BOOK REVIEWS

Mette Halskov Hansen : Lessons on Being Chinese — Minority Education and Ethnic Identity in Southwest China

by  Jean Berlie /

Après un an de recherche à Kunming, Lijiang et Jinghong (1994-1995), Mette Halskov Hansen publie son travail sur l’éducation et l’identité ethnique au Yunnan. Cette chercheuse post-doctorante de l’Université d’Oslo essaie dans l’introduction de répondre, selon sa propre dialectique, à trois questions : 1. Qu’apprennent les élèves des ethnies minoritaires de leur propre identité durant leur scolarisation ? 2. Quel est l’effet de l’éducation « standardisée » (je dirais sinisée) sur les différents groupes ethniques (il s’agit ici plutôt de quelques « minorités nationales » parmi 55, en tout et pour tout) ? 3. Quel est le rôle de l’éducation dans la formation de l’ identité nationale ?

Pour définir ce qu’apprennent (principalement langue et histoire chinoise) ces jeunes étudiants minoritaires, Mette Hansen étudie les Naxi de Lijiang, les Dai de Jinghong, et secondairement les Hani et les Jinuo du Sipsong Panna (Xishuang Banna, sud-ouest du Yunnan). Ce livre constitue une bonne étude de la sinisation de ces peuples (sinicization en anglais, hanhua en chinois, terme seulement mentionné en passant, sans explication). Les groupes minoritaires n’étudient en effet pas leur propre culture ; en revanche, on s’assure, grâce au système éducatif, de leur loyauté envers l’Etat, le Parti, et la majorité Han.

Dans son étude de la minorité naxi, Hansen souligne dans l’introduction, la difficulté d’obtenir des détails précis « sur les aspects religieux et ethniques sensibles » de celle-ci. Ce n’est certes pas chose facile, mais c’est précisément ce qui manque : des questions indirectes, posées à la chinoise, auraient permis de mieux comprendre le mécanisme et les racines profondes de cette éducation des minorités. Pourquoi les Naxi que l’on a forcé à être confucéens en ont tiré avantage grâce à une amélioration de leur éducation principalement après la Révolution Culturelle ? C’est en partie car leur culture, par chance, n’est pas centrée sur le Tibet, toujours sensible, mais s’est développée au Yunnan. Cette culture « Shangri-la » ou dongba (1), comme on dit, bien qu’artistique, reste cependant très floue tout en étant devenue une attraction touristique comme l’a bien mentionné l’auteur de cette monographie.

Lessons on Being Chinese est divisé en cinq chapitres. Répondent-ils à la question de l’apprentissage de l’identité nationale par l’éducation ? Les chapitres 3 et 5, déjà publiés par ailleurs, sont, à ce sujet, les plus intéressants et montrent le rôle assimilateur de l’éducation dans la formation de cette identité. Le dernier chapitre concerne l’éducation chez les Dai et fait déjà partie de l’ouvrage China’s National Minority Education: Culture, Schooling and Development, édité en 1999 par Gerard Postiglione de l’Université de Hong Kong. Il concerne l’idée bien chinoise que les Dai sont « attardés », acculturés, alors que les Naxi, et leur culture dongba, à la mode, ont un plus haut « niveau culturel », (wenhua shuiping). C’est sous l’instigation de l’ancien gouverneur de la province, He Zeqiang, un Naxi lui-même, que la culture dongba a été « reconstruite » après la Révolution Culturelle. Le président Jiang Zemin lorsqu’il inaugura en mai 1999 l’EXPO’ 99 au Yunnan, a aussi loué cette culture Naxi (à Kunming et Lijiang). Celle-ci est certainement moins inquiétante que la culture tibétaine proche ou la culture dai qu’Hansen essaie de définir avec difficulté, en partie car elle existe hors de Chine. La culture dai est devenue «démodée» au Yunnan, mais reste cependant très touristique et nationale (voir les nombreux travaux des Conférences des Etudes Thai et Wang Jun, Zhuang Dong yuzu yuyan jianzhi, 1984).

L’ouvrage de Mette Hansen constitue une bonne introduction à l’étude du système éducatif des minorités peu connues du Yunnan. Cependant le lecteur, anthropologue ou éducateur, aurait voulu en savoir un peu plus sur les raisons du succès de cette éducation chinoise chez les Naxi et de son échec relatif chez les Dai.