BOOK REVIEWS

Xu Xing : “Variations Without a Theme” and Other Stories

by  Andrew Stuckey /

Tous les récits que nous présente Xu Xing décrivent la lutte que mène nos contemporains contre une société qui exige de plus en plus de conformité. Ses personnages existent aux marges et dans les fissures de la vie moderne, et résistent aux modes, à la civilisation et à la normalité. On peut citer, par exemple, le narrateur du premier récit, « On a Side Road », interné dans un hôpital psychiatrique. Il se rappelle un livre d’images de son enfance dont toutes les pages étaient arrachées. Ce livre lui procurait une distraction sans fin car quand il souhaitait lire une nouvelle histoire, il lui suffisait de changer l’ordre les pages. A chaque fois, l’histoire révélait de nouvelles facettes qu’il était seul à comprendre. Il jeta le livre le jour où un adulte bien intentionné remit les pages dans le « bon ordre ». La métaphore du livre sans reliure sert de principe directeur à l’organisation de ce recueil. Cela ne signifie toutefois pas que les différents récits ont été construits au hasard ou sans attention particulière. Au contraire, chacun d’entre eux livre son dénouement suivant son propre rythme, après avoir suivi un chemin tortueux ; chacun offre une différente approche de la lutte existentielle que mènent les protagonistes pour accepter l’absurdité de la vie.

Ces thèmes atteignent leur point culminant dans les deux derniers récits, « Variations Without a Theme » et « Story of a City ». Les narrateurs de ces deux récits sont très excentriques et assumant totalement leur excentricité. Comme le conclut le narrateur du deuxième récit, « [A l’avenir], je serai toujours ce que je suis maintenant, et, quoi qu’il arrive, je serai toujours heureux et distrait. Et quand je traverserai la rue, je ne regarderai jamais si je suis ou non sur un passage clouté » (p. 80). Il ne suit pas plus les normes sociales conventionnelles que les règles de la circulation et une partie importante de l’histoire est une satire de ceux qui prétendent être des leaders sociaux ou intellectuels. Le narrateur de « Story of a City », quant à lui, fantasme sur l’idée d’être renversé un jour par une voiture car il adore doubler les voitures en vélo. « Tous ceux qui ont vu mon vélo disent qu’il me ressemble ; certains disent tout simplement que c’est moi… C’est surtout parce que mon vélo n’est fait que de bouts qui dépassent » (p. 98). Comme son frère dans « Variations Without a Theme », il n’est pas intégré dans la société. Pourtant, tous ces personnages ont le sentiment que quelque chose manque dans leur vie et recherchent désespérément un contact humain pouvant apporter un peu de sens et d’amour à leur existence. Mais cette recherche finit inévitablement dans la douleur.

La préface de ce recueil, rédigée par les traducteurs, se présente comme une analyse (un peu trop longue) des récits qui suivent et une réflexion sur la place de Xu Xing dans la littérature chinoise contemporaine. Mais l’on sent que les auteurs de cet article ne parviennent pas à décider s’ils s’adressent à un lectorat spécialisé ou au grand public. Ainsi, bien que cette préface offre quelques très bonnes lectures des histoires contenues dans le recueil, elle souffre néanmoins d’un certain manque de détermination et de clarté. On peut donc recommander au lecteur non spécialiste de faire l’impasse sur cette introduction et de s’engager directement dans la lecture des récits eux-mêmes, traduits dans un anglais très vivant et dont le ton parfois australien ne trahit en rien le style de l’auteur. Comme le notent Maria Galikowski et Lin Min dans leur introduction, les histoires de Xu Xing ont servi de pont entre les littératures pré-moderne, moderne et post-moderne en Chine. Grâce à cette traduction, elle sont désormais accessibles à un public international.

Traduit de l’anglais par Raphaël Jacquet