BOOK REVIEWS
Sheng Lijun, China’s Dilemma : The Taiwan Issue
De prime abord, l'ouvrage de ce chercheur du Singapore Institute of Southeast Asian Studies se présente comme un précis très complet sur la politique taiwanaise de la Chine. De fait, bien que l'accent soit mis sur la seconde moitié des années 1990, l'étude ne néglige pas les rappels historiques, passe en revue le point de vue de chacun des protagonistes Pékin, Taipei et Washington tout comme les contraintes internes auxquelles ils doivent obéir. L'auteur n'en défend pas moins une thèse : ce serait seulement après le discours de Lee Teng-hui à Cornell, en juin 1995, qu'un véritable consensus, transcendant toutes les factions, se serait formé au sein de l'élite dirigeante chinoise (p. 3 et p. 158) en faveur d'un durcissement de la politique taiwanaise de Pékin. La Chine est depuis lors confrontée à un dilemme dans la mesure où une action militaire contre Taiwan peut mettre en cause la modernisation du pays, objectif jugé prioritaire.
On serait bien en peine de discuter le bien-fondé de cette thèse, tant la démonstration est biaisée par les affirmations péremptoires qui l'émaillent ici ou là. S'agissant du régime politique taiwanais, peut-on encore écrire à la fin des années 1990 : Taiwan « est peut-être effectivement dotée d'une plus grande liberté de la presse et d'expression politique, mais cela n'équivaut pas en soi à la démocratie libérale » (p. 4) ? De même, l'auteur n'hésite pas à considérer que la politique de Taipei en matière d'armes chimiques et nucléaires pourrait justifier une action militaire de la Chine, et plus encore, que cette politique rendrait légitime les demandes d'inspection militaires que la Chine pourrait exiger sous le couvert de diverses conventions internationales et autres accords bilatéraux sino-américains (p. 125). Inversement, on est surpris que l'auteur puisse s'étonner de la dégradation des relations sino-américaines au moment de la fin de la Guerre froide sans mentionner, à cette occasion du moins, le massacre de la place Tiananmen : « La fin de la Guerre froide a sanctionné plus que recompensé la Chine pour son rôle dans l'effondrement de l'Union soviétique. Elle a éte victime de sanctions économiques, en but à une isolation diplomatique et a fait l'objet d'attaques politiques virulentes de la part des Etats-Unis. La Chine n'avait plus connu un tel traitement depuis le début des années 1970 » (p. 40).
Peut-on par ailleurs évacuer le politique en affirmant, comme le fait Sheng Lijun, que la formule « un pays, deux systèmes » est exempte de toute idéologie (ideology-free) dans la mesure où aucune des deux parties n'est supposée imposer son système politique et social à l'autre ? En définitive ce livre participe, involontairement peut-être, de la propagande chinoise même s'il revêt les dehors, sinon de l'ouvrage scientifique, du moins de la compilation méthodique. D'ailleurs, si Sheng Lijun a multiplié les entretiens tant en Chine populaire (à Pékin, Shanghai et Xiamen) qu'à Taiwan, l'essentiel de ses sources restent de seconde main : Reuters, le Renmin ribao, le Strait Times et le South China Morning Post, principalement. Mais plus d'une fois, la source est passée sous silence, qu'il s'agisse des plans secrets américains élaborés pendant la Deuxième guerre mondiale visant à neutraliser l'île ou à la rendre indépendante (p. 10) ou des capacités de l'APL (p. 110), les exemples dans ce registre étant innombrables.