BOOK REVIEWS

Christopher Munn, Anglo-China : Chinese People and British Rule in Hong Kong, 1841-1880

Je ne peux débuter cette recension sans préciser que l’auteur de cet excellent livre est l’un de mes amis (occasionnellement seulement), qu’il cite mes travaux (trop rarement) et qu’il m’inclut dans une liste de personnes méritant des remerciements (pas assez nombreux). Ayant lu, il y a quelques années de cela, plusieurs chapitres dans leur version préliminaire, je m’attendais à un très bon livre. Cela s’est confirmé. Munn analyse la Hong Kong britannique comme un lieu où se rejoignent l’est et l’ouest, où s’engage un dialogue constructif entre deux cultures, et qui témoigne de la bonne gestion britannique en Asie. Cette perspective « anglo-chinoise » était d’ailleurs celle des fondateurs de la colonie, et faisait leur fierté. Cependant, dans les trente premières années de gouvernement britannique, elle n’est pas véritablement entrée dans les faits. Munn suggère qu’en 1881 on s’approchait de cet idéal. Les arguments qu’il apporte pour étayer cette thèse sont le développement de la bourgeoisie chinoise, un certain degré de prospérité des marchands chinois et le début d’une direction autochtone à la tête d’institutions tels que l’hôpital Tung Wah ou le Po Leung Kuk. Cependant, des mesures législatives anti-chinoises injustes étaient toujours en place, seul un chinois (né à Singapour) avait été nommé au conseil législatif (et ce seulement en 1880) et la participation chinoise au conseil exécutif n’interviendra que des décennies plus tard, en 1926. La gestion britannique au XIXe siècle et jusqu’au XXe siècle se caractérise par l’exclusion plus que par la coopération, par la division raciale plus que par l’égalité, par la répression plus que par la libération. L’interprétation de Munn redore la réputation du gouverneur Hennessy (et de manière surprenante, celle de MacDonnell dont la politique inflexible « était une condition préalable essentielle pour l’apothéose de la bourgeoisie chinoise pendant les années Hennessy », p. 369), dans la mesure où l’attitude de Hennessy et ses soutiens, s’ils ont été critiqués par les colons non-chinois, étaient en accord avec le futur autant qu’avec les aspirations du passé. Durant le gouvernement Hennessy, un partenariat embryonnaire a été amorcé entre des groupes de l’élite chinoise et le gouvernement colonial. Partenariat à peine suffisant pour justifier la rhétorique anglo-chinoise, mais constituant cependant une évolution significative. La thèse de Munn se réfère aux travaux de Carl Smith et Elizabeth Show, et leur rend dûment hommage. L’ouvrage porte, ainsi que de nombreux travaux relatifs à l’histoire coloniale, sur l’étude du gouvernement colonial, et notamment sur le système judiciaire. La deuxième partie, « crime et justice », constitue en quelque sorte la substance du livre, dans la mesure où l’autorité de la loi était peut-être au cœur de l’auto-satisfaction de l’impérialisme britannique et a constitué l’un des idéaux les plus spectaculairement détournés. Loin de connaître un système impartial devant lequel tout le monde était égal, Hong Kong, à ses débuts, a souffert de nombreux maux : une application illégitime tant de la loi chinoise que de la loi anglaise, une législation draconienne, une bureaucratie autoritaire, des châtiments illégaux et souvent cruels, la discrimination entre prévenus sur la base de la race et de la classe, la corruption, l’intimidation de témoins, des accusations et des poursuites judiciaires délictueuses, une pénurie d’avocats de la défense et d’interprètes, des juges et une administration judiciaire incompétents, des locaux obsolètes, des avocats sans scrupule et des jurés sélectionnés sur une base raciale qui témoignaient ouvertement leur mépris envers les accusés orientaux. Le système judiciaire était systématiquement, à tous les niveaux, « biaisé contre les Chinois et les autres prévenus non européens » (p. 251). Cela allait de pair avec des méthodes de gouvernement interventionnistes : un maintien de l’ordre sévère, l’état d’urgence, l’enregistrement des personnes, les couvres-feux, la déportation, la réglementation, etc. Le gouvernement indirect ou la non-intervention, qui font également partie du mythe anglo-chinois, étaient absents. Ajoutez à cela l’extorsion policière, la corruption à grande échelle, le racket organisé, des officiels de haut rang vénaux ; et la revendication selon laquelle les traditions britanniques de gouvernement seraient supérieures aux autres semble peu fondée. Munn écrit très bien, et trouve généralement la citation ou l’exemple adéquats. Ses références sont impressionnantes, le matériel est riche et présenté de manière divertissante. Les coquilles sont rares. Je ne sais pas s’il est envisagé d’en publier une édition en format de poche, mais si l’ouvrage de Franck Welsh trouve sa place dans les librairies d’aéroport, alors le livre de Munn devrait se vendre sans problème. Dans une certaine mesure, le moment ne pouvait être mieux choisi : la période britannique achevée, une nouvelle approche de la relation coloniale est bienvenue (et depuis longtemps attendue), une approche ne traduisant ni la complaisance des historiens coloniaux, ni la rigidité des universitaires de Pékin. Munn présente ici un examen détaillé et honnête des débuts de la gestion britannique de Hong Kong, à partir duquel on peut évaluer son développement jusqu’en 1997, et au-delà. C’est un travail remarquable.