BOOK REVIEWS
André Wilmots, La Chine dans le monde, les conflits et différends, le contexte et les moyens
La Chine dans le monde trace le portrait enthousiaste dune Chine puissante, sûre delle-même, unie autour dun pouvoir central bien établi, enfin libérée des pressions des puissances extérieures et vengée par ses succès des « outrages du passé ». Une Chine dont linfluence sur le reste du monde ne peut aller quen sétendant et qui dores et déjà partage avec les Etats-Unis la responsabilité de construire un monde « pacifique et stable ». La Chine dans le monde est un roman sur lequel plane lombre des « triades vertes » du Kuomintang et des samouraïs nippons toujours menaçants. Ce roman nous offre une vision séduisante et illusoire dun espace asiatique encore centré autour dune puissance chinoise bénigne, où la présence américaine naurait plus de raison dêtre.
Deux ans à peine après la publication de cet ouvrage, les rodomontades chinoises à lencontre de Taiwan sont venues démontrer les limites de cette analyse trop optimiste. La Chine elle-même décrit son environnement international comme de moins en moins sûr alors que les réactions de méfiance à son encontre, particulièrement dans son environnement proche, se multiplient. Contrairement à ce que lauteur semble croire, la puissance chinoise nest pas lavenir de lAsie, Pékin constitue au contraire, de par son attachement à un système politique dépassé, bien plus un facteur de déséquilibre que de stabilité dans la région. Lobjectif du pouvoir chinois nest pas aujourdhui de sintégrer au système international en en acceptant les règles et les contraintes mais bien plus de profiter de ce système au mieux, notamment au sein de lONU, organisation qui offre à la République populaire de Chine un pouvoir de nuisance qui va bien au-delà de sa puissance réelle.
La vision chinoise du monde est donc reprise sans critique. Pour notre auteur, seule la Chine est aujourdhui capable de résister à la toute puissance des Etats-Unis, ce qui justifie sans doute toutes les indulgences. Le refus de tout dialogue sur la question du Tibet, sur lequel la souveraineté chinoise nest pas mise en doute, est également justifié par le soutien de lOccident au Dalai Lama. Dans la même veine, la « libération » de Taiwan, « Alsace-Lorraine de la Chine », est considérée comme acquise et retardée uniquement par les ingérences extérieures.
Cette vision fantasmatique de la Chine nuit à lanalyse et à lintérêt dun ouvrage qui aurait pu savérer utile mais quil est difficile de recommander à quiconque ne dispose pas des moyens dune lecture critique. Et ce dautant plus que la transcription fantaisiste de nombre de noms chinois le rend difficile à décrypter (Jen Zemin pour Jiang Zemin, Sion Guangkai au lieu de Xiong Guangkai ). Cet ouvrage ne peut donc être mis entre toutes les mains, sous peine de perpétuer une vision fausse et nuisible de la puissance chinoise, laquelle, depuis Napoléon, nest toujours pas sortie du domaine des rêves. Au spécialiste, le livre de Wilmots napportera rien de nouveau. Il sagit donc dun ouvrage dont on voit mal à qui il pourrait sadresser, mais dont on voit trop bien qui il sert. Et à ce titre, le chapitre consacré à Chris Patten, le dernier gouverneur de Hong Kong, mélange dattaques personnelles indirectes et de jugements lapidaires sur cette « personnalité extravagante », est éloquent.
Louvrage se termine par un hymne à Shanghai et au soldat Lei Feng « antithèse du marine, du para et du légionnaire », voilà de quoi rêver.
 
         
        