BOOK REVIEWS

Noël Dutrait, Petit précis à l’usage de l’amateur de littérature chinoise contemporaine

by  Jin Siyan /

L’ouvrage traite de la littérature chinoise contemporaine quasi inconnue en Occident jusqu’au début des années 1980 à cause, selon l’auteur, de la situation politique de la Chine. Ayant choisi de privilégier la présentation d’œuvres traduites en français depuis deux décennies, « tout en signalant certaines qui ne l’ont pas été et mériteraient de l’être », l’auteur propose au lecteur français quelques points de repère pour se retrouver dans le foisonnement des mouvements, courants et autres écoles, ou tout simplement pour avoir des informations sur les auteurs. Ainsi, l’ouvrage retrace-t-il les différentes périodes de la littérature chinoise du dernier demi-siècle : la littérature des premières années du régime communiste (1949-1966, le temps du silence) ; la littérature clandestine et la « poésie obscure » des années 1970 (l’école de Menglong) ; les reportages et réflexions qui ont vu le jour après la Révolution culturelle (la littérature des cicatrices) ; le retour de l’influence occidentale et la question de la tradition (le modernisme et la recherche des racines) ; l’écriture « expérimentale » des avant-gardistes (les romans de la nouvelle vague) ; les romans néoréalistes, qui ont connu un essor considérable dès l’automne 1989 ; la littérature féminine, l’un des phénomènes frappants de la littérature chinoise de la fin du XXe siècle, et enfin le prix Nobel de littérature 2000 attribué à Gao Xingjian.

Parallèlement à la nouvelle littérature chinoise continentale, un chapitre important du livre est consacré à la littérature de Taiwan et de Hong Kong. « Il existe à Taiwan un monde littéraire très vivant qui traite en termes plus mesurés de la condition humaine à la fin du XXe siècle ». Cette réflexion littéraire sur la condition humaine a pour toile de fond la société taiwanaise qui, vingt ans plus tôt presque entièrement rurale, bascule grâce au miracle économique et au nouveau mode de vie dans la modernité et la post-modernité. Un autre trait de la littérature taiwanaise que l’auteur n’a pas manqué de souligner est fortement lié à la sensibilité indépendantiste. Il s’agit des écrivains qui, regroupés pour la plupart dans le sud de l’île, se revendiquent avant tout comme taiwanais et produisent ce que l’on a appelé la « littérature du terroir ». Il serait intéressant de connaître davantage l’appréciation de l’auteur sur la qualité littéraire de leurs oeuvres. A la fin de ce chapitre, l’auteur présente trois écrivains de Hong Kong dont Jin Yong, figure emblématique de la littérature « de cape et d’épée ».

La présentation des écrivains concernés est souvent accompagnée de commentaires brefs et pertinents s’appuyant sur des extraits traduits de leurs oeuvres, ce qui rend la lecture plus vivante, persuasive et cohérente. La mise en exergue des problématiques et polémiques ayant trait à certains concepts du monde littéraire chinois d’aujourd’hui constitue également une particularité de ce livre.

Dans la conclusion, l’auteur soulève immanquablement le problème de la traduction, problème auquel s’ajoute la prétendue différence de mentalité. Malgré l’immense difficulté de traduire la langue chinoise littéraire, la mission n’est pourtant pas impossible si par la traduction littéraire on entend lire autrement l’autre dans la langue de l’autre et aussi dans sa propre langue. On sait que dans la dislocation de la langue, certaines traces resteront à jamais invisibles à l’autre. Innombrables sont les pièges de la dissymétrie. Mais la traduction littéraire est fondamentale pour connaître l’autre et le même. Il s’agit ici de l’exposition d’une culture proche à une autre lointaine. Il s’agit aussi d’une introspection du moi pour aller vers l’autre avec la tentative d’aller au plus loin.

Cet ouvrage, petit par sa taille, représente une somme considérable de références précises sur les événements littéraires et sur des écrivains chers à l’auteur, lequel assume et livre volontiers au débat ses choix personnels. Il est cependant regrettable que les réflexions de Noël Dutrait sur certains de ses choix demeurent un peu trop brèves. Une riche bibliographie sur les œuvres littéraires chinoises traduites en français figure en annexe, ce qui ne manquera pas d’encourager le grand public et les étudiants de littérature chinoise à s’immerger plus directement dans les œuvres présentées par l’auteur.