BOOK REVIEWS

Lau Chung-ming et Jianfa Shen éds., China Review 2000

by  Leïla Choukroune /

D’ocre et de pourpre vêtus, 100 000 civils et militaires défilent à la gloire du régime communiste, 50 coups de canons résonnent sur la place Tiananmen, la République populaire de Chine célèbre avec éclat son demi-siècle d’existence. C’est sur cette image presque surannée que s’ouvre l’édition 2000 de China Review.

Le six premières contributions ne concernent pourtant pas la politique intérieure de la Chine mais sa politique étrangère. S’il fallait en effet ne retenir qu’une seule chose de l’année 2000, c’est bien l’interaction constante entre la politique étrangère et la politique intérieure chinoises. Le point d’orgue de ce phénomène rarement observé depuis le lancement des réformes fut sans doute la signature, le 15 novembre 1999, de l’accord commercial bilatéral sino-américain qui levait l’un des principaux obstacles à l’accession de la Chine à l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Qui aurait pu prévoir ce revirement salutaire des relations entre Pékin et Washington six mois auparavant alors que les avions de l’OTAN bombardaient par erreur l’ambassade de Chine à Belgrade et que le Rapport Cox dévoilait la réalité des activités d’espionnage chinoises aux Etats-Unis (Wu Guoguang, pp. 27-59 et Peter Van Ness, pp. 61-75). Prisonnière d’une conception statocentrique des relations internationales dans laquelle la souveraineté de l’Etat est élevée au rang d’impératif absolu, la Chine ne pouvait offrir au monde que l’image d’un régime nationaliste, xénophobe et menaçant comme en témoignent encore de nombreux aspects de ses relations avec Taiwan (Jean-Pierre Cabestan, pp. 106-134 et Hu Weixing, pp. 135-156) ou de sa stratégie de puissance sur le théâtre asiatique (voir Quansheng Zhao sur la place du triangle Pékin-Washington-Tokyo, pp. 77-103). L’excellente série d’articles consacrés à la diplomatie chinoise constitue sans nul doute la force majeure de China Review 2000.

Certainement plus hétérogènes et quelque peu répétitives, les contributions relatives aux problèmes économiques restent néanmoins de très bonne qualité. La place accordée à l’accession de la Chine à l’OMC est bien évidemment très importante tout comme celle qui est réservée à l’étude des investissements directs étrangers tant du point de vue institutionnel (Lu Yuan et Terence Tsai, pp. 223-248 et Huang Yasheng, pp. 249-284) que du point de vue de leur répartition dans l’espace chinois (François Gipouloux, pp. 285-305).

On ne peut par ailleurs que saluer le choix de publier un certain nombre d’articles sur le monde rural, l’urbanisation, la réforme du logement ou l’éducation tant ces sujets de sociétés essentiels sont trop souvent délaissés.

Peut-être un peu trop dense pour ne pas laisser une certaine impression de confusion, la chronologie n’en demeure pas moins un outil de travail intéressant à l’image de l’ensemble de cette « revue » unique en son genre.

De manière étrange et assez incompréhensible, aucun article n’aborde les questions politiques intérieures chinoises. La réforme de la Constitution, la promulgation d’une série de lois sur les contrats, la monté des dissensions au sein de la direction du Parti communiste, les campagnes de lutte contre la contrebande, le dixième anniversaire du massacre de Tiananmen ou la répression des adeptes du Falungong, tous ces sujets ont été mis de côté, traités comme des non-évènements.

S’il est exact que China Review 2000 était confrontée à une défi de taille puisqu’il s’agissait de mettre en perspective les principaux événements d’une actualité très riche, rien ne permet de justifier l’absence d’analyse politique. Il y a en effet des silences qui en disent long sur la tentation de cautionner une séparation illusoire du politique et de l’économique. 1949, 1989, 1999, 50 ans et 50 millions de morts. Les « actes criminels menaçant la sécurité de l’Etat » ont remplacé « les activités contre-révolutionnaires », mais le régime communiste reste incapable de proposer une alternative politique susceptible de répondre aux aspirations de la population chinoise.

La cuvée 2000 de China Review ne peut donc que laisser un goût amer, celui d’une Chine de l’arbitraire que certains se refusent de voir.