BOOK REVIEWS

Joseph Y. S. Cheng (éd.), Guangdong. Preparing for the WTO Challenge

by  Rigas Arvanitis /

Le développement économique du Sud de la Chine est un phénomène qui n’a pas été prévu. Très vite, le Guangdong a fait « un pas en avant »[1], se situant à l’avant-garde du reste du pays. Sa proximité géographique, culturelle, et ses liens économiques avec Hong Kong en ont fait un terrain de prédilection des universitaires de cette ville[2], et les chercheurs occidentaux ont eux aussi fourni leur lot de travaux sur la région[3]. Le livre édité par Joseph Y. S. Cheng, de la Chinese University of Hong Kong, s’inscrit dans cette longue liste. Il est intéressant par les informations précises sur des aspects méconnus du fonctionnement de l’Etat. En témoignent un article remarquable de Linda Chelan Li sur la réforme manquée des budgets de l’Etat, celui – excellent – de Jessica Chi-mei Li sur la lutte contre la corruption, ou encore la présentation de la modification du système universitaire chinois par l’un des plus grands spécialistes du sujet, Joshua Ka-Ho Mok. L’ouvrage est riche en informations économiques et en références sur les politiques mises en œuvre par les autorités, et ceci reste son principal mérite. Il est utilement pourvu d’un index et d’un glossaire en anglais et chinois.

Curieusement, les articles sur le développement économique et l’insertion du Guangdong dans l’économie mondiale – thème principal de l’ouvrage – sont moins convaincants. A bien des égards, ils apparaissent comme un catalogue des mesures et politiques mises en place à la suite de l’entrée de la Chine dans l’Organisation mondiale du commerce (OMC) ; on y trouve les références précises aux directives, lois et règlements de l’Etat et du Parti. Ils semblent même parfois refléter fidèlement l’analyse des autorités cantonaises (réformes du système bancaire, politique industrielle). Pour cette raison, l’ouvrage est un bon point d’entrée pour l’analyse de l’économie et des institutions publiques du sud de la Chine. Ainsi en est-il des réformes annoncées de la sécurité sociale, du régime des pensions, du traitement du chômage ; ou encore d’un article bien documenté sur les conditions de travail et le règlement des différends entre travailleurs et employeurs

Les enjeux politiques de cette insertion ne retiennent guère l’intérêt des auteurs ou alors ces derniers restent (prudemment ?) hors champ. Le seul article qui les évoque ne concerne que la réforme des autorisations administratives. Sur ce sujet, mieux vaut se référer, par exemple, aux deux excellents numéros de la revue Perspectives chinoises sur l’OMC[4]. De même, rien sur les effets de la croissance sur la consommation, l’urbanisation, le développement technologique ou la création d’entreprises.

Malgré une bonne introduction de Joseph Cheng, il manque une réflexion sur les moteurs du développement économique, en particulier sur la spécificité du Guangdong par rapport au reste de la Chine. L’enjeu – même strictement économique – de l’accession à l’OMC est-il différent à Canton et dans sa région que dans le Zhejiang, le Shandong ou le Dongbei ? Le lecteur reste sur sa faim et tirerait même plutôt la conclusion que le Guangdong n’a finalement rien de très particulier, ce qui est contraire au titre même de l’ouvrage et à la réalité.

Graham Johnson offre le seul article cherchant à comprendre cette spécificité, dans sa dimension historique et sociale. Il avance l’idée que le Guangdong a profité de sa situation marginale dans le système politique et économique chinois. Pas d’industrie lourde, une zone économique pauvre, une terre d’émigration ; autant d’éléments qui vont former la base du futur développement quand le Guangdong obtiendra son statut d’exception administrative et politique dans les années 1980. Enfin, on ne trouve que peu de références au débat déjà bien amorcé en 1999, surtout parmi les officiels chinois, sur la modification en profondeur de la structure industrielle et économique des entreprises qui a été et demeure le cheval de bataille du gouvernement provincial.