BOOK REVIEWS

R. Iredale, N. Bilik, S. Wang, G. Fei et C. Hoy, Contemporary Minority Migration, Education and Ethnicity in China

by  Isabelle Attané /

Les migrations villes-campagnes constituent une dimension importante du développement d’un pays. La Chine n’échappe pas à la règle. Épargnée par l’exode rural jusqu’à une période récente, elle connaît aujourd’hui une migration interne massive, qui redessine le paysage humain et économique. Sa politique de réforme et d’ouverture, assortie de la levée progressive des restrictions à la mobilité interne à partir des années 1980, a permis une plus grande liberté de circulation. Les paysans, surtout, mais aussi les habitants des régions économiquement les moins favorisées, affluent notamment dans les grandes villes de l’est du pays à la recherche d’un emploi et de conditions de vie qu’ils espèrent meilleures. Cet ouvrage propose une analyse approfondie de la migration interne, indispensable à une meilleure compréhension des changements inhérents au passage d’une économie planifiée à une économie de marché.

Les auteurs se concentrent sur l’étude de la migration des minorités dans une perspective à la fois sociale, économique et ethnique : mesure des flux, notamment ceux des minorités ethniques par rapport aux flux d’ensemble, et analyse des effets de la migration sur le statut des familles des migrants. Ils attachent une attention particulière au rôle de l’éducation dans le processus migratoire, de même qu’aux causes motivant la migration et aux conditions dans lesquelles elle s’effectue. Ils identifient également les circonstances, notamment politiques, ayant des implications positives sur le statut des migrants.

Trois minorités ethniques sont privilégiées dans cette approche : les Tibétains, les Mongols et les Ouïgours, et cela pour diverses raisons. Tout d’abord, ces minorités sont localisées dans les régions frontalières septentrionales et occidentales, régions relativement peu étudiées. Ensuite, ces groupes sont considérés comme hautement instables, ce qui rend leur étude particulièrement intéressante. Enfin, ils sont très hétérogènes en termes de niveau d’éducation, de mode de vie et de degré d’interaction avec les autres groupes ethniques, notamment les Han.

Outre l’introduction et la conclusion, sept chapitres structurent l’ouvrage. Le chapitre 2, « Migration Research Background », fait un état de la question migratoire et passe en revue les différentes théories de la migration, puis s’attache à décrire le cas chinois : flux de la migration interne, rôle du gouvernement dans le processus migratoire. Dans le chapitre 3, « Ethnicity and Minority Education Policy », sont développés les concepts d’ethnicité et de chineseness de l’époque impériale à nos jours. Puis sont présentées les politiques à l’égard des minorités en matière d’éducation. Le chapitre 4. « Overall Minority Movement », décrit les migrations intra- et inter-provinciales des minorités : destinations privilégiées, statut des migrants avant et après la migration. Les trois chapitres qui suivent, « Inner Mongolia and Mongol Movement », « Tibet and the Movement of the Tibetans », « Xinjiang and Uyghur Movement », présentent quant à eux des études de cas sur les trois minorités concernées, reprenant chacun le même plan : répartition spatiale, caractéristiques socio-économiques et culturelles, et éducation. Enfin, le chapitre 8, « Beijing’s Growing Ethnic Minorities », à partir des résultats de l’enquête ample survey ethnic minority migration de 1996-97, s’intéresse aux migrants originaires de Mongolie, du Tibet et du Xinjiang installés à Pékin. Chacun de ces chapitres offre une peinture à la fois riche et précise des thèmes abordés, ne négligeant ni la dimension historique, ni la dimension culturelle, ni la dimension humaine, ce qui, soulignons le, est rare, et ce faisant fort appréciable.

Nous recommandons vivement la lecture de cet ouvrage à celles et ceux s’intéressant, même de loin, aux questions ethniques et migratoires dans la Chine en transition.