BOOK REVIEWS
Elisabeth Wishnick, Mending Fences, The Evolution of Moscow’s China Policy from Brezhnev to Yeltsin
Contrairement à de nombreux pays occidentaux, les Soviétiques et leurs successeurs ne nourrissent guère dillusions au sujet de la Chine, telle est lune des principales démonstrations de cet ouvrage. Cela ne signifie toutefois pas que la politique soviétique, puis russe, à légard de la Chine ait toujours été frappée du sceau de lefficacité.
Comme son titre lindique, louvrage dElisabeth Wishnick aborde la question des relations entre Moscou et Pékin du point de vue de la première capitale ; il comble ainsi une lacune importante. Traitant dune période de trente ans riche en rebondissements (1969-1999), ce livre est très factuel et descriptif. Mais il savère aussi extrêmement utile à létude historique du processus de prise de décision en URSS qui apparaît comme beaucoup plus complexe quil ne pouvait le sembler à lépoque , ainsi quà celle de la multiplicité des faisceaux de facteurs dévolution internes et externes, institutionnels et économiques, centraux et régionaux. Ces lumières rétrospectives peuvent, à leur tour, nous fournir quelques pistes danalyse des processus en cours aujourdhui en Chine.
Le chapitre consacré aux rivalités dinfluence entre Oustinov, alors ministre de la Défense, Souslov, lidéologue du parti, Gromyko, chargé des Affaires étrangères, et Andropov, lhomme du KGB, le mieux informé et, comme Poutine aujourdhui, le plus pragmatique est à ce titre particulièrement intéressant. Cest dailleurs Andropov qui approfondira rapidement le processus de rapprochement avec la Chine amorcé par Brejnev à Tachkent au mois de mars 1982.
Louvrage montre aussi comment la superposition dintérêts divers a pu conduire à une longue paralysie jusquà ce quun homme qui possède les moyens et la volonté de briser le carcan parvienne au pouvoir. Et cet homme, ce fut Gorbatchev. Mais la différence entre lURSS et la Chine découle du fait quaujourdhui encore, ce dernier pays a pu échapper, grâce aux réformes de Deng Xiaoping, à lurgence économique et stratégique à laquelle le premier se trouva confronté dans les années 1980.
Lintérêt de louvrage repose également sur lutilisation de sources nouvelles, archives centrales et régionales du Parti récemment publiées, documents du KGB et du ministère soviétiques des Affaires étrangères. En revanche, on aurait aimé voir traité dune manière plus approfondie et dans une perspective historique plus nette la question frontalière, en particulier pour ce qui concerne les frontières que lUnion soviétique et la Chine partageaient en Asie centrale avant 1992. Un dernier regret : cet ouvrage sarrête à lère dEltsine. Il ne reste donc plus quà espérer quElisabeth Wishnick nous livre prochainement un second volume, traitant de la période actuelle, période qui rétrospectivement pourrait faire apparaître lère dEltsine et ses débordements y compris dans leurs composantes pro-chinoises comme une parenthèse(1)