarant que même si les services juridiques fournis par les avocats chinois ne sont pas encore de niveau international, les honoraires, eux, le sont très certainement.

Il semble que l’établissement de tarifs uniformes à toute la Chine sur la perception des honoraires des avocats est une tâche plutôt difficile en raison du développement économique croissant et inégal en Chine. Cependant, il est logique que les honoraires perçus dans les zones économiques plus développées soient plus élevés que dans les régions pauvres. Ainsi, les législations locales au niveau provincial pourraient être utilisées pour mettre en place des standards réalistes et sensés.

Au cours des 20 dernières années, la promulgation de multiples lois, règlements et autres règles locales ont à la fois consolidé et compliqué le système légal chinois. La réforme économique et l’expansion des activités commerciales ont ouvert de nouveaux marchés aux services juridiques et ont favorisé un développement rapide et sans précédent dans l’histoire chinoise de la profession d’avocat.

Cependant, la rapide croissance de cette profession pose aussi des problèmes significatifs. Les plus graves sont ceux qui concernent la compétence et de la responsabilité professionnelle (77). Le manque d’expérience et de tradition de cette profession ainsi qu’une demande en forte augmentation ont souvent privé les avocats chinois du temps nécessaire à l’acquisition d’une bonne formation. De plus, le système légal chinois reste rudimentaire. Les incertitudes de la loi, en particulier lorsqu’elles sont doublées de corruption judiciaire, font des avocats chinois des personnes moins dignes de confiance que leurs confrères occidentaux. On peut dire qu’un développement sain de la profession ne dépendra pas seulement de l’amélioration de la qualité des avocats, de l’éthique, des règles de discipline, mais également de l’amélioration du système judiciaire et de l’environnement social dans lequel la loi est pratiquée. Les avocats font partie du système légal qui, comme un tout, subit des changements significatifs et systématiques. Ainsi, l’amélioration de la profession d’avocat à un niveau proche du niveau international dépendra très largement du succès ou de l’échec de la réforme juridique en cours. On ne peut pas envisager que la profession soit compétente et respectée si elle évolue dans un système légal déficient et corrompu.

Cependant, cela ne signifie pas que la profession ne peut en aucun cas être améliorée avant que la réforme du système légal en Chine soit achevée. On peut observer que la réforme légale, de la même manière que la réforme économique, a été mise en œuvre de manière progressive. Pour le moment, les changements dans l’organisation des procès et les mesures contre la corruption judiciaire sont en tête sur la liste des réformes. La loi sur les avocats de 1997 est une part essentielle d’un tel effort. Cette loi avait l’intention d’améliorer la profession à plusieurs égards. Les avocats sont définis comme des « praticiens du droit » au lieu d’être considérés comme des « fonctionnaires juristes » comme tel était le cas dans la loi précédente. Les avocats sont membres d’associations d’avocats locales qui sont des organismes autonomes. Antérieurement, elles étaient étroitement subordonnées au ministère de la Justice. Les avocats sont encouragés à exercer dans des cabinets d’avocats associés ou coopératifs, qui sont des cabinets privés comme en Occident. Cette loi insiste également sur la protection des droits des avocats, en particulier celui de défendre leurs clients devant les tribunaux. Enfin, cette loi ne pose pas de restriction à l’étendue de leur pratique légale. Ainsi, les avocats chinois peuvent fournir des services juridiques dans toutes sortes de domaines. Il est donc indéniable que l’application de la loi sur les avocats contribue à l’établissement d’une profession compétente et indépendante et à l’amélioration du fonctionnement de la justice. C’est pourquoi il est utile de continuer d’observer l’impact de la loi sur les avocats dans le contexte plus large des réformes juridique et économique qui sont actuellement en cours d’application en Chine.

Traduit de l’anglais par Anne Séverin