BOOK REVIEWS

Samuel P. S. Ho et Y. Y. Kueh éds., Sustainable Economic Development in South China

by  Thierry Sanjuan /

Samuel P. S. Ho et Y. Y. Kueh ont réuni ici une série d’articles de chercheurs chinois issus du Programme canadien de recherche sur le développement durable en Chine du Sud. L’objet de l’ouvrage est de rendre compte des transformations et de l’industrialisation du monde rural chinois depuis 1978 dans un périmètre réduit à dix provinces (Anhui, Guangxi, Guizhou, Hubei, Hunan, Jiangsu, Jiangxi, Sichuan, Yunnan et Zhejiang) et deux municipalités (Chongqing et Wuhan).

Il est subdivisé en quatre parties : 1) les processus de mobilisation et de redistribution du capital et du travail ; 2) les problèmes posés et les conséquences de l’industrialisation rurale dans une logique de développement durable ; 3) la réaction des gouvernements locaux aux conséquences des réformes sur l’agriculture ; et 4) la gestion de la terre dans une société rurale qui est confrontée à une urbanisation rapide et qui se tourne pour une large part vers une économie industrielle de marché.

Ces questions sont déjà bien connues. Le collectif dirigé par Samuel P. S. Ho et Y. Y. Kueh les reprend et en donne un exposé clair et convaincant, mais son intérêt tient surtout aux études de cas et aux analyses détaillées de ces problèmes généraux dans un contexte rural local. Le thème du rôle des gouvernements locaux dans la production agricole, les mutations sectorielles du monde rural et les liens avec la ville unissent ces différents chapitres. Les auteurs analysent les pratiques des autorités publiques, les politiques qu’elles ont menées, et suggèrent les solutions qu’elles seraient susceptibles d’adopter à l’avenir.

Xu Zhiming éclaire par exemple les relations de dépendance entre les gouvernements locaux et les entreprises collectives dans les environs de Suzhou par le biais des allocations de crédits. Il montre comment, dans le cadre d’une économie aujourd’hui décentralisée, les investissements destinés aux industries rurales proviennent aussi bien des réseaux bancaires officiels que des employés de ces entreprises collectives, de contributeurs extérieurs ou plus largement des communautés locales, puis des obligations émises par ces mêmes entreprises ou l’actionnariat après 1992. Avant que l’opposition du gouvernement central à de telles pratiques ne réduise sensiblement leur volume, des fonds étaient également fournis par des organismes financiers informels, non reconnus par la Banque populaire de Chine et dépendants des autorités du bourg ou du village ou dérivaient de prêts directement issus de ces mêmes autorités. Un gouvernement local d’échelon supérieur pouvait enfin jouer des solidarités administratives entre les entreprises qui dépendaient de lui pour susciter des prêts des unités bénéficiaires vers celles qui étaient en difficultés.

Wu Qun détaille les effets pervers d’une industrialisation rurale spatialement trop dispersée : elle interdit d’une part aux entreprises des bourgs et des cantons de profiter des économies d’échelle, d’élever leur niveau technologique par concentration entrepreneuriale ; elle ne permet pas d’autre part aux autorités publiques de lutter efficacement contre la pollution industrielle, de limiter la réduction des terres agricoles, de développer des services rentables et de transformer effectivement leur bourg en petite ville. L’auteur montre ensuite les solutions apportées et les économies d’agglomération tentées dans une grande partie de la province du Jiangsu. Les résultats sont indéniables. Les entreprises des localités concernées ont vu leur productivité s’accroître avec les progrès technologiques et leur pollution a dans le même temps diminué. Néanmoins, ce processus de relocalisation et de concentration géographique des entreprises dans des zones industrielles spécialisées reste entravé par la loi foncière chinoise qui pousse les autorités locales à réserver exclusivement leurs efforts au territoire qu’elles administrent, et ainsi à poursuivre une logique de morcellement des lieux de production préjudiciable au développement économique futur. Wu Qun souligne ici combien l’économique reste en Chine dépendant de questions essentiellement politiques.

Wei Xiangdong reprend l’idée d’économies d’agglomération avec l’exemple du « premier » bourg industriel de Chine, Shengze, dans le Jiangsu. Ce pôle régional de production de la soie a vu, grâce à une très forte spécialisation industrielle fondée sur des moyens modernes de production et de commercialisation, rapidement croître ses revenus par habitant, il s’est largement urbanisé et veut s’imposer aujourd’hui comme un modèle.

D’autres articles traitent enfin des efforts d’investissement des autorités locales dans la municipalité de Nankin pour soutenir la productivité et accroître la production agricole suivant une stratégie à long terme qui puisse compenser les logiques de profits rapides des paysans (Yan Yinglong) ; plus globalement, de l’insuffisance des services offerts aux acteurs agricoles (crédit, information…) dans le Jiangsu et de leurs disparités régionales — le Sud de la province étant avantagé, plus encore que par le dynamisme des cadres locaux, par les pratiques collectives des paysans eux-mêmes — (Bao Zhongshun) ; et des diverses mesures prises par les autorités de l’Anhui pour contrôler la réduction des terres agricoles et de constituer des « ceintures économiques urbaines » limitant l’expansion des villes (Lu Liansheng).

Au total, il s’agit d’un livre d’économie très aisément lisible, limitant le recours à des formulations mathématiques et privilégiant les descriptions concrètes. Il sera utile aussi bien aux économistes et aux ruralistes qu’aux géographes, sociologues et analystes des questions ayant trait aux gouvernements locaux en Chine.