BOOK REVIEWS
Thomas Chan, Noel Tracy et Zhu Wenhui, China’s Export Miracle – Origins, Results and Prospects
Les auteurs de cet ouvrage retracent les développements qui ont fait de la Chine lun des acteurs les plus importants du commerce international aujourdhui. En 1995, les échanges internationaux de la République populaire de Chine (RPC) ont dépassé 280 milliards de dollars américains, situation qui aurait semblé inimaginable aux yeux des architectes des réformes économiques de la fin des années 1970, puisquà lépoque ce chiffre atteignait à peine 20 milliards de dollars. Les auteurs y voient le signe dun « miracle » que personne naurait pu prévoir et tentent donc den expliquer les fondements. Deux chapitres traitent tout dabord du rôle et des performances commerciales extraordinaires du Guangdong ainsi que des potentialités dautres régions chinoises à devenir dimportantes sources alternatives dexportation. Le chapitre suivant examine les destinations des exportations chinoises et les difficultés quelles rencontrent dans leur expansion. Enfin, le dernier chapitre analyse les perspectives de développement du rôle de la Chine dans le commerce international.
A la fin des années 1970, la RPC émerge tout juste de son cocon autarcique, largement auto-imposé mis en place deux décennies auparavant. La plupart de ses structures industrielles sont obsolètes et vieillissantes et ne peuvent ni répondre à la demande intérieure ni être compétitives sur les marchés internationaux. Près de la moitié des exportations, en volume, est alors constituée dhydrocarbures et la plus grande part du reste par des produits alimentaires. La Chine doit alors moderniser son économie et a pour cela besoin de nombreux transferts de technologies susceptibles dêtre intégrées au secteur des machines-outils et déquipement, ce quelle ne peut financer quà la condition daccroître considérablement ses exportations. Cela conduit, dune part, à modifier profondément le régime commercial dune économie jusqualors strictement planifiée et, dautre part, à autoriser les étrangers à jouer un rôle majeur par le biais des entreprises à capitaux étrangers. Cette double stratégie se traduit par la mise en place de zones économiques spéciales (ZES) et finalement par louverture du delta de la rivière des perles, créant ainsi une relation de symbiose entre Hong Kong et le Guangdong et plaçant cette province au cur du commerce international chinois. Quelque vingt ans plus tard la Chine est devenue un acteur clé du commerce mondial et les biens manufacturés constituent la plus grande part de ses exportations, auxquels viennent sajouter la part substantielle des machines-outils et déquipements électriques et électroniques.
A lheure des conclusions, les auteurs avancent que le « miracle » va se poursuivre mais constatent que de nombreux obstacles restent à surmonter, le premier dentre eux touchant aux relations sino-américaines. Les partisans de lamélioration de la situation des droits de lhomme et des conditions de travail en Chine sont très actifs aux Etats-Unis et souhaitent en effet voir introduire des conditions strictes dans les relations commerciales sino-américaines. Par ailleurs, lampleur du déficit commercial américain avec la région Asie-Pacifique constitue un sujet dinquiétude récurrent. A cet égard, si la Chine contribue bien à creuser ce déficit, cest pour lessentiel du côté des commerçants et des fabricants basés à Hong Kong et Taiwan quil faut rechercher les responsabilités. Louvrage montre clairement le rôle extraordinaire joué par Hong Kong dans lémergence du potentiel dexportation, non seulement du Guangdong, mais aussi de la Chine toute entière. En revanche, les statistiques commerciales indiquent que les relations commerciales avec la Corée et le Japon sont devenues considérables et que le commerce régional pourrait devenir encore plus important dans un proche avenir, ce qui désamorcerait en partie le débat sur le déficit commercial américain.
Dautres problèmes fondamentaux demeurent, parmi lesquels il faut citer la domination des entreprises à capitaux étrangers comme source des exportations chinoises, provenant essentiellement des industries de transformation des zones côtières. La valeur ajoutée qui se rapporte aux exportations ne sélève quà 25 %, chiffre qui varie de 13 % seulement dans les investissements étrangers à 43 % dans les entreprises purement chinoises. Les raisons qui sous-tendent cette faiblesse sont quune large proportion des intrants proviennent de létranger et que la croissance des exportations chinoises dépend largement des investissement étrangers, lesquels nont que peu de relations avec les industries en amont, si bien que les entreprises de cantons et de bourgs ne sont sollicitées quà la marge. Ainsi lextraordinaire développement de son commerce na pas encore fait bénéficier la Chine de transferts de technologies primordiaux et de vaste portée. Par ailleurs, les statistiques des ZES agrègent les données des importations et des exportations, ce qui exagère limportance du volume commercial chinois. Si cette pratique est courante de par le monde, elle induit en revanche un biais plus important en Chine en raison de la forte proportion des investissements étrangers dans les industries de transformation.
Lexpansion commerciale chinoise va-t-elle se poursuivre ? Les auteurs répondent par laffirmative et donnent plusieurs raisons.
Tout dabord, La RPC dispose encore dun très vaste gisement de main duvre en provenance du secteur agricole qui accepte de travailler pour des salaires bas ou très bas. Dans le même temps, les paysans chinois continuent dobserver la discipline à laquelle les communes populaires, aujourdhui disparues, les avaient habitués. La Chine bénéficie en outre dune base industrielle qui a été très tôt soutenue par lUnion Soviétique et qui sest développée à marche forcée tout au long de la période dautarcie davant les réformes. Léconomie chinoise a connu par ailleurs un processus de modernisation bien différent de celui des économies dAsie du sud-est au cours des 20 dernières années. Par sa taille et les vastes réserves de main duvre dont elle dispose dans lintérieur du pays et jusque dans les régions les plus reculées, la Chine semble pouvoir fournir les bases dune stratégie en « vol doies sauvages » orientée vers les régions intérieures chinoises pour les quelques décennies à venir. En revanche, les bénéfices de ce vaste gisement de main duvre semi-qualifiée et relativement bien disciplinée pourraient être contredits par linsuffisance des infrastructures, et cela de façon évidente dans le cas des régions les plus éloignées des zones côtières privilégiées.
La majeure partie de cet ouvrage a été rédigée avant la crise financière asiatique de 1997 et ses répercussions sur la Chine. Toutefois, les faits et les analyses quil contient demeurent valables et offrent une excellente introduction à la transition dune économie chinoise qui est passée, en deux décennies, dun régime dauto-suffisance stricte à une structure suffisamment ouverte pour faire de la Chine lun des acteurs clefs du commerce international.
Traduit de langlais par Pauline Blatt
 
         
        