BOOK REVIEWS
Ji Zhaojin, A History of Modern Shanghai Banking. The Rise and Decline of China Finance Capitalism
Cest une entreprise ambitieuse que de vouloir résumer en 260 pages lhistoire des banques chinoises et étrangères de Shanghai pendant un siècle (1842-1952), une histoire gouvernée par des structures financières et monétaires complexes, des évolutions politiques mouvementées guerres civiles et étrangères, pénétration impérialiste, réactions nationalistes, crises révolutionnaires , une histoire qui apparaît à la fois comme un aspect de la modernisation chinoise et comme un épisode de lexpansion du capitalisme international.
Ouvrage de synthèse, donc, létude de Ji Zhaojin réussit à embrasser toutes les facettes de cette histoire. La narration est menée de façon claire, mais nécessairement succincte. Neuf chapitres retracent la naissance des qianzhuang (banques traditionnelles) dès le XVIIIe siècle, létablissement et lessor des banques étrangères (principalement britanniques) après les guerres de lOpium, les efforts du gouvernements de Pékin et des entrepreneurs chinois pour relever ce défi et créer à leur tour des banques modernes, lintervention de nouveaux acteurs japonais et américains à lépoque de la Première Guerre mondiale, la politique de contrôle poursuivie par le gouvernement de Chiang Kai-shek de 1937 à 1945, lécroulement des finances nationalistes et finalement la nationalisation du système bancaire chinois et lélimination des établissements étrangers après la révolution de 1949.
La narration est portée par la chronologie. Elle décrit les institutions, les hommes qui les animent, les politiques officielles, le déroulement des crises nationales et internationales. Elle sappuie sur une documentation solide encore quun peu vieillie et parfois lacunaire. Les sources chinoises sont privilégiées. Certaines, remontant aux années 1950-1960, ont déjà été beaucoup exploitées, mais lauteur utilise aussi de bonnes études et de précieux recueils de documents publiés dans les deux dernières décennies. Son recours direct aux fonds darchives archives municipales de Shanghai, archives dentreprises chinoises reste limité. La bibliographie occidentale se fonde sur des travaux classiques mais vieux souvent dun demi-siècle, tels ceux dAlbert Feueurwerker, Hou Chi-ming, Stuart Kirby, Frank Tamagna. Elle ignore les études ponctuelles de Mark Elvin (sur la crise bancaire de 1910), de Marie-Claire Bergère (sur lAssociation des banquiers modernes de Shanghai) et lexcellente monographie de Brett Sheehan qui tente de jauger, à la lumière du « New Institutionalism », linfluence exercée par les banquiers de Tianjin sur lapparition de « règles du jeu », préfigurant celle dun Etat de droit (1).
Le spécialiste ne découvrira donc guère de faits ni déclairages nouveaux. Il sintéressera cependant à certaines précisions concernant par exemple les procédures observées par la filiale shanghaienne de la Banque de Chine quand, en 1916, elle refuse dappliquer le moratorium décrété par le siège central (p. 102), ou les prêts consentis par les banquiers shanghaiens à Chiang Kai-shek au printemps 1927 pour mener à bien la répression des syndicats et mouvements de masse communistes (pp. 166-170), ou encore les manuvres de la filiale hong-kongaise de la Banque de Chine pour empêcher les autorités nationalistes de transférer ses réserves à Taiwan en 1949 (p. 242).
Ji Zhaojin analyse de façon convenue le rôle des banques shanghaiennes dans le processus de la modernisation chinoise, déplorant les « imperfections » des banques traditionnelles, produits dune « économie précapitaliste », ainsi que leur fragilité face à la concurrence étrangère, ou soulignant les progrès accomplis par les banquiers chinois de 1920, présentés comme porteurs dun idéal de laisser-faire et de démocratie politique (p. 257).
Ji Zhaojin, formée en Chine, mais poursuivant ses recherches aux Etats-Unis, substitue un credo libéral à lancien dogme marxiste. Sa démarche intellectuelle nen reste pas moins empreinte dune certaine rigidité, même si lexpérience familiale aidant son père et son grand-père ont été des acteurs de la scène bancaire shanghaienne pendant le premier vingtième siècle , elle modère parfois lopposition quelle postule entre tradition et modernité et reconnaît que lune peut servir de support à lautre. Pour compléter son analyse, Ji Zhaojin emprunte au registre des idées reçues un éloge du confucianisme conçu comme vecteur de vertus constitutives de lesprit dentreprise : épargne, travail, etc.
Les erreurs de transcription, extrêmement nombreuses dans les notes et la bibliographie, pourraient achever de décourager le lecteur. Ce serait dommage. En dépit de son manque doriginalité, louvrage est le fruit dun travail sérieux ; il rassemble de façon commode des informations dispersées dans de nombreuses monographies et éclaire des mécanismes et des évolutions complexes. Cest une introduction qui sera utile à tous ceux qui sintéressent à la modernisation chinoise et cherchent à mieux comprendre les formes quelle revêt de nos jours.