BOOK REVIEWS
Lo Shiu-hing, Governing Hong Kong : Legitimacy, Communication and Political Decay
Depuis le milieu des années 1990, Lo Shiu-hing est le plus prolifique et le mieux informé des chercheurs spécialistes de la politique hongkongaise. Dans louvrage commenté ici, le troisième publié ces six dernières années sans parler dun quatrième ouvrage consacré à la politique de Macao , le Professeur Lo fait le récit de lévolution politique de Hong Kong depuis la rétrocession. Lhistoire quil narre donne à réfléchir. Si la République populaire de Chine semble avoir globalement tenu son engagement de respecter dans les formes le principe d« un pays, deux systèmes », inscrit dans la Loi Fondamentale de 1990, pour Lo, la tendance de fond, depuis 1997, a néanmoins été celle dune « dégénérescence institutionnelle » continue qui sest accompagnée dune domination insidieuse des personnes défendant avant tout les intérêts de Pékin. Comme il lécrit audacieusement dans son introduction, « de manière objective, le système politique, économique et judiciaire de Hong Kong [ ] sest dégradé depuis la rétrocession. Politiquement, la Région administrative spéciale (RAS) de Hong Kong devient de plus en plus semblable à la République populaire de Chine » (p. 3).
Lénumération des indicateurs de la dégradation est longue et exhaustive : « en particulier, la dégradation politique se caractérise par une gouvernance plus personnelle ; une mise en place désorganisée des politiques publiques ; un système judiciaire qui se politise de plus en plus [ ] ; des libertés civiles menacées [ ] ; une confusion grandissante entre simple caractérisation politique et vraie mobilisation ; lincapacité des institutions politiques à répondre aux demandes et aux pressions de lopinion publique ; et un gouvernement sourd aux souhaits exprimés par cette même opinion » (p. 13). Cette liste de défaillances du gouvernement est impressionnante. Et dès le début, Lo Shui-hing donne le ton : il ne sera pas tendre dans ses observations critiques. Le livre se découpe en sept chapitres distincts : lhéritage britannique, les conditions socio-économiques, la fonction publique, le chef de lexécutif, le corps législatif, lopinion publique, et le rôle de Pékin. Etayant ses arguments dune profusion dexemples et de faits tirés des journaux, dobservations publiées par différents commentateurs basés à Hong Kong, il montre quà lévidence le système institutionnel est allé en se dégradant depuis 1997. Cependant, son analyse souffre de deux travers aucun des deux naffecte vraiment ses conclusions qui paraissent plus ou moins recevables, même si elles sont peut-être un peu trop caustiques et partiales. Le premier est méthodologique, le second, stylistique.
Sagissant de la méthode, Lo Shiu-hing a peut-être par mégarde commis lun des péchés cardinaux en sciences sociales : le parti pris dans le choix des sources. En fait, il semble quil ait sélectionné soigneusement ses exemples, anecdotes et citations, de manière à ce que le chef de lexécutif hongkongais, Tung Chee-hwa, paraisse aussi incompétent que possible autant de « preuves » qui ne viennent que confirmer les conclusions posées en hypothèses. Lon pourrait objecter que lexercice consistant à donner de ladministration Tung une image positive relève de la mission impossible, quelles que soient les sources considérées, mais puisque Lo Shiu-hing a principalement cherché les « mauvaises nouvelles » et il y en a beaucoup nous ne saurons jamais sil en existe de bonnes. Dans la mesure où louvrage se veut un état des lieux objectif du gouvernement et de la politique à Hong Kong, son manque de mesure est critiquable.
Quant au style, louvrage renferme de très nombreuses répétitions et, à lévidence, le travail dédition a été quelque peu bâclé. Les mêmes arguments se répètent inlassablement, sous des formes légèrement remaniées, souvent suivis de longues citations tirées de sources secondaires. Une large partie des appoints scholastiques auraient pu être supprimés (ou raccourcis) avec peu ou pas de conséquences. On a limpression que Lo Shiu-hing sest senti obligé de présenter toutes les preuves et toutes les citations en sa possession pour étayer son argumentation. Son éditeur aurait dû être plus ferme à cet égard.
Cependant, Governing Hong Kong est un livre utile. Sa critique cinglante de ladministration Tung est peut-être partiale et emphatique, mais au vu de lexemple récent de la gestion absurde de lépidémie du SRAS (entre autres échecs), il est peut-être opportun de souligner que les habits de lempereur sont en effet bien usés.
Traduit de langlais par Mathilde Lelièvre