BOOK REVIEWS
Marian Galik, Influence, Translation and Parallels: Selected Studies on the Bible in China
Le monumental ouvrage de Marian Galik réunit un ensemble de travaux sur les études bibliques en Chine. Il propose une réflexion sur la loi menée dans une perspective chrétienne, qui cite abondamment la Bible et présente au lecteur son sujet de prédilection : l’influence du Livre en Chine.
A l’exception du chapitre d’introduction écrit par un exégète renommé, Irène Eber (Jérusalem), l’ouvrage contient dix-huit essais sur les études bibliques en Chine. La première partie contient huit chapitres sur ces études en langue chinoise. Adoptant une approche « macro », elle guide le lecteur au travers des nombreux ouvrages existants sur les traductions chinoises de la Bible et écrits par des auteurs de différentes confessions chrétiennes. La seconde partie s’attache à des problèmes de littérature comparée. Elle rassemble dix articles qui adoptent une approche « micro » et confrontent les ouvrages d’écrivains chinois contemporains comme Lu Xun, Wang Meng, Mao Dun, Guo Moruo ainsi que des auteurs taiwanais, avec le texte de la Bible.
J’ai lu l’ouvrage de Marian Galik avec intérêt et admiration. J’ai apprécié notamment l’excellence des analyses littéraires que renferment les études comparatives sur la littérature chinoise et la Bible. Une question s’est inévitablement posée : pourquoi les chercheurs chinois de tradition anglo-saxonne n’ont-ils produit aucune étude de la qualité de celle de Marian Galik ? Selon moi, le cas de Marian Galik est un miroir qui reflète ce problème. De tradition culturelle slovène, proche de la communauté et de la culture juive depuis son enfance, maîtrisant plusieurs langues européennes, l’environnement intellectuel de Marian Galik fut propice à l’étude de la parole divine. Le savoir biblique coulait dans ses veines. Ensuite, il a acquis sa connaissance de la littérature chinoise par une patiente et inlassable étude.
Les sciences sociales étant mon domaine d’études, je ne suis pas qualifiée pour juger de l’ouvrage du professeur Galik. J’essaierai néanmoins d’aborder deux questions mineures soulevées par l’auteur, d’un point de vue religieux et politique.
Dans l’essai intitulé « La réception de la Bible dans la République populaire de Chine (1980-1992) » (pp. 92-113), Marian Galik présente les travaux de Zhu Weizhi (1905-1999), notamment ceux publiés dans les années 1980. Il s’attache en particulier aux thèses de Zhu sur la souffrance de Job et son injuste condamnation, telles qu’elles sont relatées dans le Livre de Job.
Selon Marian Galik, « une figure morale et littéraire comme celle de Job serait impossible dans la littérature chinoise, puisqu’en Chine la moralité et le comportement personnel des êtres humains ne sont jamais sanctionnés par un Dieu tout-puissant ou omniscient » (p. 98). Ce qui lui permet de s’interroger : « je me demande pourquoi Zhu Weizhi n’a pas comparé le message de Dieu au chapitre 38 (Livre de Job) avec le Tianwen (Questions adressées au Ciel) attribuées à Qu Yuan » (p. 98).
Zhu Weizhi a considéré les malheurs de Job et son injuste condamnation comme une punition céleste, dans la veine d’un Mencius (p. 97). En ce qui concerne Qu Yuan (Tianwen) dont les souffrances furent équivalentes à celles de Job, on ne saurait donner d’interprétation pertinente sans avoir recours à un argument de type religieux. Dans le Tianwen, on comprend que Qu Yuan fut injustement condamné par l’empereur. Qu Yuan et Job ont souffert d’une même détresse et furent tous deux injustement condamnés. En l’absence d’un Dieu transcendant et juge éternel, Qu Yuan qui n’avait d’autre moyen d’être entendu par ses contemporains que la mort, se jeta dans une rivière afin de témoigner de sa loyauté à l’égard de son souverain et de son patriotisme. Job ne mit pas fin à ses jours parce qu’il croyait en l’existence d’un Dieu tout puissant et juge éternel qui le rétribuerait pour ses peines d’ici-bas.
Je souhaiterais conclure en présentant Wu Jinxiong (John C. H. Wu) (p. 21, pp. 84-88, p. 91), traducteur des Psaumes et du Nouveau Testament. Sa traduction des Psaumes est remarquable, car elle en fait un chef d’œuvre de la littérature chinoise. D’après des personnes ayant connu Wu Jinxiong, son travail de traduction fut aussi un exercice spirituel lui permettant de mieux comprendre la parole divine qu’il cherchait dans les civilisations occidentales et orientales en exerçant les professions de juriste, de philosophe et de diplomate. Dans ses ouvrages juridiques, comme The Jurisprudence: A Treatise, Richly Illustrated with Cases and Reading et The Fountain of Justice[1], il consacre un cinquième du texte à l’étude de questions juridiques dans une perspective chrétienne et cite abondamment la Bible. J’ajouterai pour finir que j’ai eu la chance de lire la traduction chinoise de l’ouvrage de Christian Mathias intitulé Rechtsphilosophie Zwischen Ost und West sur la philosophie de la loi chez Wu. Au terme de cette lecture, il m’est apparu que les relations entre la Bible et la loi restaient un terrain vierge à explorer.
Traduit de l’anglais par Nicolas Ruiz-Lescot