BOOK REVIEWS
Thierry Sanjuan, La Chine. Territoire et société
LA Chine est un vaste échiquier sur lequel se joue une partie aussi dynamique que compliquée. Une meilleure appréhension de cet espace, notamment de ses régions et de leurs propriétés géographiques, est depuis longtemps une nécessité, tant intellectuelle qu'économique. Et bien qu'il existe de nombreuses études sur la géographie de la Chine, le volume de Thierry Sanjuan a le mérite distinct d'analyser les orientations dynamiques des évolutions de l'espace chinois en fonction des mutations de la société.
L'auteur débute son texte en décrivant de façon claire et succincte les fondements de la civilisation chinoise, sa pérennité et son empreinte territoriale, en reprenant, notamment, la dichotomie traditionnelle entre les zones intérieures et le littoral. De façon plus caractéristique, on saura gré à l'auteur de démontrer non seulement comment l'architecture territoriale de la Chine a été influencée par des conditions historiques et politiques, mais également comment les « idéologies »  modernité, nationalisme, communisme, etc.  ont partiellement été façonnées par les conditions géographiques. Cette démarche permet d'ailleurs d'apprécier l'importance du « localisme » et le rôle des réseaux familiaux, professionnels et régionaux dans la structuration spatiale économique et sociale du pays.
Thierry Sanjuan brosse ensuite un portrait des transformations profondes qu'a connue la Chine au cours des vingt dernières années. L'auteur démontre comment l'installation d'un système social et productif d'inspiration socialiste a permis à la Chine de reconstruire son espace transactionnel, conçu comme le préliminaire indispensable à l'adoption d'un programme de modernisation fondé sur une politique d'ouverture à l'étranger. L'auteur éclaire alors avec finesse les effets de la présence étrangère, laquelle a créé un malaise identitaire et a imposé une relecture des paysages et de la société.
Pour terminer, Thierry Sanjuan explique comment les mutations démographiques et économiques ont entraîné une recomposition des espaces géographiques, surtout de l'armature urbaine. L'auteur met en perspective le modèle historique de développement urbain de la période maoïste avec celui émergeant de ville-mondiale. La croissance des revenus et la montée d'une classe moyenne urbaine créent une nouvelle dynamique. Cette analyse critique permet à l'auteur d'effectuer une démonstration convaincante s'agissant des limites de certains paradigmes sur les mégalopoles asiatiques et de souligner que les mégalopoles chinoises sont riches de diversité. Cette partie représente sans aucun doute le point le plus fort du volume.
Thierry Sanjuan accorde une importance particulière à la société dans la gestion du territoire. Il nous offre une perspective originale sur les problèmes d'aménagement de l'espace vus à travers l'évolution de la société chinoise. L'auteur puise dans différentes thématiques pour mesurer leurs impacts régionaux : en cela, il offre un très bon portrait des conditions du développement. En revanche, quelques pages plus détaillées sur les réseaux de transport et les corridors géographiques de développement auraient certainement permis de mieux mettre en évidence l'aspect relationnel de la direction du changement.
La Chine. Territoire et société est un ouvrage très bien écrit, abondamment référencé et très fourni en cartes et autres fiches de lecture. Il permet au plus large public de mieux comprendre les conséquences géographiques du changement social et d'identifier certains enjeux du développement que seule une étude approfondie de la géographie chinoise peut mettre en lumière.
 
         
        