BOOK REVIEWS
Jean-Pierre Larivière ed. : La Chine et les Chinois de la diaspora
Une des conséquences heureuses de linscription de La Chine et les Chinois de la diaspora au programme du CAPES et de lagrégation dhistoire et géographie est la multiplication des publications destinées aux non spécialistes. Jean-Pierre Larivière a dirigé lun de ces ouvrages collectifs destinés spécifiquement aux étudiants candidats. Celui-ci débute par quelques pages liminaires utiles sur les questions de transcription et de prononciation (P. de la Robertie), suivies de neuf chapitres rédigés par les meilleurs spécialistes : la démographie (J-P. Larivière, P. Trolliet), lagriculture (C. Aubert), le développement économique et ses conséquences sur lorganisation spatiale (F. Lemoine, T. Pairault, G. Giroir, T. Sanjuan, F. Carré). Chacun actualise un propos qui a déjà fait lobjet de publications dans des revues ou des ouvrages spécialisés. Le mérite de ce livre est de réunir et donc de rendre accessible au plus grand nombre des textes jusque là épars et doffrir ainsi au lecteur un coup de projecteur sur lactualité de la recherche.
Pourtant, cette publication nous paraît sur bien des points inaboutie. La quatrième de couverture promet une « mise au point sur les aspects majeurs de la géographie de la Chine daujourdhui ». On aurait attendu à tout le moins une introduction rapide à lactualité de la recherche géographique sur la Chine, qui aurait justifié le choix des contributeurs et la place de chacun dentre eux (pourquoi le chapitre de G. Giroir est-il trois fois plus important que ceux de ses collègues ?). Cette absence dun texte justificatif des choix opérés (pour un public dhistoriens-géographes, un chapitre sur la prise en compte croissante par les historiens des questions géographiques paraissait tout indiqué (1)) est peut-être à mettre au compte des impératifs de temps qui pèsent sur la publication dun pareil ouvrage. On sétonne également de labsence dun index qui recenserait lensemble des cartes, graphiques, tableaux qui constituent de précieuses synthèses.
Cette introduction générale aurait pu reprendre trois thèmes qui traversent lensemble des contributions. Il sagit dune part de la question de lespace chinois : comment penser et organiser un territoire aux dimensions continentales ? Cette interrogation est abordée par les auteurs qui évoquent à plusieurs reprises la tripartition Chine orientale/centrale/occidentale, la division nord/sud, les macrorégions physiques de Skinner, lopposition littoral/intérieur ou encore les sept grandes régions économiques. Il sagit dautre part dune question géopolitique importante qui court en filigrane, celle des frontières de la Chine : quel rôle, en particulier économique, peuvent jouer les territoires frontières ? Enfin, chaque contributeur insiste sur lampleur des évolutions qui ont accompagné louverture sur lextérieur et les réformes économiques, ainsi que les incertitudes qui pèsent sur lavenir.
Surtout, et cest là la critique la plus sérieuse que lon peut adresser à cette publication, jamais nest explicité ni discuté son titre même, « la Chine et les Chinois de la diaspora » repris au libellé du concours. Or, celui-ci na rien dévident. On pourrait naïvement croire que lobjet du sujet est de discuter des conséquences spatiales du retour de la diaspora chinoise sur le continent, retour facilité et encouragé par 20 ans de réformes ? De fait, nombre des contributions de louvrage traitent du développement littoral et des problèmes quil pose en matière de déséquilibres et dinégalités régionales. Pourtant, cest à une autre conclusion, décevante, que conduit la lecture de louvrage dirigé par Jean-Pierre Larivière : il y a dun côté la diaspora, dont la part est bien maigre (le chapitre de Pierre Trolliet et éventuellement celui de Thierry Sanjuan), et de lautre la Chine (sa démographie, son agriculture, son industrie, son commerce extérieur). Seul le chapitre de Thierry Sanjuan sur Hong Kong aborde en profondeur la question du rapport entre la Chine et son extérieur chinois. Mais Pierre Trolliet sest emporté quelques pages plus haut contre ceux qui considèrent que Hong Kong et Taiwan font partie de la « diaspora chinoise », préférant parler pour sa part de « Chinois de lextérieur » ou de « communautés chinoises doutre-frontières ». Il ne sagit pas seulement dune question de mots, et cela méritait que lon sy arrête plus longuement. Si le jury du concours ne sest pas donné la peine dexpliciter son sujet, les spécialistes avaient le devoir de le faire et, le cas échéant, de souligner ses ambiguïtés ou ses insuffisances. Voici donc une publication utile au regard de la qualité de chacune des contributions, mais dont la plus-value aurait été plus grande si avaient été prises au sérieux les questions transversales posées par le sujet.