BOOK REVIEWS

David Smith et Zhu Guobin éds., China and the WTO, Going West

by  Leïla Choukroune /

Voici un ouvrage juridique dont on peut tout au moins dire qu'il n'est pas dépourvu d'originalité. China-WTO, Going West prend en effet le parti d'analyser l'accession de la Chine à l'Organisation mondiale du commerce (OMC) sous l'angle de la Go West Policy, c'est-à-dire de la politique volontariste du gouvernement chinois visant à développer la partie occidentale de son territoire. David Smith et Zhu Guobin, co-éditeurs du livre, présupposent ainsi, en introduction, que « l'entrée de la Chine dans l'OMC et l'ouverture du Grand Ouest sont intimement liées », dans la mesure où elles résultent toutes deux d'une «décision politique stratégique des autorités centrales chinoises» et auront un « impact majeur sur la façon dont la Chine pensera le politique, l'économique et le juridique » tout en « bouleversant durablement la portée et la nature de l'investissement » (p. 3). L'accroissement et la diversification de la répartition régionale des investissements directs étrangers en raison de la réforme et de la rationalisation du droit des affaires chinois résulteraient ainsi logiquement de la participation de Pékin à l'OMC.

China-WTO, Going West s'articule donc autour de trois chapitres traitant respectivement du système juridique et de la réforme judiciaire, de la transformation du droit des investissements et du droit patrimonial, et enfin du développement durable de l'Ouest. Le premier d'entre eux, « Legal Order and Judicial Reform in Light of China's Accession to the WTO and its ‘Go West' Policy », comporte un certain nombre de contributions de qualité (Zhu Guobin sur le protectionnisme local notamment, pp. 75-92) mais également des répétitions et des incohérences : était-il bien utile de faire figurer deux articles assez semblables sur la question, certes essentielle, du contrôle judiciaire (Li Chengbin et Zeng Lingliang) ? Et que dire du texte consacré aux possibilités d'expansion des cabinets d'avocats en Chine, doit-on imaginer des hordes de juristes hongkongais privés d'emploi à l'assaut du Qinghai ou du Xinjiang ? Quant à Michael William Dowdle, il apporte une voix dissonante au cœur des louanges : et si l'OMC était « un obstacle » à la réforme juridique chinoise (pp. 35-40) ? Ce court texte tente en effet de montrer à partir de l'échec de l'expérience de la China Securities Regulatory Commission que la transformation à long terme du système juridique chinois pourrait en réalité être freinée par une application stricto sensu des principes OMC (‘reductive' development) contraire à une approche pragmatique, c'est-à-dire prenant en compte différents modèles de développement et permettant l'émergence d'une société civile. On regrettera, néanmoins, que ce point de vue intéressant sur les limites de l'intégration des standards internationaux dans le droit chinois n'ait pas été plus étayé et référencé.

Le second chapitre, « Law Reform, Foreign Investment and Property Rights Under the WTO », dresse un panorama complet et bien informé de la pratique des affaires.

Quant au troisième chapitre, « Sustainable Development in the West—Environmental and Resource Policy », il s'ouvre sur une curiosité : une étude de cas de la médecine traditionnelle chinoise. Bien que ce sujet ne soit pas dépourvu d'intérêt commercial et puisse parfaitement être étudié sous l'angle du droit international, comme le fait Bryan Bachner, on ne comprend pas très bien le lien direct avec l'OMC. C'est en effet abonder dans le sens du gouvernement chinois et faire écho à la propagande médiatique qui voudrait que tout domaine de la vie socio-économique soit profondément transformé — en bien — par la participation de la Chine à une organisation internationale essentiellement responsable de la régulation des échanges commerciaux.

Les deux chronologies sont bien construites, mais contribuent à souligner le caractère assez superficiel de la thèse posée et de ses limites. En effet, la Chine a entamé des négociations pour retrouver son statut de partie contractante au GATT en juillet 1986 alors que la seconde chronologie, qui retrace les principales étapes de la politique de développement de l'ouest chinois, ne débute qu'en 1999, avec le discours de Jiang Zemin (p. xxiii).

Cet ouvrage, dépourvu de véritable bibliographie, se referme sur un appendice (et non pas sur trois comme cela est annoncé dans l'introduction) censé appuyer la démonstration : une note du Conseil des affaires d'Etat sur les mesures relatives au développement de l'ouest chinois. Or, on trouve parmi ces dispositions l'idée d'une application de principes préférentiels, « recette miracle » vouée en réalité à disparaître si la Chine respecte les engagements auxquels elle a souscrit pour accéder à l'OMC… Partant d'une approche originale bien que limitée, China-WTO, Going West, apparaît malheureusement comme un ouvrage inégal, un peu fourre-tout, trop rapidement produit et dont la lecture laisse une impression de confusion liée, sans doute, aux incohérences propres au traitement chinois de cette question.